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16 septembre 2015

Entre deux pintes et une assiette de haggis, Django Django nous a parlé de son nouvel album

par rédaction Tsugi

Trois ans apre?s un premier album fabuleux qu’on avait regrette? de ne pas ce?le?brer d’une couverture, Django Django s’appre?te a? lui donner une suite. Cette fois, on ne les rate pas, et c’est sur ses terres d’origine, a? E?dimbourg, qu’on retrouve l’un des meilleurs groupes pop actuels.

?????????????Pierres me?die?vales et entrelacs de petites rues pave?es domine?s par une imposante forteresse perche?e sur sa roche volcanique, c’est en plein cœur historique d’E?dimbourg que l’on retrouve les quatre Django Django. Ce 15 fe?vrier, le groupe est de retour sur les terres de sa jeunesse estudiantine pour un concert de remise en forme deux mois et demi avant la sortie de son second album Born Under Saturn. Au de?but des anne?es 2000, trois des futurs membres du groupe se rencontraient la?, sur les bancs du Edinburgh College of Art: Dave Maclean, le producteur et batteur e?cossais, Vinnie Neff, le chanteur irlandais, Tommy Grace, le clavie?riste a? lunettes re?gional de l’e?tape. Renforce? d’un quatrie?me larron, Jimmy Dixon, bassiste anglais, Django Django sortait il y a trois ans un premier disque e?ponyme, qui faisait suite a? une poigne?e de singles forts, de “Storm” a? “Love’s Dart”. Les Django y croisaient avec une virtuosite? certaine rock psyche?de?lique et dance music en enrichissant encore le millefeuilles de traces de folk, de blues, de percussion africaine, des wobbles vrombissants du dubstep et ces premiers singles en co?toyaient d’autres encore plus puissants, de “Default” a? “Waveforms”. L’album fut un succe?s (plus de 200 000 exemplaires vendus) ; trois ans apre?s, le groupe est attendu.

LES CHEVEUX DE CHRIS ISAAK 

Alors qu’on marche dans la vieille ville, quelques heures avant les balances, ils s’amusent. “C’est incroyable de voir a? quel point la ville n’a pas change?, lance Dave. E?dimbourg est un genre de ville-muse?e : tout le centre est classe? au patrimoine de l’Unesco et rien ne peut e?tre de?truit. C’est me?me une ville pluto?t conservatrice: hormis le Festival international (qui me?le arts plastiques, musiques, the?a?tre pendant trois semaines, ndlr), la culture c?a se passe pluto?t a? Glasgow.” Si le groupe ne s’est re?ellement forme? qu’a? Londres en 2009, c’est bien a? l’e?cole d’art d’E?dimbourg que trois des quatre membres se sont rencontre?s : Dave et Tommy y e?tudiaient la peinture, Vinnie l’architecture. En chemin, on s’arre?te au cosy cafe? Black Friars pour un the? et une plonge?e dans les souvenirs. “On e?tait cense?s e?tre en cours ensemble, Dave et moi, mais il e?tait pluto?t re?pute? pour son absente?isme“, s’amuse Tommy. Vinnie poursuit : “J’ai remarque? Dave parce qu’il faisait des DJ-sets au Wee Red Bar, le bar de l’e?cole, les vendredis soir, il passait beaucoup de hip-hop et de funk, il avait aussi sa soire?e reggae et dancehall. On avait aussi pas mal d’amis en commun, on fre?quentait les me?mes pubs comme le Burlington Bertie sans vraiment se parler. Un jour j’ai essaye? de former un groupe, Dave semblait vouloir participer. Mais il n’est jamais arrive? a? la premie?re re?pe?tition.” L’inte?resse? s’explique : “Pour e?tre honne?te, je n’arrivais jamais nulle part. Je me levais pour aller au pub, et quand j’allais en cours c’e?tait pour savoir si quelqu’un allait au pub apre?s !” L’action se situe au de?but des anne?es 2000, longtemps avant la formation du groupe. Chacun va d’abord tenter de creuser sa voix artistique, Dave et Tommy tiendront me?me dans la vieille ville une galerie aujourd’hui disparue. La majorite? de la bande migre a? Londres en 2007. Dans la capitale anglaise, Dave et Vinnie se mettent a? bosser sur des morceaux ensemble en 2008, mettent sur MySpace “Storm” et “Default”, qu’ils n’imaginent e?tre que de simples de?mos. La re?ception sur le Net est plus que bonne, et les salles de concert des alentours veulent les faire jouer. “Ils ont alors pense? a? leurs vieux copains et m’ont demande? de venir jouer avec eux, se souvient Tommy. Je crois que c’est uniquement parce que je posse?dais un synthe?.” “Quant a? Jimmy, raconte Dave, il bossait dans une boutique de jambons – une e?picerie fine pre?cise l’inte?resse?. On espe?rait manger du jambon gratos !” Le quatuor se construira lentement jusqu’a? ce fameux premier album qui sortira en 2012.

A? quelques semaines de la sortie du second, le groupe se reme?more l’e?tat dans lequel il e?tait trois ans plus to?t. “On ne savait pas si qui que ce soit allait nous e?couter, rappelle Jimmy. On n’avait pas d’attentes, pas de pression, a? l’inverse d’aujourd’hui. On venait d’abandonner nos jobs, pas convaincus d’avoir fait le choix le plus judicieux. (rires) On attendait, fe?briles, les premie?res chroniques, les premiers retours.” Les louanges ne tarderont pas et le cycle du premier album assorti d’une tourne?e interminable les emme?nera sur des terres inespe?re?es. “On a joue? au Japon, au festival Fuji Rock, la plus grande foule qu’on ait jamais vue. J’e?tais tellement casse? par le jetlag que j’avais accorde? ma guitare n’importe comment, s’esclaffe Vinnie. J’ai du? passer dix minutes sur sce?ne a? me re?accorder, le public, tre?s poli, m’observait pendant cet e?trange show un peu free jazz.” Au rayon des anecdotes, il y a aussi ce fan acharne? qui leur apporta sur sce?ne des noix de coco, parce qu’un de leurs morceaux avait e?te? cre?e? en en entrechoquant deux pour faire office de percussions, en hommage a? Sacre? Graal ! des Monty Python, ou? un chevalier sans cheval imite le bruit de l’animal avec le me?me subterfuge. “On a surtout rencontre? Chris Isaak, s’e?crie Jimmy! Il e?tait cool, bien sape?, beaux cheveux. Il nous a raconte? avoir perdu sa montre tre?s che?re a? un concert des Clash. Un sacre? mec.”

DU MALI AU STROMBOLI

Les Django Django sont plus re?pute?s pour leur co?te? bu?cheur que pour de?truire re?gulie?rement leurs chambres d’ho?tel en tourne?e. Fin 2013, apre?s un an et demi de concerts incessants, le groupe s’est retrouve? a? la Fish Factory, un studio londonien, pour se remettre progressivement au travail, sans coupure. Pendant la longue anne?e de boulot sur ce Born Under Saturne, les quatre, qui vivent a? cinq minutes les uns des autres dans le nord-est de Londres (mais promettent que c?a s’est fait inconsciemment), n’ont eu que rarement l’occasion de se de?tacher du groupe. Vinnie et Jimmy sont alle?s jouer a? Stromboli, petite i?le volcanique italienne. “On a joue? sur un rocher basaltique, raconte le premier, des genres de versions dub re?pe?titives des titres de Django. On e?tait sur cette falaise, sur un volcan encore en activite? qui connai?t des e?ruptions et projections visibles a? l’œil nu toutes les heures, entoure?s de ca?bles qui passaient partout.” Sans Dave, ils ont participe? a? un concert d’Africa Express, le collectif monte? par Damon Albarn autour de musiciens occidentaux et maliens. Puis Dave est alle? produire l’un des morceaux de l’album chapeaute? par Albarn au Mali. Dave et Tommy ont travaille? a? la musique d’une adaptation d’une pie?ce de Shakespeare en banlieue londonienne. Ils ont me?me e?crit tous ensemble la musique du ge?ne?rique du film Slow West avec Michael Fassbender, re?alise? par le fre?re de Dave, John Maclean, et pre?sente? au dernier festival de Sundance. “Toutes ces aventures annexes nous ont nourris d’ide?es pour le deuxie?me album, nous ont offert un nouveau jus”, assure Jimmy. “On voulait un mix de tout, rapide, lent, sans guitares, avec guitares, j’ai me?me fait un rap, qui n’est pas reste?, rit Dave. Je vois c?a comme une toile, tous les recoins de la peinture ne peuvent pas e?tre sature?s, hyper charge?s, il faut varier les textures, garder des moments plus simples. Je n’aimerais pas que l’on fasse des choses bizarres uniquement pour le plaisir d’e?tre bizarres, il fallait des moments complexes, des moments plus directs, que c?a reste un album de pop.”

 

« Je n’aimais pas que l’on fasse des choses bizarres uniquement pour le plaisir d’être bizarres »
Dave

De fait, ce Born Under Saturn est un peu le me?me pot-pourri qu’avait pu e?tre le premier, du tre?s direct “Snake & Temple” aux morceaux plus e?lectroniques ou? la patte du producteur prend le dessus (“First Light”), en passant par des pistes tre?s percussives dont on imagine de?ja? la transe qu’elles provoqueront en live (“Vibrations”). Certaines choses ont tout de me?me change? pour le quatuor. D’abord, professionnellement, le disque s’est fait a? quatre, la? ou? le pre?ce?dent e?tait principalement l’œuvre de Vinnie a? la composition et Dave a? la production. “C?a nous a pris du temps pour nous habituer a? e?crire tous ensemble”, explique Jimmy. “Puis on a compris comment mettre nos egos au placard, poursuit Dave. C?a ne sert a? rien de tourner autour du pot quand l’un de nous nous fait e?couter un truc mauvais, de re?pondre ‘j’aime pluto?t bien ton truc, mais…’. Non, on lui dit que c’est de la merde et on avance. Au de?but Tommy rentrait tous les soirs en pleurant chez lui.” A? l’e?vocation de ce rude apprentissage du travail en groupe, le rire est collectif. Mais c’est surtout sur le plan personnel que les choses ont bouge?, apprend-on en quittant le Black Fryars pour reprendre notre traverse?e de la vieille ville. Avec sa femme Kate, Tommy a eu il y a six mois une petite Trudy (le diminutif salutaire de Gertrude). “Je n’ai pas vraiment dormi depuis, c’est un peu un soulagement d’e?tre en tourne?e”, confesse-t-il sous le regard me?duse? et hilare de ses camarades. Vinnie attend lui une fille (dont l’arrive?e pre?mature?e rend le shooting de la couverture difficile a? caler a? l’heure ou? l’on e?crit ces lignes), et Dave et sa copine se sont promis de mettre en route leur premier enfant pour la fin de la prochaine tourne?e.

PINTES & CROQUETTES DE HAGGIS

Des quatre, Tommy est le seul a? avoir grandi a? E?dimbourg et prend naturellement le ro?le de chef de troupe, commentant notre marche. Il a me?me eu pour petit job d’e?tre guide des “ghost tours” ces visites de la ville oriente?es autour des histoires glauques (ave?re?es ou fabule?es) que la me?die?vale capitale e?cossaise se raconte de ge?ne?ration en ge?ne?ration. L’affiche de ces “ghost tours” repre?sente la trage?die du Docteur Robert Knox, le plus grand spe?cialiste en anatomie du pays qui dans les anne?es 1820, en mal de cadavres a? disse?quer, commence par voler les corps des hommes et femmes frai?chement de?ce?de?s avant de carre?ment payer deux inconnus pour lui servir de faucheuses. Quelques rues plus loin, Tommy nous montre son ancien appartement juste a? co?te? de la plus ce?le?bre statue de la ville, celle de Greyfriars Bobby, un chien skye terrier dont il ne peut se retenir de nous raconter l’histoire. “Au milieu du XIXe sie?cle, un pe?re de famille de?sargente? e?tait arrive? ici pour un poste de policier pour lequel on lui a attribue? un chien de garde, Bobby. Deux ans plus tard l’homme est mort de tuberculose et tous les jours, le chient restait sur la tombe de son mai?tre, ne sortant du cimetie?re que pour aller manger. Figure-toi que Dave a travaille? sur une adaptation de l’histoire pour un film, en 2006.” Aujourd’hui les locaux et touristes laissent des croquettes pour chien devant la tombe: l’humour e?cossais ? On finit par atteindre la petite rue Victoria, au charme tournant et pave?, en contrebas du massif cha?teau d’E?dimbourg. C’est la? qu’on trouve The Liquid Room, la salle ou? le groupe joue, dans l’enceinte d’une petite e?glise de?saffecte?e. Ce soir le concert est complet, blinde? me?me. Dans la petite salle carre?e, circuler devient carre?ment impossible. L’effet sur le public des tubes du premier album rallonge?s dans des versions tripe?es intenses est dingue, et les nouveaux morceaux, assez rares, semblent de?ja? convaincre. Quelques heures plus tard, Dave retrouve un ro?le qu’il affectionne, celui de DJ, dans le petit bar branche? du Paradise aux murs de?core?s de pintes, pour satisfaire les amateurs de cliche?s. Une petite foule s’amasse au rythme d’un set qui ne soucie jamais de cohe?rence: Snoop Dogg, Lil Wayne, Depeche Mode, Kool & The Gang et me?me l’inoubliable “I Like To Move It” (move it) de Reel 2 Real. Derrie?re les platines, les anciens camarades de fac du groupe se succe?dent dans une ambiance bon enfant a? discuter avec Dave pendant que celui-ci fouille dans son bac de vinyles.

Le lendemain, le groupe prend un train pour Londres, mais on garde avec nous Dave qui, bien que pluto?t secoue? par une soire?e prolonge?e jusqu’au petit matin, nous emme?ne en balade. Premier arre?t a? Underground Solu’shn, le disquaire ou? il a trai?ne? la majeure partie des dix anne?es qu’il a passe?es a? E?dimbourg. “Je venais tout le temps ici, Mikey le vendeur e?tait hyper cool mais je n’osais jamais trop lui parler. Des anne?es plus tard, ce me?me gars a de?couvert qu’on avait fonde? un groupe a? Londres et nous a contacte?s. Aujourd’hui Mikey est toujours notre manageur !” Apre?s un e?change de vieux souvenirs avec celui qui tient aujourd’hui la boutique et une longue pause au rayon bandes originales, on passe devant le Captains Bar, un pub avec des concerts de folk e?cossais ou? le groupe trai?nait pas mal. “J’ai me?me joue? de la trompette dans des orchestres traditionnels”, se souvient Dave amuse?. Arre?t au City Restaurant, sorte de grosse cantine familiale aux tarifs amicaux ou? le groupe avait l’habitude de se re?fugier. De?jeuner traditionnel: fish and chips avec en bonus le?ger des croquettes de haggis, la grande spe?cialite? locale faite d’abats hache?s: oui, c’est bon. On prend un taxi jusqu’au fameux Edinburgh College of Hart: on de?couvre en chemin la splendide architecture victorienne des e?normes e?coles prive?es de la re?gion. Dave nous fait remarquer que les ba?timents de Harry Potter s’en sont inspire?s, l’auteure ayant rejoint la capitale e?cossaise au moment ou? elle commenc?ait a? e?crire la se?rie.

LA CHUTE DU POTEAU

Arrive?s a? la fac, on longe une majestueuse salle d’exposition ou? les sculptures ressemblent a? des tentes Quechua. Un peu plus loin, a? co?te? du mur des petites annonces ou? une femme enceinte propose de poser pour des e?tudiants en peinture, on rencontre Calvin, le patron du fameux Wee Red Bar de l’e?cole, quadra aux airs d’e?ternel gamin, syndrome Romejko version britpop, qui nous ouvre l’endroit tout heureux. On visite aussi la petite salle ou? re?pe?taient The Magnificents, les idoles de toute la fac a? l’e?poque, dont Calvin e?tait le manageur. “Les mecs e?taient trop punk pour accepter d’aller a? Londres pour percer”, se rappelle Dave. C’est aussi ici que re?pe?tait The Zodiac Rule, bref groupe de Dave et Tommy. “On avait me?me enregistre? sur l’ordi d’un des musiciens, mais un poteau est tombe? sur l’ordi et je crois que le mec n’a jamais voulu le faire re?parer parce qu’il avait honte de la quantite? de porno qu’il avait”, lance-t-il hilare. “Vous e?tiez prometteurs, mais pas tre?s assidus pour les re?pe?titions”, lance Calvin. C’est e?galement dans ces murs que Dave avait cre?e? The Bonjour Branch, un petit label avec ses copains Craig Coulthard du groupe Randan Discotheque et Andy Wake du groupe The Phantom Band (qui avait joue? dans la toute premie?re formation live de Django). Sur le label e?tait sorti “WOR”, l’un des premiers singles des Django Django et le premier album de Snide Rythms, le groupe du charmant Calvin. En repartant, Dave, nostalgique, commence a? parler de revenir vivre dans le coin, d’ici quelques anne?es, au calme. Lui qui vient tout juste de lancer son label (Kick And Clap) assure de?ja? vouloir biento?t se mettre en pause de Django Django et passer du temps dans son petit studio d’artiste londonien. Il faudra qu’il se montre patient, car ce deuxie?me album du groupe risque de l’emmener loin.

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ÉDIMBOURG, DÉPRESSION POP

Comme le disent sans mal les membres de Django Django, E?dimbourg n’est pas franchement re?pute?e pour sa sce?ne musicale, et au contraire de la rivale Glasgow, la ville est loin d’avoir une image “pop”. Mais la situation n’est pas comple?tement de?sespe?re?e. C’est a? E?dimbourg qu’on trouve par exemple les derniers vainqueurs du prestigieux Mercury Prize britannique, le groupe de hip-hop Young Fathers. C’est surtout la terre d’origine des le?gendaires frangins de Boards Of Canada. En fouillant bien, on trouve aussi quelques groupes de rock inte?ressants, des mythiques mais brefs Josef K aux re?cemment ressuscite?s Idlewild.

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