đ„ Fight Club : le nouvel album de Darkside, pour ou contre ?
Un album, deux avis. Aujourdâhui sur le ring, le nouvel album du duo Darkside, Spiral. Fight !
Article issu du Tsugi 142 : MUSIQUE & DROGUE, histoires stupéfiantes, en kiosque et en ligne.
Pour dire du mal de Darkside, lâidĂ©al serait de commencer en les prĂ©sentant comme un jam band, mĂ©langeant cordes et machines. Pour en dire du bien, lâidĂ©al serait de les prĂ©senter de la mĂȘme maniĂšre. Car il est difficile de trouver une description plus fidĂšle du duo formĂ© par Nicolas Jaar et le multi-instrumentiste Dave Harrington. Il faut dire que lâintĂ©rĂȘt principal du projet, en particulier en live, vient de leur capacitĂ© Ă improviser et se rĂ©pondre. On est dâailleurs heureux de retrouver la voix du musicien chilien sur ce deuxiĂšme album, lui qui sâĂ©tait fait de plus en plus discret au fur et Ă mesure quâil augmentait les BPM sous son patronyme dâAgainst All Logic. Mais cette forme dâomniprĂ©sence de Jaar est en trompe-lâĆil, tant elle semble dissimuler la place grandissante prise par Dave Harrington et ses expĂ©rimentations. Preuve, sâil en fallait, que sa basse, notamment, ne se limite jamais Ă nâĂȘtre quâun simple accompagnement et vient affirmer son statut de musicien dâimprovisation. TournĂ© vers le spirituel, Spiral nous entraĂźne dans un univers peuplĂ© de figures prophĂ©tiques (le docteur de « Lawmaker ») et de mĂ©taphores (« Liberty Bell »). De quoi en faire un tout dont lâĂ©coute est plus apprĂ©ciable lorsquâelle est Ă©goĂŻste. Spiral invite tellement Ă lâintrospection quâil est impossible de partager la profondeur de son expĂ©rience sonore. Chose rare pour un jam band, qui aurait pu avoir tendance Ă sâĂ©garer dans des circonvolutions boursouflĂ©es et inutiles, on ne trouve pas ici un seul morceau qui pourrait passer pour superflu. Chaque titre se suffit Ă lui-mĂȘme, et parvient Ă sâinscrire dans un grand tout cohĂ©rent et ambitieux. Chapeau.
Valentin Allain
Quand Nicolas Jaar a-t-il commencĂ© Ă nous gonfler ? LâhonnĂȘtetĂ© nous pousse Ă rĂ©pondre : trĂšs vite. Pourtant, il y a dix ans pile, la dĂ©couverte du magistral Space Is Only Noise fut un choc musical. La rĂ©vĂ©lation dâun univers particulier, oĂč le producteur dâorigine sud-amĂ©ricaine malaxait dans la lumiĂšre rĂ©fĂ©rences free-jazz, electronica et abstract hip-hop. Depuis, il nâa jamais cessĂ© de nous ennuyer, confondant souvent ambition et prĂ©tention. Mais soyons justes. Il y eut quand mĂȘme au milieu de la dĂ©gradation de nos rapports une parenthĂšse enchantĂ©e : la sortie en 2013 de Psychic, premier album du projet Darkside, imaginĂ© en collaboration avec Dave Harrington. Comme si la prĂ©sence dâun tiers dans le studio faisait dĂ©gonfler (un petit peu) la tĂȘte du fils dâAlfredo, cĂ©lĂšbre architecte chilien. Nouvelle preuve trĂšs rĂ©cemment avec le remarquable premier essai de Buzzy Lee, auquel Jaar a brillamment apportĂ© une touche « scientifique». Donc logiquement lâannonce dâun second Darkside a (presque) soulevĂ© notre enthousiasme. Qui sâest vite retrouvĂ© douchĂ© Ă lâĂ©coute de ce pensum aux contours parfois new ageux, comme en tĂ©moigne lâouverture « Narrow Road », avec son riff de guitare aigrelette qui porte sur les nerfs. DĂ©pourvu de toute spontanĂ©itĂ©, le duo se regarde diffuser son robinet dâeau tiĂšde mi-ambient-folk, mi-electronica. Avec comme seul effet de provoquer de multiples bĂąillements devant lâenchaĂźnement de tempos systĂ©matiquement cotonneux au milieu desquels viennent se noyer la voix vaseuse de Jaar et ses encombrantes parties de six cordes progressives. Quand le rythme sâanime un peu, la paire arrive Ă nous sortir de notre torpeur et une inventivitĂ© moins nombriliste sâempare de certaines compositions, on se met Ă imaginer les contours radieux de ce quâaurait pu ĂȘtre cet album. Avec des « si »âŠ
Patrice Bardot
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