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12 décembre 2016

Francesco Tristano, Derrick May : duo gagnant

par Benoît Carretier

Extrait de Tsugi 98 (décembre-janvier 2016-2017) 

Allié à la figure techno Derrick May, le pianiste Francesco Tristano parvient avec son quatrième album électronique à rendre un hommage virtuose à l’héritage de Detroit. Mais pas uniquement.

Depuis qu’il a connu son épiphanie électronique, le pianiste Francesco Tristano n’a jamais pu se résoudre à choisir entre musique classique et électronique. Aux albums de classique, où le prodige luxembourgeois fait montre de l’étendue de sa technique en s’attaquant à Jean-Sébastien Bach (les concertos pour piano, les albums Long Walk ou bachCage en 2011, où il réinterprète aussi le répertoire de John Cage), répondent les disques ouvertement électroniques, entre dancefloor et expérimentations, publiés chez InFiné (Not For Piano, Auricle/Bio/On et Idiosynkrasia) ou Get Physical (le DJ-mix Body Language XIV).

Car Tristano est double. Diplômé de la prestigieuse école de musique new-yorkaise Juilliard School, il étudiait Bach le jour tout en faisant son éducation électronique dans les clubs de la ville la nuit. À l’heure du nouvel album, celui qui a collaboré avec Carl Craig a remonté la source de la techno originelle et remis devant des machines Derrick « Innovator » May, l’un des hommes à l’origine de la révolution de Detroit, qui n’avait pas passé autant de temps en studio depuis presque 20 ans, et a réalisé avec lui la moitié de son nouvel album Surface Tension, tout juste paru chez Transmat. Né de p:anorig, un projet live lancé à Sónar, où le pianiste s’était entouré de pléthore de claviers et de machines (mais d’aucun piano), Surface Tension a évolué en un projet concret enregistré dans le studio de Tristano, où la paire de producteurs a pu piocher dans la collection de machines accumulées par le pianiste au fil des ans. Mi-album solo, mi-album collaboratif, le disque tire pleinement parti de cet équipement, exploité avec déférence mais intelligence par les deux comparses le temps de huit longs titres aux univers sonores contrastés.

Si la patte de May se fait sentir sur les quatre titres qu’il a coproduit, exsudant une mélancolie que l’on retrouvait dans bien des sorties de l’âge d’or de Detroit (en particulier sur le très beau « Infinite Rise » et les remuants « In Da Minor » et « The Mentor »), la moitié où Tristano évolue en solo démontre que l’élève a dépassé par bien des égards ses maîtres. De l’exercice de style du remix piano/machine du « Merry Christmas Mr. Lawrence » de Ryuichi Sakamoto au groove pernicieux de « Rocco’s Bounce », où l’expérimentation sonore rejoint le dancefloor, jusqu’au fracassé « Xokolad », il prend des risques, tente de casser les codes, frôle parfois le délit de perfectionnisme, sans jamais y succomber totalement. Et s’il manque parfois un peu de lâcher prise, la maîtrise totale de ce Surface Tension balaie toutes les critiques.

Surface Tension (Transmat), sorti le 25 novembre

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