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Crédit : Marcelo Setton
31 octobre 2017

Interview en images : Matias Aguayo

par Vincent Brunner

Avec The Desdemonas, l’ancien Closer Musik s’est créé son groupe de rock. À l’occasion de la sortie de Sofarnopolis, interview en images, entre grandes joies et souvenirs douloureux.

Minimal Compact

Cela fait partie des groupes que j’écoutais à mon adolescence avec Tuxedomoon. J’habitais pas très loin de Cologne dans une petite ville et l’accès à la musique dans les années 80 n’était pas si facile. J’ai découvert beaucoup de groupes en écoutant la radio.

Tu connaissais déjà le label Crammed Discs sur lequel tu as signé pour ton nouvel album ?

Oui, en plus de Minimal Compact ou Tuxedomoon, j’avais plusieurs disques de la série Made To Measure. Ado, Crammed Discs était déjà une référence importante pour moi. Du coup, j’ai été super content d’avoir cette opportunité : faire le projet de The Desdemonas sur Crammed. Pas seulement pour les groupes new wave mais aussi pour le reste de l’histoire, le travail avec les groupes africains comme Konono n°1 ou Kasai Allstars, ou avec d’autres artistes que je respecte comme Juana Molina. Avant de penser à faire un nouveau disque, je cherchais seulement à revenir sur mes premiers pas musicaux, quand j’habitais dans la campagne allemande et que je me faisais des cassettes avec des choses plutôt new wave que j’entendais à la radio. Je suis parti dans un appart’ situé dans la banlieue de Cologne. Je me suis retrouvé tout seul pendant deux semaines pour développer des idées et travailler sans ordinateur. Je composais de la musique sans avoir aucune ambition, je ne pensais pas que ça allait devenir quelque chose d’important. Je me suis rendu compte que, comme je perds un peu la mémoire, mes souvenirs de la new wave diffèrent un peu de la réalité, de comment sonnaient vraiment les groupes de l’époque. Mais ce sont justement ces souvenirs qui m’ont servi de référence !

 

Othello’s Lamentation (William Salter, 1857)

En général, je ne travaille pas de manière conceptuelle, j’essaye de créer des situations où je vais trouver des surprises. Quand je me penche sur les paroles, je commence de manière intuitive, je chante dans une langue qui a des sonorités anglaises, mais qui n’est pas de l’anglais. Je ne sais pas si l’on peut comparer ça à la technique de l’écriture automatique, c’est plutôt la musicalité des paroles qui m’intéresse, pas les concepts ou le sens. Ce processus a plus à voir avec le subconscient. Je chante une chose que j’ai improvisée, je réécoute ensuite en essayant de déchiffrer ce que j’ai chanté. C’est aussi comme ça que le nom de l’album, Sofarnopolis est arrivé, la même chose avec The Desdemonas. Je n’ai pas vraiment songé à Othello ou Desdémone, les personnages de Shakespeare, j’ai plutôt puisé dans mon imagination. Il y a pour moi un monde parallèle et fictif où certains groupes existent. The Desdemonas, c’était juste un nom sur un dessin, un nom de groupe des années 60 comme Bill Haley & His Comets ou Gladys Knight & The Pips. C’est avec ce genre de feeling que je suis arrivé au nom de The Desdemonas, pas trop en pensant à Shakespeare.

En revanche, tu connais bien le théâtre…

Oui, mon aspiration professionnelle a longtemps été de devenir metteur en scène au théâtre. À un très jeune âge, j’ai connu tous les boulots que l’on peut rencontrer au théâtre. Ce background est encore important, il m’aide à savoir comment diriger un ensemble de personnes pour réaliser une idée artistique.

Pourquoi avoir monté un groupe autour de toi ?

Après avoir travaillé seul, j’ai remarqué que ce genre de son avait besoin d’un groupe. Travailler avec The Desdemonas, c’est aussi une libération. Sur scène, je peux me concentrer sur le chant, la danse.

 

Augusto Pinochet

Je suis né au Chili onze jours après le coup d’État du Général Pinochet le 11 septembre 1973. Mon père (militant d’extrême gauche) était recherché par les militaires. Alors, quand je suis né, il est entré par la fenêtre de l’hôpital pour me voir… Même les hôpitaux étaient occupés par les militaires. Pour ma famille, cette période a été terrible. Mon père s’est fait torturer, on a ensuite fui en Allemagne – c’est le premier pays qui nous a acceptés. Une chance ! Il y a quelques années, j’ai d’ailleurs accompagné mon père au Chili quand l’un de ses tortionnaires a été retrouvé. Au final, je suis à la fois chilien et allemand. Bizarrement, mon pays natal et mon pays d’adoption ont vécu de terribles expériences à cause du fascisme. Cela m’a peut-être aidé à développer une capacité analytique à reconnaître les fascistes. Du coup, je suis préoccupé, choqué, par le monde actuel. Ceux qui disent qu’ils ne sont ni de droite ni de gauche et qu’il faut un peu oublier le passé, je trouve ça très préoccupant. Car je reconnais cette façon de penser. À cause de ces extrémistes, il faut être très conscient et très actif.

 

The Zodiacs

J’ai écouté « Walk On By » de The Zodiacs durant la première tournée des Desdemonas. J’avais acheté une mixtape à Portland, Oregon, sortie par une petite maison de disques locale, Mississipi Records. Il y avait ce morceau, « Walk On By » (rien à voir avec la chanson popularisée par Dionne Warwick, ndr) qui me plaisait beaucoup, mais je ne connaissais rien du groupe jamaïcain The Zodiacs. D’ailleurs, même si on fait des recherches, on ne trouve pas grand-chose. Avant de continuer, je dois souligner l’importance du guitariste Gregorio Gomez dans toute la construction sonore de Desdemonas. Je lui ai montré mes démos et on est parti ensemble à l’aventure. Dans « Walk On By » de The Zodiacs, il y a une partie de basse qui, on le pensait avec Gregorio, pouvait fonctionner dans le contexte de The Desdemonas. Pour jouer cette partie de basse, on cherchait une Fender VI, cet instrument entre guitare et basse que l’on entend dans la musique garage sixties ou sur les premiers The Cure genre Faith. Comme on n’en trouvait pas, Romain du groupe Turzi nous a prêté sa propre Fender VI. En studio, on a enregistré plusieurs fois « Walk On By ». C’était très compliqué à chanter, mais, heureusement, j’ai été aidé par Juliana Gattas, une amie qui fait partie du groupe argentin Miranda !, super connu en Amérique du Sud.

 

L’ancien cimetière de Saint-Matthieu (Berlin)

Mon studio est directement situé à côté de ce cimetière, un endroit assez intéressant et important pour l’atmosphère. Il est très ancien, les frères Grimm y sont enterrés comme beaucoup d’activistes LGBT du quartier. Il y a une raison pour laquelle je remercie dans le livret les oiseaux de l’ancien cimetière berlinois de Saint-Matthieu. Le premier morceau de Sofarnopolis, « 6 AM », on l’a vraiment enregistré à six heures du matin dans mon studio. On écoutait les oiseaux, on a mis le micro et on a joué. Je dirais même qu’on a accompagné les oiseaux.

Tu vis dans un quartier plein d’histoire…

J’habite à Schöneberg, dans la partie ouest de Berlin, l’appartement qu’ont occupé Iggy Pop et David Bowie dans les années 70 est juste à côté !

 

Étienne Jaumet

Je connaissais sa musique, aussi celle de Zombie Zombie. On avait des amis en commun, comme mon manager. Dans la première version de « After Love », je trouvais que j’occupais trop d’espace avec ma voix. Il manquait quelque chose. J’ai alors parlé avec Étienne, je lui ai envoyé le morceau. Bon, le saxophone ça peut être bien… ou pas. Mais, avec lui, j’avais confiance, quand il joue, il a une élégance que j’aime beaucoup. Quand j’ai reçu ses pistes, j’ai été ravi.

 

Ashley Judd

Pourquoi avoir remixé le discours d’Ashley Judd à la marche des femmes de Washington ? C’était hyper spontané, peu après l’élection de Trump. Elle récite un poème d’une jeune fille américaine de 19 ans, Nina Donovan. Je me suis dit que c’était quelque chose que je voulais entendre en club, j’ai eu l’idée de reprendre le discours pour mes DJ-sets. J’ai alors cherché des rythmes à combiner avec la voix d’Ashley Judd, de préférence des beats créés par une musicienne. J’ai utilisé une rythmique signée par une amie, Valesuchi. Je lui ai envoyé le résultat, « Nasty Woman », et elle a été très étonnée. Immédiatement, elle m’a dit qu’on devait partager le morceau. On a commencé, mais pas en utilisant les réseaux sociaux. On a envoyé le track à des DJs en leur indiquant que, s’ils le voulaient, ils pouvaient le faire suivre à leurs amis. Ce n’était pas une opération publicitaire. Du coup, on a été étonné d’entendre le morceau partout. Au final, je crois qu’il n’y a pas beaucoup de DJs qui ne l’ont pas passé !

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