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© Marion Sammarcelli
5 mai 2023

Interview : Radio Cargo et les open-airs itinérants à vélo, une affaire qui roule

par Emma Grandjean

En mars dernier on a rencontré Dan et Jay, les membres de Radio Cargo, pour discuter de leurs inspirations, de leur projet et de leur vélo cargo. Une interview qui nous a permis de mieux comprendre les valeurs que défendent les deux artistes, à travers leur concept inédit d’Open-airs itinérants à vélo, et leurs productions électroniques trépidantes. Ils viennent d’ailleurs de sortir leur premier EP Du son n’importe où. On a pu leur parler à la fin de leur campagne de crowdfunding, et juste avant la construction de la version 2.0 de ce qui s’annonce comme étant LE Sound system des open airs les plus attendus de la saison.

 

Comment s’est passée la collecte de dons ?

Dan : On est hyper contents d’être allés au bout de la campagne de crowdfunding parce que c’était hyper stressant. Ça n’a pas démarré aussi bien qu’on le voulait et tout le monde nous a dits que si le début n’était pas bon, la campagne ne le serait pas. Donc pendant un mois et demi, on était vraiment en panique. Mais finalement, les étoiles se sont alignées et la dernière semaine, tout s’est fait. Ça nous fait aussi un vrai lien avec notre public ! Ce n’est pas ‘juste’ un investissement. On a l’impression que c’est un travail commun entre notre public et notre savoir-faire : c’est trop cool.

 

Pourquoi avoir choisi le vélo ?

Jay : J’ai un vélo cargo que j’utilise tous les jours, ceux de livraison où tu peux trimbaler 200 kilos. Je voulais y mettre l’électricité, pour pouvoir brancher mon téléphone en allant au camping en festival. J’avais déjà des platines, je me suis dit ‘je les branche aussi dessus’. Et l’idée a commencé à germer dans ma tête. Avec les moyens du bord, on a fait la première version qui a eu beaucoup de succès… mais qui était vachement bricolée. Et j’avais cette vision de ‘on peut faire encore mieux’. Donc là, on pousse le truc au paroxysme, mais avec le même principe : des vélos cargos, mais au lieu d’avoir une petite plateforme, il y en aura une de trois mètres carrés. Avec deux vélos qui vont s’emboîter l’un en face à l’autre, une méga scénographie et un sound system de malade. L’idée c’est qu’on puisse se déplacer à vélo n’importe où dans Paris, dans un rayon de cinq kilomètres.

Dan : Ça sera un petit bijou. Et forcément, si on doit aller autre part, il y a toujours la solution de mettre ça dans un camion.

Jay : Typiquement, pour aller dans d’autres villes, on va devoir les mettre dans un camion et en arrivant en périphérie de ville, sortir les vélos. On ne va pas faire 400 kilomètres en pédalant. Le but, c’était d’être le plus mobile possible à vélo pour toujours garder cet ADN.

 

Cette volonté de partir à travers toute la France, faire des open-airs, comment est-elle venue ? Vous avez toujours eu cette ambition, ou c’est la réaction du public qui a fait germer l’idée ?

Jay : Dans l’idée il y a un peu de deux, mais dès le début, on s’est dit « si on peut y aller à vélo, pourquoi ne pas y aller ? » Mais en plus, il y aussi cette notion de faire découvrir à un nouveau public la musique électronique. Et pour ça, il fait aller chercher les gens.

Dan : En fait, si on va au bout de notre engagement, on est en quelque sorte obligés d’aller partout en France. Puisque ce qu’on rejette, c’est l’élitisme parisien, l’élitisme culturel où tout le monde n’a pas accès à la teuf et à cette culture. On a trouvé que cet élitisme culturel était le pire ennemi de la créativité, et on a décidé de s’en affranchir. Notre premier déclic, ça a été le premier open air qu’on a fait hors de Paris, à Lille, où on s’est rendu compte que c’était possible. C’était un vrai test, donc on est rentrés à la maison et on s’est dit « mais en fait, ça peut aller très loin cette histoire« .  Avec toutes les valeurs qu’on défend, on ne peut pas faire ça seulement à Paris. Ce serait hypocrite. Et puis nous, on a aussi envie de découvrir la France et de rencontrer notre public.

 

radio cargo

© Marion Sammarcelli

 

Après des open airs et des DJ-sets pour vous, la suite logique, c’était de faire vos propres productions musicales ?

Jay : Dès que ça a explosé, on s’est dit qu’il fallait rapidement sortir nos productions. On ne voulait pas être assimilé comme un collectif. C’est pour ça qu’on a sorti un maxi trois, quatre mois après que le projet a démarré pour justement dire « on n’est pas là juste pour faire des soirées, on a une direction artistique et une vision musicale« . On a déjà sorti deux maxis, l’EP* arrive et avec celui-là, le vinyle. La boucle est bouclée, mais on est déjà sur la suite…

*(EP qui regroupe les Vol. 1 et 2 + deux nouveaux tracks)

Dan : C’est hyper important pour nous de ne pas être vu comme un collectif. Ce qui nous déplait avec cette idée, c’est d’être ‘seulement’ dans l’événementiel. Et vu qu’on a fait un vrai boum avec un momentum qui est l’été, on ne voulait pas être catalogués seulement comme « Ah, ce sont les mecs qui font des open-airs l’été ». On sait qu’on est connus pour ça, que c’est notre force. Mais on a une vraie direction artistique dans nos sets et la musique qu’on propose est assez singulière.

 

Justement dans votre musique, vous transmettez l’amour de la house et de la trance des années 90. Qu’est-ce que vous aimez tant dans ce style et cette décennie ?

Jay : Dans ce qui est early house, il y a un truc. C’était peut-être dans les drogues qu’ils prenaient à l’époque… Il y avait une simplicité dans la musique. Cette forme d’aller à l’essentiel. Aujourd’hui une production moderne, c’est 80 pistes, des layerings de partout, une densification aberrante des productions pour qu’elles sonnent bien. À l’époque, ils mettaient cinq pistes, des trucs simples : il n’y a rien de mieux que ça. Après, on a créé trop de trucs. Chacun a son interprétation du pourquoi-ça-sonne-mieux, mais moi je dirais que c’est le groove de la house. Dans nos sets, il y a trois éléments qu’on va beaucoup retrouver des années 1990 : les vocaux de diva, les lignes de basse très grasses et des synthés que j’appelle à la Angelo Badalamenti, qui utilise une texture de sons qui te donne envie de chialer.

 

Et pour la trance ?

Dan : Pour la trance, bizarrement il y a un côté qui va bien avec l’époque actuelle. Aujourd’hui tout le monde joue uptempo, super rapidement, les musiques sur TikTok qui cartonnent sont à 145 BPM pendant trois minutes. Dans la trance, il y a un côté un peu guilty pleasure avec une voix de meuf qui se la joue décomplexée. On sent qu’elle n’a pas forcément besoin de chanter juste. Mais il y a une énergie qui fait que tu as juste envie de gueuler, de chanter, de jeter ta bière en l’air… c’est la grosse fête, quoi.

Jay : Sur la bonne trance, il y a cette énergie. Les basses hyper organiques, les mélodies… C’est tellement cheesy que ça rend accessible. Et la rythmique est hyper simple, ça ramène tout le monde ensemble.

Dan : Le point commun entre la house et la trance, c’est très solaire en fait, et ça marche vachement bien avec notre énergie. Et c’est vraiment ce qu’on essaye de transmettre. C’est ça qui permet d’attraper tout le monde aussi. Parce que si tu joues un morceau que personne ne connaît d’une période assez obscure en tout petit label, même si tu n’es pas éduqué aux musiques électroniques, si le morceau donne de la joie, tu vas comprendre l’émotion.

 

C’est une façon de rendre la musique électronique accessible à tous ?

Jay : D’où l’on vient, le public décortique la musique. Donc il va directement comprendre la spécificité de ce que tu lui fais écouter. Alors que le public mainstream, il ne beat pas. Et c’est normal. Pour comprendre la musique électronique, il faut avoir passé une soirée de 10 heures dans un hangar ou dans un open air, que t’aies pris quelque chose ou pas. Avant d’avoir vécu une expérience comme ça, c’est difficile de comprendre pourquoi un boum boum, c’est intéressant. Mais c’est ça qu’on essaye de faire. On y ajoute des trucs hyper connus pour adoucir le truc et faire passer la pilule aux gens qui n’aiment pas ça. Résultat : tout le monde aime.

Dan : Que l’on joue quelque chose de connu ou non, de récent ou d’ancien, tout est à propos de l’énergie que l’on veut transmettre. Le meilleur exemple, c’est notre closing : un remix breakbeat de « I need your loving ».

Le public qui écoute du rock connaissait déjà. Le public qui écoute du rap connaît aussi parce que ça a été samplé par Hamza avec Christine and the Queens et Oxmo Puccino. Et peut-être que le public qui écoute du breakbeat des années 90 connaît également. Quand on le joue, y’a du soleil partout et tout le monde kiffe. Et en même temps, il y a notre ADN.

 

Comment s’est passée votre rencontre avec le monde de la nuit ?

Dan : Moi, ça commence par une anecdote assez marrante : le jour de mes 17 ans, j’ai eu 19 ans. J’avais volé la carte d’identité de mon demi-frère et j’ai pu aller en club pour la première fois le soir de mes 17 ans.

Jay : À 14/15 ans j’ai eu ma première expérience de teuf, pendant l’âge d’or des collectifs parisiens. Le collectif Manif’art avait squatté un hôtel particulier du XVIe siècle à Boulbi. C’était incroyable. J’y suis resté pendant 48 heures, ça a changé ma vie.

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