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10 novembre 2021

🕵️ L’histoire du morceau le plus mystĂ©rieux d’Internet

par Brice Miclet

En 1984, un DJ diffusait une chanson de post-punk sur la radio publique allemande NDR. Au même moment, de l’autre côté du poste, un adolescent l’enregistrait sur une cassette sans en noter le nom ou l’origine. Voilà comment est né l’un des mystères musicaux les plus fascinants du web. 

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Ce soir, gabgaskins est surexcité. Il poste sur le site communautaire Reddit un long message détaillant sa dernière trouvaille et conclut par cette phrase: « On est tout proche de mettre un terme à ce mystère ! Tout ce qu’il nous faut, c’est une réponse de Paul !« . Nous sommes le 10 juillet 2019, et cela fait plusieurs mois que cet internaute s’échine à résoudre une énigme musicale des plus fascinantes. Retour en 1984, à Wilhelmshaven. Dans cette ville portuaire et industrielle du nord de l’Allemagne vit Darius S., un adolescent fan de post-punk et de synth-pop. Il vient d’acquérir un nouveau radiocassette et passe des heures à écouter ses musiques fétiches à la radio. Comme beaucoup de gamins de son âge, il a l’habitude d’enregistrer les morceaux qu’il apprécie sur des cassettes, se constituant des compilations où The Cure, Depeche Mode et XTC côtoient des groupes locaux cherchant à les imiter. Darius note scrupuleusement les noms des formations et les titres des chansons. Mais certaines sont enregistrées à la va-vite ou non présentées par le DJ. Celles-ci sont donc nommées « unknown pleasures », comme le premier album de Joy Division. Vingt ans plus tard, Darius a conservé précieusement ces cassettes. Grâce à Internet, il a mis un nom sur toutes les chansons qu’il avait pu archiver. Toutes, sauf une.

Des faisceaux d’indices

Darius semble ne pas accorder trop d’importance à cette petite ombre à l’histoire. C’est sa sœur, Lynda H., qui s’interroge. Franchement geek, elle se décide à lever le mystère en postant un extrait de 1min 14s sur le site canadien spiritofradio.ca, dont les usagers ont l’habitude des requêtes du genre. Son premier message posté le 18 mars 2007 sous le pseudonyme bluuue n’a donc pas grand besoin de détails : « Enregistré en 82-84 sur une radio allemande. À la recherche du chanteur depuis 🙂 ». Pour un habitué du site, c’est sûr, elle est l’œuvre du groupe grec Metro Decay. Cette voix ténébreuse chantant en anglais, ces guitares simplistes et cette batterie inhabituellement libre pour un titre du genre leur ressemblent. Mais c’est une fausse piste. Et plus les idées fusent, plus le mystère s’épaissit. De nouveaux enquêteurs se joignent à la traque. À l’époque, ils ne savent strictement rien de cette chanson, ne savent pas qui est cette bluuue (qu’ils prennent d’ailleurs pour un homme), n’ont pas conscience de l’existence de Darius. Mais lorsque l’un d’eux se décide à poster l’extrait sur YouTube, Lynda se manifeste : son frère l’a enregistré sur un radiocassette Technics commercialisé à partir de 1984, et d’autres morceaux de cette même année figurent sur la compilation. Il avait l’habitude d’écouter la radio publique allemande NDR, en particulier l’émission Musik für junge Leute. Alors, tout ce petit monde sous-terrain s’organise, crée des discussions sur Reddit. Ils contactent les archivistes musicaux allemands, parcourent leurs gigantesques databases, fouillent, creusent… Sans rien trouver. Et cela dure encore huit ans.

« The Most Mysterious Song Of The Internet »

C’est lĂ  que gabgaskins entre en scène. Derrière ce pseudo se cache Gabriel de Silva Vieira. En 2019, il est âgĂ© de 16 ans et Ă©tudie Ă  SĂŁo Paulo. Pris de passion pour cette recherche Ă©perdue, il poste le fameux extrait sur sa chaĂ®ne YouTube, participe Ă  la renommĂ©e naissante de cette quĂŞte, et Ă©met une idĂ©e qui, avec la facilitĂ© du recul, paraĂ®t Ă©vidente: contacter les DJs qui sĂ©vissaient sur l’émission Musik fĂĽr junge Leute au dĂ©but des annĂ©es 1980. L’un est dĂ©cĂ©dĂ© en 2016, l’autre est anglais, toujours bien vivant, et se nomme Paul Baskerville…

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La suite de l’article est Ă  retrouver dans le Tsugi 145 : Les grandes Ă©nigmes de la musique, dispo en kiosque et en ligne
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