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18 juin 2015

Le nouveau vinyle de la semaine (29): POLAR INERTIA

par Estelle Morfin

Polar Inertia n’est pas une seule personne. Ce n’est pas non plus un projet musical comme un autre. Polar Inertia est une expérience polymorphe, volontairement anonyme et désormais animée par différents artistes, musiciens, créateurs unis autour d’un dogme mental mettant en scène un monde post-apocalyptique glacial et très sombre. Tous portés par le désir évident de prendre des risques en allant au-delà des standards de la techno ou du clubbing.

Tout semble avoir débuté il y a cinq ans, lorsque deux producteurs parisiens ont réuni leurs aspirations et leurs fulgurances sur le label Dement3d (la même année que la sortie des quatre gars de DSCRD). Qui sont-ils vraiment?  Peu importe, cette discrétion quant à leur identité laisse justement la part belle à leur art et au développement de leur concept. En 2011 donc, c’est avec une délectation non dissimulée que l’on recevait de plein fouet leur Indirect Light EP, rempli de soleils noirs et de textes angoissants, seulement trois titres mais déjà l’on pouvait facilement confirmer qu’il ne s’agissait pas de techno mais plutôt d’un conte obscur. Même principe pour l’EP suivant, The Last Vehicle, suivi d’une édition de remixes par d’autres pointures dark (Abdulla Rashim, François X, Silent Servant). Pas de nouvelles sorties depuis deux ans et puis voilà qu’arrive le dernier né, Kinematic Optics.

Pour l’occasion, le projet semble être passé à la vitesse supérieure sur le plan artistique, de plus en plus axé sur un contenu pluridisciplinaire, voire sur l’objet d’une performance. Il est sans conteste plus aisé d’expérimenter librement lorsqu’on passe dans le cadre de l’art contemporain. Si l’on retrouve le schéma auquel on était habitué (un épisode de l’aventure Polar Inertia comprenant un texte inquiétant d’un monde inconnu et des morceaux d’une obscurité indicible), sur l’autre disque de ce double 12’’ figurent plus de quarante minutes atmosphériques d’un magnifique live ambient. Cette pièce, « Can We See Well Enough To Move On » n’a été jouée qu’une seule fois -toujours sous couvert d’anonymat- lors de la fermeture de l’exposition montée par les différents acteurs du projet à la galerie Abilene à Bruxelles. Cette exposition mettait notamment en scène des photos, des vidéos et des vestiges de ce monde chaotique et enneigé inventé de toutes pièces et pourtant si réel au travers de Polar Inertia.

 Si l’on veut aller encore plus loin, on pourra lire le livre du même nom qui a clairement insufflé la vie à cette utopie démente. Publié en 1999 par Paul Virilio (architecte et penseur encore en activité qui a théorisé la célérité, les espaces humains ou belliqueux, la technologie), on y apprend que la vitesse est un facteur d’incarcération, et dans cette hyper-modernité hyper-mobile et hyper-technologique qui est la notre, il n’existe plus guère d’immobilité. L’inertie pourrait donc consister en une sorte de blockhaus de résistance, de contre-culture polarisée. Chaque chapitre de son livre, cinq au total, correspond à un disque conçu par nos musiciens. Si l’on ne peut vous donner les dates de sortie des prochains EPs, on peut donc d’ores et déjà vous dire que les deux suivants s’intituleront Environment Control, puis Polar Inertia. Et après ? ? on earth.

Polar Inertia
Kinematics Optics
Sur DEMENT3D Records
Sortie le 08 juin 2015

Tracklist:
A1 Floating Away Fire
A2 Hell Frozen Over
B1 Vertical Ice
B2 Kinematic Optics
C1 Can We See Well Enough To Move On ? (Part One)
D1 Can We See Well Enough To Move On ? (Part Two)

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