🔊 Le son de Bruxelles en 10 chansons
L’entreprise n’est pas simÂple. ParÂtiÂcÂulièreÂment dans un pays comme la BelÂgique avec ses trois rĂ©gions, ses trois comÂmuÂnautĂ©s linÂguisÂtiques, culÂturelles et son esprit de clocher tout droit sorÂti du Moyen-Ă‚ge. En son cenÂtre, la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale, avec ses 162 km², est un microÂcosme de cette pĂ©rilleuse affaire. ComÂment la rĂ©sumer en dix titres ?
Les artistes repris dans cette liste ne sont donc pas tous des echte brusÂseÂleirs, mais ils vivent et comÂposent ‑ou ont vĂ©cu et composĂ©- Ă BruxÂelles. Venant de tous les horiÂzons pour atterÂrir dans ce bizarre endroit, ils ont fomenÂtĂ© le son de la ville depuis quarÂante ans. L’approche hisÂtorique a Ă©tĂ© privÂilĂ©giĂ©e, car BX ne s’est pas conÂstruÂite en un jour, chaque pierre de l’édifice est essenÂtielle. Enfin, le mot d’ordre Ă©tait clair : “Pas de pop, pas de rock, pas de chanÂson”, mais le son de BruxÂelles qui fait danser les gens. Alors, comme disÂait le Grand Jacques, notre père Ă tous : “Chauffe, MarÂcel ! Chauffe !”
Telex — “Twist à Saint-Tropez” (1978)
Ça a comÂmencĂ© comme ça. Avec une blague belge sur Kraftwerk. Il falÂlait y penser, Telex l’a fait. Mais plutĂ´t que de louchÂer sur les Beach Boys, nos trois brusÂseÂleirs sans visÂage ont regardĂ© vers la CĂ´te d’Azur avec cette très perÂsonÂnelle verÂsion de “Twist Ă Saint-Tropez”. SuivÂront “Rock Around The Clock” au ralenÂti, “Moskow Diskow” (improbÂaÂble tube interÂnaÂtionÂal) et “EuroÂviÂsion”. Le but Ă©tait de terÂminÂer dernier de la comÂpĂ©tiÂtion. MĂŞme cela, ils n’y sont pas parvenus.
Front 242 — “Headhunter V1.0″ (1988)
Eux n’étaient pas lĂ pour rire. Tenues milÂiÂtaires, prestaÂtions physiques, atmoÂsphère Ă©toufÂfante, la musique de Front 242 a Ă©tĂ©, Ă l’époque, qualÂiÂfiĂ©e de fasÂciste. Elle Ă©tait simÂpleÂment le son de la Guerre froide. Après un preÂmier album autoÂproÂduit en 1982, le groupe (mixte flamand-francophone comme on n’en fait plus) dĂ©veloppe son conÂcept EBM (pour ElecÂtronÂic Body Music), courant prĂ©curseur essenÂtiel dans l’émergence de la techÂno comme du rock indusÂtriel, bien que souÂvent injusteÂment oubliĂ©.
Bassline Boys — “Warbeat” (1988)
Qu’est-ce qu’on fait, on parÂle de new beat ? Le genre est nĂ© Ă Anvers quand un DJ a passĂ© au ralenÂti un 45 T du groupe EBM A Split SecÂond. RĂ©vĂ©laÂtion ! D’abord flaÂmande, la folie new beat a conÂtÂaÂmÂinĂ© le pays plus rapiÂdeÂment qu’un variÂant omiÂcron. Ă€ BruxÂelles, deux proÂducÂteurs fomentent un “WarÂbeat” agrĂ©ÂmenÂtĂ© de disÂcours de Churchill et Hitler parce que… eh bien, pourquoi pas ? “Le probÂlème avec la new beat, selon DJ Pierre, c’est que ça a très, très rapiÂdeÂment dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©.”
Spokesman — “Acid Creak (Pierre’s Reconstruction mix)” (1994)
Au dĂ©but des annĂ©es 90, la BelÂgique est au cenÂtre du monde Ă©lecÂtronÂique. Entre TechÂnotronÂic et 2 UnlimÂitÂed, l’Eurodance fait des ravÂages. HeureuseÂment, la techÂno arrive. DJ Pierre nous raconÂte par ailleurs l’histoire de ce titre tout droit sorÂti du stuÂdio de Luc Devriese, vĂ©tĂ©ran de la folie new beat, alors que le Fuse prend essor. “Peu de gens savent que c’est moi, dit DJ Pierre. Il y a un cĂ´tĂ© acid qui n’est pas forÂcĂ©Âment mon style, mais le truc a bien marchĂ©.” Culte, en vĂ©ritĂ©.
De Puta Madre — “Une ball dans la tête” (1995)
Paris avait NTM, MarÂseille IAM et BruxÂelles, De Puta Madre. En BelÂgique, le rap a mis du temps Ă se faire entenÂdre, mais la culÂture hip-hop Ă©tait bien prĂ©sente dès la fin des annĂ©es 1980. On ne parÂlera pas de BenÂny B, non, mais du CNN199 Crew, du RAB Crew et de l’album BRC (BruxÂelles Rap ConÂvenÂtion) sorÂti en 1990. FondĂ© Ă SchaerÂbeek par des memÂbres du RAB, De Puta Madre a sorÂti dans les annĂ©es 1990 quelques maxÂis et un preÂmier album qui mĂ©ritÂeraient d’être rééditĂ©s. Les parÂrains du rap bruxellois.
Soldout — “I Don’t Want To Have Sex With You” (2004)
Au dĂ©but des annĂ©es 2000, c’est au MiraÂno que les choses se passent. Les soirĂ©es Dirty DancÂing font le plein de techÂno freaks et autres hipÂsters. Un mĂ©lange dĂ©tonÂnant, mais qui foncÂtionne. Le rock se marie Ă l’électro, les nuits sont glamÂour et fanÂtasques. Avant AeroÂplane, The MagiÂcian ou ComÂpuÂphonÂic (tous walÂlons et rĂ©siÂdents au MiraÂno), c’est le duo SoldÂout qui cristallise le son de cette Ă©poque avec son pĂ©tilÂlant preÂmier sinÂgle au titre impecÂcaÂble. L’électroclash vu de Bruxelles.
Stromae — “Alors on danse” (2010)
ÉvidemÂment, aujourd’hui, on peut en rire. Mais Ă l’époque, quand il dĂ©barÂque de nulle part avec son euroÂdance dĂ©presÂsive et sa tronche de cadre abatÂtu qui hurle l’ennui sous un ciel gris, c’est tout BruxÂelles qui se reconÂnaĂ®t. Alors on a danÂsĂ©. Ça a durĂ© un Ă©tĂ©, puis un hivÂer. Quand on s’est rĂ©veilÂlĂ©, toute l’Europe danÂsait. C’était avant que StroÂmae ne deviÂenne chamÂpiÂon de karaokĂ©, catĂ©Âgorie “Le Grand Jojo chante Brel” tout en faisant des variÂaÂtions sur la couleur du caca.
Roméo Elvis — “Bruxelles arrive” et Damso — “BruxellesVie” (2016)
2016, c’est l’annĂ©e oĂą le Belge arrĂŞte de se moquer de lui-mĂŞme. On a la meilleure Ă©quipe de foot du monde, le hip-hop est roi et BX est dans la place. L’annĂ©e a comÂmencĂ© en Ă©tĂ©, après les attenÂtats. ClaireÂment, les choses avaient changĂ©. NumĂ©ro 1 ou rien. RomĂ©o et Caballero ont prĂ©ÂparĂ© le terÂrain : “BruxÂelles arrive”. Puis, Damso a balÂancĂ© sa “pisse sur les Champs-ÉlysĂ©es”. Soudain, les choses Ă©taient claires, limpiÂdes : “Paris, Paris, on t’enc… !” Le seum arrivera un peu plus tard…
Le Motel — Transiro EP (2020)
BeatÂmakÂer de RomĂ©o Elvis, Veence Hanao et autres rappeurs, l’homme Ă la casÂquette est pourÂtant, Ă la base, un fĂ©ru d’electronica. Dans ses proÂducÂtions solo, il navÂigue entre DJ ShadÂow, Boards Of CanaÂda, les musiques de film et les sonoritĂ©s du loinÂtain ailleurs. FabiÂen Leclerq, de son vrai nom, est ausÂsi graphiste, ce qui donne Ă sa musique un aspect visuel qui prend de l’ampleur en live. Le Motel est aujourd’hui Ă la croisĂ©e de tout ce qui se fait de bien au plat pays. Une casÂquette Ă suivre.
Sky H1 — “Azure” (2021)
En Ă©lecÂtro ausÂsi, BruxÂelles arrive. La pandĂ©mie a eu beau brisÂer l’élan d’une scène en pleine Ă©bulÂliÂtion, ce n’est que parÂtie remise. Entre Lawrence Le Doux, AltÂinÂbas, WalÂrus, PatÂtrn, Naomie Klaus, Lunar ConÂvoy et Front De Cadeaux, on metÂtra en avant l’électronica atmoÂsphĂ©rique de Sky H1, alias ChanÂtal Peeters, dont le preÂmier album est sorÂti au dĂ©but de l’hiver sur le label lonÂdonien AD93. Un son envoĂ»Âtant, lynchĂ©en Ă souhait, qui nous transÂporte “de l’éternel Azur la sereÂine ironie”.
Par DidiÂer Zacharie