Le Space ferme ses portes : retour sur l’histoire d’un club mythique d’Ibiza

Ibiza va s’en remet­tre. Comme tou­jours, le Dis­ney­land de la fête saura retomber sur ses pattes. Mais tout de même : le Space, mythique club fêtant ses 27 ans cette année, fer­mera défini­tive­ment ses portes à la fin de la sai­son, le 29 sep­tem­bre prochain. 

Tout a com­mencé en 1986, avec l’in­au­gu­ra­tion du parc aqua­tique voisin. Les fêtards du tout jeune Space pou­vaient alors faire du tobog­gan pen­dant la soirée. Trois ans plus tard, l’en­tre­pre­neur Pepe Rosel­lo (déjà patron de clubs à Ibiza) rachète l’étab­lisse­ment, et décide de l’ou­vrir… A peu près tout le temps. La loi stip­u­lait à l’époque qu’une boite devait fer­mer au moins deux heures par jours. Qu’à cela ne tienne : il y aura une fête la nuit, une fête le jour, et une équipe pour net­toy­er tout ça pen­dant deux heures entre les deux ses­sions — de quoi pop­u­laris­er les “after-hours”, terme que Pepe Rosel­lo n’aime pas du tout car “il sous-entend une idée de trans­gres­sion, comme si vous étiez en train de faire quelque chose d’il­lé­gal. Jusqu’à ce que la loi change, Space a tou­jours ouvert selon les horaires per­mis”.

Tout de même, le Space a été par­mi les pre­miers à pop­u­laris­er les fêtes d’après-midi, les fêtes du matin (“Break­fast In Space”), puis les fêtes du dimanche (de neuf heures du soir jusqu’au petit matin), pour un esprit “par­ty non stop” sur une ter­rasse en plein air — depuis recou­verte — où les avions passent à trente mètres au dessus de votre tête ou dans une salle à l’in­térieur. Côté musique, si Fran­co empêchait jusque dans les années 70 de pass­er des dis­ques non-espagnols, Pepe Rosel­lo ne va pas se gên­er une fois le pays libéré de la dic­tature, pour une pro­gram­ma­tion oscil­lant entre plaisirs coupables EDM (Ibiza, tout de même), et moments bien plus intéres­sants, de Carl Cox, Richie Hawtin, 2ManyDJs, A Guy Called Ger­ald, Âme à même Aphex Twin

Mais c’est aus­si la per­son­nal­ité de Pepe Rosel­lo, par ailleurs pas­sion­né d’opéra et de musique clas­sique, qui fera la renom­mée du Space. A 80 ans, il prend enfin sa retraite. Il est l’âme du club, donc le club ferme. C’est bien sim­ple : son départ a poussé Carl Cox, l’un des plus renom­mé rési­dents du Space, à quit­ter le navire après 15 ans de bons et loy­aux ser­vices. “Pepe et moi avons gran­di ensem­ble, on a fait tout ce chemin ensem­ble, et on fini­ra ensem­ble… J’en suis plutôt con­tent : ça veut dire que nous lais­sons un héritage dans un club qui a fait la dif­férence”, a‑t-il déclaré à Inthemix

C’est peut-être le meilleur moment pour par­tir : via son opéra­tion “Chopin”, le Fisc espag­nol fait se mul­ti­pli­er les perqui­si­tions dans les clubs d’Ibiza, y com­pris au Space, de quoi met­tre un peu de lumière sur les louch­es opéra­tions finan­cières (et les liasses de cash sous le mate­las) des boites de nuit locales. De plus, pour Carl Cox, ce n’est plus pareil : “Ibiza est dev­enue plus con­ser­va­trice aujour­d’hui. Au DC-10 les gens se dégui­saient en avion ou en Cat­woman, sans rai­son. Elrow fait revivre un peu cet esprit, mais c’est for­cé et mis en scène. Et dans les dernières soirées de Richie Hawtin, tout le monde s’ha­bille en noir. On enterre quelqu’un ?! On a gran­di dans le sum­mer of love, quand l’idée était que tout soit col­oré et que tout le monde sourit. Je veux m’en aller main­tenant et sim­ple­ment me rap­pel­er que nous avons passé par­mi les meilleures nuits de notre vie dans ce club”, a‑t-il con­fié au Guardian

En atten­dant, la sai­son n’est pas tout à fait ter­minée. On crois­era encore pen­dant deux mois dif­férentes rési­dences, entre Carl Cox pour ses derniers pas­sages, les Elrow et leurs déco­ra­tions folles ou les extrav­a­gantes soirées disco-house Glit­ter­box, dont Marie-Claire aus­si bien qu’Ibiza Spot­light dis­ent du bien — on y crois­era Ken­ny Dope, Dim­itri From Paris, Base­ment Jaxx, Night­mares On Wax ou Louie Vega, tan­dis que la soirée de clos­ing le 29 sep­tem­bre accueillera Tale Of Us, Mano le Tough, Recon­dite, DJ Ten­nis, Rod­had ou encore Mind Against.

Pour le club, c’est une nou­velle page qui se tourne : il va être repris par son voisin d’en face l’Ushuaïa, chang­era de nom et d’im­age en 2017. Quant à Carl Cox, il ne compte pas aban­don­ner Ibiza, tout de même. Mais il n’y tien­dra plus de rési­dence. Alors for­cé­ment, quand Danc­ing Astro­nauts lui demande ce que ça va lui faire de pass­er son tout dernier morceau au Space, il répond : “Je pense qu’il y aura des larmes”