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Shlagga à gauche et Vazy Julie aux platines / ©Lou Lecuyer
15 septembre 2020

Les artistes racontent leur première fois au Meta, haut lieu de la fête libre à Marseille

par Sylvain Di Cristo

Le Metaphore Collectif est en danger. Pour que le crew marseillais et bastion de la fête libre phocéenne ne disparaisse à cause de la crise sanitaire, il a sorti une compilation de 64 titres d’artistes habitués ou passés derrière les platines du « Meta ». Pour Tsugi, certains d’entre eux racontent leur première fois.

Avec l’aide précieuse de Marine Bellocq

Il est l’un des collectifs les plus importants de la scène électronique française actuelle, le « Meta » à Marseille est non seulement une équipe d’artistes qui fait bouger les lignes de la club music en triturant ses extrémités, mais c’est aussi un lieu associatif qui prône la fête libre, aujourd’hui menacé de disparaître à cause de la situation sanitaire. « Avec la crise du Covid-19, on a dû arrêter tous nos évènements, ça a été un gros coup dur financièrement parce qu’on est totalement indépendant », explique la DJ Vazy Julie au quotidien 20 Minutes, cofondatrice de Metaphore Collectif.

Pour tenter de sauver le lieu, ses tauliers, ainsi finalement que tout un pan de la culture musicale marseillaise, le crew a sorti en juillet dernier une compilation de 64 titres, Ici danse le peuple oublié, avec des inédits d’artistes habitués ou passés derrière les platines du Meta. Pour Tsugi, une vingtaine d’entre eux ont décidé de raconter leur première fois, leurs expériences sur place, et d’expliquer pourquoi ce lieu ne peut pas disparaître.

L’équipe du Metaphore Collectif / ©Seraphine Bermond

TTristana : Je me rappelle le jour où Le Meta a reçu une soirée du festival marseillais RIAM. Au programme : RKSS, Nahshi, Patten… Sûrement une des meilleures soirées que j’ai pu passer, non pas seulement au Meta, mais à Marseille. Car grâce à l’éclectisme sans limite du collectif, cet événement comme tant d’autres aura fait preuve une fois de plus d’audace et de liberté.

December : Moi, c’est la soirée annuelle du 14 juillet. Les murs qui dégoulinent de sueur, les torses nus de tous les amis habituellement boutonnés jusqu’à la gorge, les sub qui nous massent les tripes, les ventilos qui crachent l’air brûlant du milieu de l’été, les regards joueurs des groupes qui se forment sous le figuier de la terrasse, les bouteilles en plastique de pastis et d’eau tiède, les salves de stroboscope, les débats houleux et les moments tragiques sur le parking à l’entrée, les retours en tram au petit matin les yeux écarquillés à se raconter les faits d’armes des uns et des autres au cours de la nuit passée si vite, les morceaux que l’on ose pas jouer ailleurs, ceux que l’on redécouvre sur le sound-system brillant et massif de cette salle en forme de petite boîte noire que nos fada de copains marseillais bichonnent comme un trésor. Les bras et les jambes qui s’emmêlent, tout qui déborde, tout qui dégouline. Et pourtant une douceur immense. J’ai toujours détesté cette date, mais depuis trois ou quatre ans je l’attends avec une impatience fervente.

« L’essentiel au Meta réside dans l’immatériel, dans ce qu’on ne peut saisir mais qu’on perçoit immédiatement comme un souffle immense de liberté, même quand on ne peut plus respirer à l’intérieur parce qu’on est le 15 juillet et que de l’eau coule du plafond. »

Simo Cell : Comment oublier les fumigènes de DJ 13NRV à l’entrée du Meta le soir du 31 ! Gros savoir faire made in Vélodrome ! Les olives de Judaah délicatement placées pendant mon set m’évoquent le doux parfum du Sud… Quand Julie est venue me chercher à la gare en voiture, j’ai trouvé des singles de Mariah Carey et d’Alizée dans la boîte à gants. Quel bonheur de s’écouter un petit « L’amour est un soleil » sur le périph’ de Marseille.

Coni : Le premier souvenir qui me vient à l’esprit c’est cette première fois où je suis venu jouer en décembre 2016. Rafa est venu me chercher à la gare Saint-Charles avec sa fourgonnette toute cabossée, son mulet et son accent du Sud. J’arrivais de Paris où il faisait super froid, j’étais un peu intimidé sur le trajet et au bout de cinq minutes il m’a mis tellement à l’aise que j’ai compris que j’allais passer un bon moment avec eux. J’y suis retourné quatre fois au moins depuis et à chaque fois c’est le même plaisir de partager ces moments avec eux. Le club, leur entourage, tout est trop bien !

©Lou Lecuyer

Antoine 80 : J’ai encore un souvenir ému de mon premier passage au Meta, j’étais en vacances dans le coin et un ami commun m’avait dit qu’il avait peut-être un plan pour jouer dans un lieu indépendant tenu par des potes à lui. « Prends tes machines », m’avait-il dit. Un pari osé pour tout ceux qui connaissent la galère de déplacer ce genre de matos. C’était la toute première soirée au Meta. J’étais venu avec Mika Oki et d’autres amis. Julie, Rafa et Simon nous ont fait confiance pour jouer sans trop savoir ce que ça donnerait, preuve de leur grande ouverture. Ce n’était certainement pas ma meilleure performance, mais la confiance donnée et la chaleur qui résidait entre les murs de béton m’ont galvanisé. Je partageais la scène avec mon amoureuse, lui ayant confié dans la plus totale improvisation un micro délayé. J’étais heureux et fier en jouant, j’ai même eu la chance de prendre du recul dans l’instant, ce qui est rarissime. Je suis revenu plus tard pour une autre première, lorsque j’ai eu le plaisir de jouer pour une after dans le jardin, lors d’un week-end entier de festivité, un 15 juillet. Voir les corps encore vibrants d’énergie à 10h du matin, en plein soleil, se dandiner sur de la tribe, de la jungle et autres musiques lourdes en basses et très énergivores, me restera comme un souvenir fort de mon expérience de DJ. Cet instant donnera lieu à ma piste sur la compilation Ici Danse Le Peuple Oublié. Pour moi, ce sera ici que danse le peuple. One love au Meta, sa chaleur et ses valeurs. À jamais les premiers.

Hanah : Ma première fois au Meta c’était pour le Zbat Festival un week-end de 14 juillet. J’étais hyper stressé à l’idée d’y jouer mais heureusement je jouais en premier. Je me suis senti comme à la maison assez rapidement, tous les DJs ont fait des sets de dingue, tout le monde était vraiment respectueux du lieu… Bref, tout était parfait. Le lendemain, je me rappelle de Simon qui essayait de casser une palette avec un marteau pour allumer un barbecue et on a gagné la coupe du monde. Depuis, je n’ai qu’une envie, c’est d’y retourner, alors s’il vous plaît, ne fermez pas.

Moyo aux platines et Low Jack à droite

Eszaid : La première fois que j’ai joué au Meta, j’ai compris pourquoi le lieu bénéficiait d’une telle aura. Je n’ai même pas les mots pour décrire l’énergie unique qu’une petite équipe d’acharnés a réussi à insuffler à cet endroit au décor minimaliste (des parpaings, quelques colonnes et c’est tout). L’essentiel au Meta réside dans l’immatériel, dans ce qu’on ne peut saisir mais qu’on perçoit immédiatement comme un souffle immense de liberté, même quand on ne peut plus respirer à l’intérieur parce qu’on est le 15 juillet et que de l’eau coule du plafond. Je jouais en live ce soir-là et je n’avais rarement eu des gens aussi réceptifs en face de moi, dans ces conditions magiques où l’on se trouve plus apte à ressentir la musique qu’à vouloir la commenter. Pas de start-uppeurs sous MD hurlant « allez là », pas d’experts grincheux revenus de tout ; seulement une joie d’être là et pas ailleurs, une euphorie collective qu’on a si peu souvent la chance d’observer. Ce que j’ai aussi compris ce soir-là, c’est que Meta est un symbole de ce que Marseille a de plus touchant et fascinant : il faut mériter, il faut connaître, il faut s’initier. On n’accède à rien facilement dans cette ville mais on est toujours subjugué quand on a fait l’effort. J’ai compris aussi que je m’y sentirai toujours bien tant que je pourrai empêcher Ugo et Julie de travailler en squattant l’entrée et tant que le drapeau de l’Olympique Magnifique flottera fièrement dans l’escalier.

Maoupa Mazzocchetti : Le traditionnel jour de l’an du Meta auquel ils m’invitent depuis maintenant trois années. En particulier cette année et la courte jam improvisée trompette posée sur le set dancehall mentalisé de Iueke et la réception de l’audience marseillaise toujours aussi enthousiaste et curieuse. Aucune nostalgie, des souvenirs il y en aura plein d’autres à venir. Là-bas danse le peuple de demain qui s’oublie.

Mika Oki : Tous mes souvenirs marseillais fusionnent avec mes passages au Meta. Plus qu’une zone libre, c’est une famille que j’ai rencontrée depuis mon tout premier set pour l’ouverture en 2016. Mon souvenir le plus marquant reste le morceau « ΔMi−1 = −∂Σn=1NDi[n][Σj∈C{i}Fji[n − 1] + Fexti[[n−1]] » d’Aphex Twin joué à 6h du matin. À ce moment-là, j’ai compris que c’était un lieu unique dans lequel je pourrais partager sans compromis et vivre des moments d’une intensité incomparable.

« Le Meta est un symbole de ce que Marseille a de plus touchant et fascinant : il faut mériter, il faut connaître, il faut s’initier. On n’accède à rien facilement dans cette ville mais on est toujours subjugué quand on a fait l’effort. »

Uj Bala : Mes souvenirs au Meta sont tout simplement suréalistes et fous, tout comme le moment où je me suis faufilé avec mes bagages sous cette clôture cassée. Je n’ai jamais vu une telle vibe, une telle foule, une telle fête un dimanche après-midi avant celles-ci. J’en veux encore !

Tarba : En vrac, le sourire de toute l’équipe à chaque fois qu’on passe la porte, malgré l’heure, la fatigue et les situations à gérer. Les sets de Phuong Dan, Maouppa Mazzochetti, Israfil, Ron Morelli et j’en passe, depuis ma place favorite : l’enceinte de droite contre le mur, avec la lueur rouge du booth devant et la sensation des corps dansant derrière moi ! La fiesta du nouvel an 2018 et notre set avec Judaah. Ramener des potes de l’autre bout de la France, choqués, extasiés, puis conquis. Le jardin le jour, le tram du retour, l’insomnie.

Low Jack : On se souvient a priori toujours de sa première fois. Septembre 2017 (il me semble ?), accompagné de DJ Moyo pour une No-Go Zone anthologique. Shlagga a ouvert la soirée, découverte du lieu et des talents de Shlagga. Tout simplement fou… Puis pris dans l’excitation, on a entamé nos quatre heures de set en se partageant une petite pilule de l’amour. Le reste n’est que « off the record ». On a tous pris une bonne grosse douche de sueurs et d’embrassades. Meta, big up.

©Lou Lecuyer

Seul ensemble : Pour avoir bien plus souvent été de l’autre côté de la barrière, à les voir s’affairer pour que les artistes profitent au maximum de leur soirée ou au contraire pour nous balancer des sets clairement pas fatigués, je savais que ça devait être le feu d’y jouer. Je l’avais bien fantasmé… Du coup, j’étais comme un gosse quand ils me l’ont proposé ; et puis ça fait plaisir de se voir accorder une telle confiance alors que ça faisait pas si longtemps que j’avais commencé. Comme prévu, ils étaient aux petits oignons, ils avaient même doublé la quantité de Monster que j’avais demandé, et j’étais tellement dans un vaisseau spatial que je ne captais pas tout ce qu’il se passait, mais pourtant les gens suivaient, même passés les 160 bpm. Je ne suis pas prêt d’oublier ces deux heures parfaites, clôturées avec l’un de mes morceaux de hardcore préférés, c’était la première fois que je jouais devant autant de monde, et j’aurais difficilement pu rêver mieux.

Akzidance : Samedi 17 mars 2018, message de Julie sur le groupe du Meta. Elle annonce que December qui jouait la veille à Leipzig n’a pas pu décoller à cause d’une tempête de neige. Tristesse. Mais bonheur nouveau : c’est notre ami Judaah qui le remplacera ce soir. Pas de panique, on table sur un romantique aussi, mais d’un autre genre. Arrivée au Meta sur les coups d’1h, les deux gadjos sont déjà en train de se tirer la bourre derrière les platines. Ça part dans tous les sens, il fait de plus en plus chaud, de plus en plus humide. La partie de ping-pong se transforme en sport de combat. Les transitions de Judaah sont de plus en plus courtes, breakées. Je ferme les yeux. Je me réveille, il est 6h.

« La figure de proue du Meta, c’est la famille. Celle de sang, celle qu’on choisit. »

Myn – 1/2 Myntha : Des souvenirs, il y en à la pelle ! Si je devais n’en citer qu’un, ce serait celui de l’été dernier pour ma troisième fois, une label night du label que je dirige. Nous sommes le 3 août 2019, la billetterie est sold out, on connait tous ce fameux trou dans le grillage en guise de première porte, la queue est interminable. Ce soir-là, les ventilateurs tournent à bloc et le dancefloor est débordant. Corps luisants, avec cette lumière rouge du DJ booth dans le dos et les quelques stroboscopes. Énergie sans fin jusqu’au petit matin… Rafa, un des boss de Metaphore, m’interpelle durant la soirée pour lui filer un coup de main en me disant que plusieurs personnes essayaient de rentrer via la terrasse en escaladant le mur… Cette soirée mémorable, c’était l’occasion pour moi de célébrer la sortie d’une compilation sur deux vinyles où Rafa (Israfil) et le duo Years Of Denial, eux aussi de Marseille, étaient présents sur ce projet en compagnie de 18 autres artistes. Surprise guest : Maoupa Mazzochetti qui était de passage à la cité phocéenne a lui aussi été présent sur cette release en duo avec Beau Wanzer. Forza Meta !

Boe Strummer : Pour moi, la figure de proue du Meta, c’est la famille. Celle de sang, celle qu’on choisit et celle qu’on rencontre au détour d’un canapé accablé par le poids des centaines de joyeux lurons passés par là. Ma première soirée là-bas en tant qu’artist, j’y suis allé accompagné de ma belle mère et la seconde fois de mon petit frère. Et puis j’y ai découvert d’autres sœurs valeureuses, d’autres cousins déterminés, des oncles et tantes tantôt fatigués, tantôt animés, cette famille qui ne se limite pas à la biologie, cette famille qu’aujourd’hui je porte dans mon cœur pour l’éternité.

Judaah : Meilleur spot de France, accueil plus que chaleureux, un idéal de vie, une expérience hors normes, toujours la volonté de repousser les limites, que ça soit au niveau de la programmation ou sur le dancefloor. Cinq étoiles, je recommande.

Le Metaphore Collectif aux platines / ©Lou Lecuyer

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