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© Merlijn Hoek
26 janvier 2023

Les inspirations de… Marcel Dettmann

par Benoît Carretier

Presque dix ans après Dettmann II, Marcel Dettmann, figure indissociable du Berghain, a retrouvé les chemins de son studio pour un Fear Of Programming au sound design mouvant, entre mélancolie, dancefloor et une certaine délicatesse. Qu’est-ce qui a donc pu inspirer notre homme ? Berlin, les films de SF… et beaucoup de temps. 

 

Article issu du Tsugi 156 : 100 personnalités qui font bouger la musique 

 

Disques

City – City (1978)

City city pochette Marcel Dettmann

Un groupe est-allemand de Berlin, de Prenzlauer Berg précisément. Mes parents l’écoutaient beaucoup à la maison. Le morceau « Am Fenster », et ses dix-sept minutes psychédéliques façon Pink Floyd, est l’un de ceux que je connais le mieux : je l’écoutais en boucle quand j’étais enfant. City était énorme en Allemagne de l’Est. Écoutez cet album, vous allez l’aimer… ou peut être pas. (rires) Moi je l’aime toujours, j’ai même récupéré l’exemplaire de mes parents.

 

 

Nirvana – Nevermind (1991)

nirvana nevermind

Quand le mur est tombé, le premier disque que j’ai acheté avec mon argent de poche a été Violator de Depeche Mode – j’étais un immense fan. Je pourrais parler d’eux à chaque interview, d’ailleurs je le fais souvent. Mais je vais choisir Nevermind. J’adorais l’énergie de ce disque. C’est la parfaite bande-son de mon adolescence, de mon époque skateboard. Mais bon, Violator quand même ! (rires)

 

 

Robert Hood – Internal Empire (1994)

rober hood internal empire Marcel Dettmann

L’un de mes disques techno préférés, même si c’est difficile d’en choisir un en particulier. J’aurais pu citer Minimal Nation, mais quand je veux un disque de techno minimaliste, c’est Internal Empire. Je suis un immense fan de ce genre de productions. Quand j’ai acheté cet album, je l’ai écouté tous les jours, dix fois de suite. Il est plus varié, plus arty et moins obsédé par les claps que Minimal Nation.

 

 

Radiohead – Kid A (2000)

radiohead kid a

Je me souviens de sa sortie. Je n’étais pas le plus grand fan de Radiohead avant Kid A. J’adorais la pochette, le design de l’édition vinyles, un double 10”. Et « Idiotheque » est un morceau dingue, je le jouais tout le temps. Maintenant, au Berghain, je le réserve à mes débuts et fins de sets. Quand les gens sont un peu « flottants », c’est le titre parfait pour clore un set.

 

 

Films

Ruben Östlund – The Square (2017)

the square film Marcel Dettmann

Une recommandation d’un ami cinéaste à qui je demande toujours quels sont les bons films à voir quand je voyage. L’affiche m’avait intrigué. C’est l’histoire d’un conservateur d’un musée d’art contemporain à Stockholm, dont le nouveau projet, The Square, vise à créer une zone de tolérance et d’égalité entre les personnes, libre de toute discrimination. Mais le vol de son portefeuille et de son portable dans la rue va le faire dérailler. C’est un film bizarre, typiquement scandinave, mais passionnant.

 

 

 

Duncan Jones – Moon (2009)

moon film

J’aime beaucoup Moon. C’est un film à l’atmosphère particulière, sur un homme seul sur une planète avec ses robots, qui un jour a un accident. Normalement, quand il meurt, un clone le remplace. Sauf que là… Je n’en dis pas plus pour laisser un peu de suspense. Je pourrais voir Moon toutes les semaines que je ne m’en lasserai pas. Je l’ai beaucoup regardé ces deux dernières années en studio. Quand je m’enferme en studio, il faut que je me concentre sur quelque chose pour me donner de l’inspiration : un livre, un film, quelqu’un d’autre… jusqu’au moment où je me sens prêt.

 

 

Les Wachowski – Matrix (1999)

matrix film

Matrix bien sûr ! La première fois que je l’ai vu, un choc ! L’histoire était si intense. J’ai vu ses deux suites, puis je l’ai un peu oublié. Jusqu’au jour où la réalisatrice Lana Wachowski, une amie, est venue me proposer de participer à la bande-son de Matrix Resurrections. J’ai donc revu les trois films d’une traite pour me les remettre en mémoire. Travailler sur le quatrième volet a été fondamental pour mon processus créatif, par l’intensité des échanges avec Lana et l’impact de cette collaboration sur mes propres productions. Définitivement mes films préférés.

 

 

Livres

Yuval Noah Harari – Homo Deus (2015)

livre homo deus Marcel Dettmann

Ce livre m’a retourné. Un de mes amis me l’a offert pour mes 40 ans et je lui ai déclaré qu’il était fou de m’offrir un livre aussi épais, que c’était trop gros pour moi. Et puis j’ai commencé à le lire, et durant plusieurs semaines, j’étais à fond dans cette vision philosophique de l’humanité dans le futur. J’ai ensuite acheté le reste de sa bibliographie, je suis devenu fan, au point de lire ses ouvrages jeunesse avec mes enfants.

 

 

Alexander Kühne – Düsterbusch City Lights (2016)

livre city lights

J’aime ce livre. Il se passe en RDA avant la chute du mur, à Brandenbourg, la ville dont je suis originaire. Le héros de l’histoire se met en tête de transformer radicalement son village. Alors il organise des soirées punk, un sacré pari dans le contexte de l’époque, et ouvre un club branché où viennent jouer les groupes de l’ouest. Il ne veut pas suivre les ordres du régime et préfère être créatif. J’ai grandi à l’Est, et je comprends ce personnage. Il fallait se battre pour ses passions en RDA.

 

 

 

Artur Dziuk – Das Ting (2019)

livre das ting

Encore un livre allemand, plus récent, qui a pour trame le pouvoir qu’ont les applis de nos téléphones sur nous. C’est un bon roman d’anticipation, car nous sommes proches du moment où les applis décideront ce qui est pour bon ou pas pour nous. On y est déjà. Je trouve la couverture magnifique. Je m’intéresse aux livres qui ont de belles couvertures. Si le livre est bon, et la couverture laide, ce n’est pas pour moi. Il me faut quelque chose de beau pour m’attirer.

 

 

 

Son disque

Marcel Dettmann – Fear Of Programming (DEKMANTEL)  

Ces deux dernières années, comme on peut l’imaginer, j’ai eu du temps devant moi pour me consacrer à ma musique, ce dont je manque en permanence. Au début, j’allais en studio mais je luttais un peu contre moi-même. Je ne savais pas vraiment quoi faire. Il m’a fallu quelques semaines pour trouver ma voie, puis j’ai commencé à faire de la musique, à regarder des films. Et je me suis fixé un but : chaque jour un album. Donc j’en ai fait une dizaine, entre dix et seize tracks par jour, des esquisses qui captaient l’humeur du jour. Il y avait le disque de pluie, le disque de tel ou tel film… J’essayais de capturer la journée.

Il est arrivé un moment où j’ai eu l’ébauche de Fear Of Programming entre les mains. C’était l’une des premières journées que j’avais enregistrées et celle qui me correspondait le plus. Quand Dekmantel m’a proposé de le publier, je n’avais plus qu’à retourner en studio pour finaliser les titres. Paradoxalement, il m’a fallu neuf ans pour arriver à ce nouvel album, et j’en ai déjà un deuxième de prêt. Mais l’important est que je sois content de ce que je sors. Si moi j’aime ce que je fais, il y aura bien quelqu’un qui va l’apprécier aussi. Enfin c’est ce que je crois. (rires)

 

À lire aussi sur Tsugi.fr : Un album, un film, un livre : les inspirations d’Uèle Lamore

 

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