© Merlijn Hoek

Les inspirations de… Marcel Dettmann

Presque dix ans après Dettmann II, Mar­cel Dettmann, fig­ure indis­so­cia­ble du Berghain, a retrou­vé les chemins de son stu­dio pour un Fear Of Pro­gram­ming au sound design mou­vant, entre mélan­col­ie, dance­floor et une cer­taine déli­catesse. Qu’est-ce qui a donc pu inspir­er notre homme ? Berlin, les films de SF… et beau­coup de temps. 

 

Arti­cle issu du Tsu­gi 156 : 100 per­son­nal­ités qui font bouger la musique 

 

Disques

City — City (1978)

City city pochette Marcel Dettmann

Un groupe est-allemand de Berlin, de Pren­zlauer Berg pré­cisé­ment. Mes par­ents l’écoutaient beau­coup à la mai­son. Le morceau “Am Fen­ster”, et ses dix-sept min­utes psy­chédéliques façon Pink Floyd, est l’un de ceux que je con­nais le mieux : je l’écoutais en boucle quand j’étais enfant. City était énorme en Alle­magne de l’Est. Écoutez cet album, vous allez l’aimer… ou peut être pas. (rires) Moi je l’aime tou­jours, j’ai même récupéré l’exemplaire de mes parents.

 

 

Nir­vana — Nev­er­mind (1991)

nirvana nevermind

Quand le mur est tombé, le pre­mier disque que j’ai acheté avec mon argent de poche a été Vio­la­tor de Depeche Mode – j’étais un immense fan. Je pour­rais par­ler d’eux à chaque inter­view, d’ailleurs je le fais sou­vent. Mais je vais choisir Nev­er­mind. J’adorais l’énergie de ce disque. C’est la par­faite bande-son de mon ado­les­cence, de mon époque skate­board. Mais bon, Vio­la­tor quand même ! (rires)

 

 

Robert Hood — Inter­nal Empire (1994)

rober hood internal empire Marcel Dettmann

L’un de mes dis­ques tech­no préférés, même si c’est dif­fi­cile d’en choisir un en par­ti­c­uli­er. J’aurais pu citer Min­i­mal Nation, mais quand je veux un disque de tech­no min­i­mal­iste, c’est Inter­nal Empire. Je suis un immense fan de ce genre de pro­duc­tions. Quand j’ai acheté cet album, je l’ai écouté tous les jours, dix fois de suite. Il est plus var­ié, plus arty et moins obsédé par les claps que Min­i­mal Nation.

 

 

Radio­head — Kid A (2000)

radiohead kid a

Je me sou­viens de sa sor­tie. Je n’étais pas le plus grand fan de Radio­head avant Kid A. J’adorais la pochette, le design de l’édition vinyles, un dou­ble 10”. Et “Idio­theque” est un morceau dingue, je le jouais tout le temps. Main­tenant, au Berghain, je le réserve à mes débuts et fins de sets. Quand les gens sont un peu “flot­tants”, c’est le titre par­fait pour clore un set.

 

 

Films

Ruben Östlund — The Square (2017)

the square film Marcel Dettmann

Une recom­man­da­tion d’un ami cinéaste à qui je demande tou­jours quels sont les bons films à voir quand je voy­age. L’affiche m’avait intrigué. C’est l’histoire d’un con­ser­va­teur d’un musée d’art con­tem­po­rain à Stock­holm, dont le nou­veau pro­jet, The Square, vise à créer une zone de tolérance et d’égalité entre les per­son­nes, libre de toute dis­crim­i­na­tion. Mais le vol de son porte­feuille et de son portable dans la rue va le faire dérailler. C’est un film bizarre, typ­ique­ment scan­di­nave, mais passionnant.

 

 

 

Dun­can Jones — Moon (2009)

moon film

J’aime beau­coup Moon. C’est un film à l’atmosphère par­ti­c­ulière, sur un homme seul sur une planète avec ses robots, qui un jour a un acci­dent. Nor­male­ment, quand il meurt, un clone le rem­place. Sauf que là… Je n’en dis pas plus pour laiss­er un peu de sus­pense. Je pour­rais voir Moon toutes les semaines que je ne m’en lasserai pas. Je l’ai beau­coup regardé ces deux dernières années en stu­dio. Quand je m’enferme en stu­dio, il faut que je me con­cen­tre sur quelque chose pour me don­ner de l’inspiration : un livre, un film, quelqu’un d’autre… jusqu’au moment où je me sens prêt.

 

 

Les Wachows­ki — Matrix (1999)

matrix film

Matrix bien sûr ! La pre­mière fois que je l’ai vu, un choc ! L’histoire était si intense. J’ai vu ses deux suites, puis je l’ai un peu oublié. Jusqu’au jour où la réal­isatrice Lana Wachows­ki, une amie, est venue me pro­pos­er de par­ticiper à la bande-son de Matrix Res­ur­rec­tions. J’ai donc revu les trois films d’une traite pour me les remet­tre en mémoire. Tra­vailler sur le qua­trième volet a été fon­da­men­tal pour mon proces­sus créatif, par l’intensité des échanges avec Lana et l’impact de cette col­lab­o­ra­tion sur mes pro­pres pro­duc­tions. Défini­tive­ment mes films préférés.

 

 

Livres

Yuval Noah Harari — Homo Deus (2015)

livre homo deus Marcel Dettmann

Ce livre m’a retourné. Un de mes amis me l’a offert pour mes 40 ans et je lui ai déclaré qu’il était fou de m’offrir un livre aus­si épais, que c’était trop gros pour moi. Et puis j’ai com­mencé à le lire, et durant plusieurs semaines, j’étais à fond dans cette vision philosophique de l’humanité dans le futur. J’ai ensuite acheté le reste de sa bib­li­ogra­phie, je suis devenu fan, au point de lire ses ouvrages jeunesse avec mes enfants.

 

 

Alexan­der Kühne — Düsterbusch City Lights (2016)

livre city lights

J’aime ce livre. Il se passe en RDA avant la chute du mur, à Bran­den­bourg, la ville dont je suis orig­i­naire. Le héros de l’histoire se met en tête de trans­former rad­i­cale­ment son vil­lage. Alors il organ­ise des soirées punk, un sacré pari dans le con­texte de l’époque, et ouvre un club branché où vien­nent jouer les groupes de l’ouest. Il ne veut pas suiv­re les ordres du régime et préfère être créatif. J’ai gran­di à l’Est, et je com­prends ce per­son­nage. Il fal­lait se bat­tre pour ses pas­sions en RDA.

 

 

 

Artur Dziuk — Das Ting (2019)

livre das ting

Encore un livre alle­mand, plus récent, qui a pour trame le pou­voir qu’ont les applis de nos télé­phones sur nous. C’est un bon roman d’anticipation, car nous sommes proches du moment où les applis décideront ce qui est pour bon ou pas pour nous. On y est déjà. Je trou­ve la cou­ver­ture mag­nifique. Je m’intéresse aux livres qui ont de belles cou­ver­tures. Si le livre est bon, et la cou­ver­ture laide, ce n’est pas pour moi. Il me faut quelque chose de beau pour m’attirer.

 

 

 

Son disque

Mar­cel Dettmann - Fear Of Pro­gram­ming (DEKMANTEL)  

Ces deux dernières années, comme on peut l’imaginer, j’ai eu du temps devant moi pour me con­sacr­er à ma musique, ce dont je manque en per­ma­nence. Au début, j’allais en stu­dio mais je lut­tais un peu con­tre moi-même. Je ne savais pas vrai­ment quoi faire. Il m’a fal­lu quelques semaines pour trou­ver ma voie, puis j’ai com­mencé à faire de la musique, à regarder des films. Et je me suis fixé un but : chaque jour un album. Donc j’en ai fait une dizaine, entre dix et seize tracks par jour, des esquiss­es qui cap­taient l’humeur du jour. Il y avait le disque de pluie, le disque de tel ou tel film… J’essayais de cap­tur­er la journée.

Il est arrivé un moment où j’ai eu l’ébauche de Fear Of Pro­gram­ming entre les mains. C’était l’une des pre­mières journées que j’avais enreg­istrées et celle qui me cor­re­spondait le plus. Quand Dek­man­tel m’a pro­posé de le pub­li­er, je n’avais plus qu’à retourn­er en stu­dio pour finalis­er les titres. Para­doxale­ment, il m’a fal­lu neuf ans pour arriv­er à ce nou­v­el album, et j’en ai déjà un deux­ième de prêt. Mais l’important est que je sois con­tent de ce que je sors. Si moi j’aime ce que je fais, il y aura bien quelqu’un qui va l’apprécier aus­si. Enfin c’est ce que je crois. (rires)

 

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