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13 juillet 2020

L’éternel retour du disco

par Patrick Thévenin

Au début des années 80, dépassé par son succès, récupéré par des pop-stars qui s’essaient à une nouvelle jeunesse, vampirisé par Hollywood, honni par certains Américains aux cris de “Disco sucks”, le disco est mort et enterré. Pourtant le genre ne va jamais cesser d’exercer une influence majeure sur la club culture.

Article issu du Tsugi 132 : et si le disco nous sauvait la vie, disponible partout

Plus synthétique dans les années 80s, influence de la house naissante qui va en sampler des boucles entières, inspiration de la techno de Detroit à travers l’italo-disco, samplé jusqu’à la lie par la fameuse french touch filtrée, transformé en nu-disco sous l’impulsion d’une brochette de Norvégiens, mélangé au rock avec des labels comme DFA et des groupes comme LCD Soundsystem, source d’excitation pour les diggers à la recherche de la perle rare… Le disco a beau être mort, il bande encore. Le retour du disco, un vaste sujet loin de laisser les principaux intéressés – DJs, musiciens, journalistes ou producteurs – de glace et chacun, lorsqu’on l’interroge, a son avis sur le sujet. Certains, s’emportant gentiment, comme Jennifer Cardini : “Mais il n’y a pas de retour du disco, le genre a toujours été là sous des formes différentes. Quand tu y réfléchis, l’Electronic Body Music à la DAF, c’était du disco noir et punk. Ce que fait Rebolledo aujourd’hui ce n’est que du disco qui puise dans les bandes-son des films de cul des 70s. Depuis le début, chez Michael Mayer, toutes les lignes de basse sont très disco. On retrouve l’esprit et l’ADN du disco dans la house, dans la rave, dans la pop, chez tous ces kids qui ne jurent désormais que par l’italo, c’est quelque chose de communautaire. Je ne pense pas qu’il faille chercher son retour dans des sonorités ou des instruments précis, dans la manière de construire des morceaux, mais plutôt penser que tout aujourd’hui est disco, car on est tous animés par l’envie de sortir le samedi soir et de danser jusqu’au petit matin !”

« Tout aujourd’hui est disco, car on est tous animés par l’envie de sortir le samedi soir et de danser jusqu’au petit matin ! » Jennifer Cardini

Le producteur Yuksek, après avoir exploré à ses débuts la french touch 2.0, mélangeant rock et house d’un même élan, s’est tourné vers des sonorités plus disco, comme en témoigne son excellent album Nosso Ritmo. Il est lui plus nuancé : “C’est toujours bizarre de parler de retour, mais d’une certaine manière il y a un regain d’intérêt certain. Après la vague techno assez sombre il y a trois ans, il y a un retour à une forme de chaleur dans la musique. C’est valable pour le disco, mais aussi pour tout le mouvement tropical ou afro, même les trucs psychés à la Red Axes ou Multi Culti, largement inclassables, sont tous influencés par des musiciens qui ont fait du disco. Et puis des DJs comme Todd Terje, qui ont toujours été fans de disco, sont depuis des années têtes d’affiche de festivals limite techno.”

L’encyclopédie disco

En bon observateur des mutations de la dance music, n’ayons pas peur d’asséner comme un mantra que depuis une poignée d’années le disco, son esprit et sa philosophie sont de retour sur les dancefloors après avoir été longtemps délaissés, considérés comme un truc de vieux nostalgiques au mieux, ou de beaufs de Macumba au pire. Les preuves sont là : le disco, ou du moins son esprit, est partout. Déjà dans son exploration et sa remise à jour à grands coups d’edits, de remixes, de compilations thématiques ou de ressorties de disques introuvables ou à prix fort sur Discogs. Comme ces micro labels, drivés par des diggers passionnés, qui vont chercher les disques les plus obscurs de la planète, comme le “Qu’est-ce qu’il a (d’plus que moi ce négro là ?)” de Philippe Krootchey, légende des 80s parisiennes, le “Ebony Game” de Guy Cuevas, DJ du Sept, où s’encanaillait toute la jet-set parisienne de l’époque, ou le “A.I.E.” de la Compagnie Créole remixé par Larry Levan, histoire de remettre toutes ces bizarreries pile-poil au centre de la piste de danse. Dans des compilations plus pointues tu meurs, comme la sublime Beauty : A Journey Through Jeremy Underground’s Collection, qui serpente dans les sonorités latines, chez les incroyables Disco Boogie Sounds, des Français Favorite Recordings, qui explorent ce dérivé plus funky du disco, qu’il soit français, brésilien ou caribéen. Mais aussi chez des labels comme Versatile ou Born Bad, qui flirtent non sans humour avec les frontières du bon goût, avec les démentes Pop Sympathie ou France Chébran, qui fouinent dans les oubliés du disco français chinés dans les brocantes. Mais aussi, de manière plus actuelle, chez Partyfine, label lancé justement par Yuksek, qui actualise les métamorphoses du disco avec Alex Rossi, l’actuel Aldo Maccione du genre, Dombrance ou Jean Tonique.

Sans oublier évidemment l’inclassable Bernard Fèvre, aka Black Devil Disco Club, parrain indispensable du disco made in France, qui annonce Lucifer Is A Flower, grand album de disco charismatique, comme son chant du cygne. Pour les historiens du genre, il y a évidemment des compilations plus classiques comme For Discos Only (Indie Dance Music From Fantasy & Vanguard Records 1976-1981) ou l’indépassable Salsoul Mastermix, signé Dimitri From Paris, qui sélectionne le meilleur d’un des labels phare du mouvement. Il y a aussi, tout autour du monde, tous ces jeunes producteurs et DJs qui mettent à jour et tripatouillent les sonorités disco à leur sauce : Folamour, Jeremy Underground, Honey Sound System, Marvin & Guy, Waze & Odyssey, Zombies In Miami, Discodromo, Man Power, Moscoman, Purple Disco Machine, The Magician, Myd, Simple Simmetry… Sans oublier tous les artistes signés sur le label Disco Halal de Tel Aviv ou tous ces jeunes collectifs de DJs, bien loin d’êtres nés quand le genre plafonnait dans les hit-parades mais qui ont écrit disco en gros sur leur carte de visite : Deviant Disco, Otto 10, Alter Paname, Discomatin…

Retrouvez la suite de cet article dans le Tsugi 132 : et si le disco nous sauvait la vie, disponible partout

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