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Crédit : Benoit Rousseau
2 juillet 2019

L’excitante étreinte des Francofolies de Montréal

par Patrice Demailly

De la découverte, des valeurs sûres, des artistes populaires et plus confidentiels, la 31e édition des Francofolies célèbre la langue française dans toute sa diversité musicale. Et la scène québécoise n’en finit pas de nous attirer dans ses filets. 

Les Louanges, la célébration de l’avenir

A chaque édition, sa pépite montante. Après Hubert Lenoir l’an dernier, au tour des Louanges de propager une onde de bonheur. Les deux garçons ont aussi en commun d’avoir remporté successivement le prix Félix Leclerc et une bourse de 31 000 dollars. La jeunesse québécoise fait donc des siennes, libre, emballante, éclatante d’inventivité. Les Louanges, c’est le surnom affublé à Vincent Roberge lors de ses années collège. Un véritable homme-orchestre en studio, solidement entouré ici sur scène – cinq musiciens et deux choristes – dans un Club Soda bourré à craquer. Chez lui, un syncrétisme hip-hop et jazz confondant de fraîcheur, un supplément groove soyeux, une approche des mots aussi bien introspective qu’imaginaire.  Malgré une réception plutôt aléatoire des textes ce soir-là (surtout qu’ils sont loin d’être dénués d’intérêt : « Romains », dénonciation de la culture du viol, « La nuit est une panthère » et sa sensualité irrésistible), on a été scotché par la grande limpidité mélodique, la dimension harmonique et l’architecture fusionnelle des morceaux. Saxophone dans le souffle de la modernité et chanteur à la fois spontané et mental finissent par imposer la douce certitude que le futur appartient aux Louanges. 

Pierre Lapointe et Ariane Moffatt, les tauliers 

Inconcevable apparemment d’imaginer des Francofolies sans lui. Pierre Lapointe y est au rendez-vous depuis 2002. Plébiscite aussi bien du côté des organisateurs que du public. Là, il a retrouvé l’Orchestre Métropolitain (comme en 2007 pour le gigantisme concert en extérieur de La forêt des mal aimés) pour une revisite symphonique de son concert La science du cœur. Toujours ses chansons à la mélancolie foudroyante (Je déteste ma vie, ravageur ou consolateur selon  l’humeur du moment). Toujours cette exploration d’alchimiste des sentiments. Toujours ses apartés vives et cocasses, même si moins nombreuses qu’à l’accoutumée. Sobriété dans l’interprétation et enluminures parfaites de l’orchestre, notamment dans des conclusions épiques. Il n’y a décidément aucune lassitude à s’inviter dans le royaume de Pierre Lapointe. 

Elle, non plus, ne déçoit jamais. Pour l’ouverture du festival, sur la grande scène en pleine air, Ariane Moffatt a sorti l’artillerie lourde. En plus de son combo classique, une section cuivres de cinq musiciens, un quatuor  à cordes et deux choristes. Aussi ambitieux que l’appellation de son spectacle: le néo-soul-disco-pop-electro-funky show. Ambiance grand écart et mise au pas qui a su parvenir à conquérir autant les acharnés du dance-floor (« Debout », « Miami ») que les pointillistes de la douceur (« Un souffle pour deux », « N’attends pas mon sourire »). De l’allure, du style, de la contenance et du contenu. Et cette question restée sans réponse: pourquoi la France ne l’a-t-elle pas adoptée ? 

Tire le Coyote, la pureté de l’élégance

Sur le papier, une légère réticence. Tire le Coyote ? Ça ne sonne pas d’une modernité folle.  Après sa remarquable prestation, on est presque gêné d’avoir effleuré ce raccourci. De l’artisanat certes, mais de luxe. Des noces ferventes entre le folk et le rock. Une voix singulière aux accents aigus. Et une écriture, surtout, qui tend vers le diamant brut. Le poète-barde laisse gambader ses idées fugueuses et sentimentales. Moments en suspension  (« Désherbage », « Comment te dire », « Toit cathédrale ») complicité criante avec la merveilleuse pianiste Alexandra Strévinski (La légende du cheval blanc, de Claude Léveillée) et échappée finale électrique (« Chanson d’eau douce »). Sa tournée française à venir s’annonce sous les meilleurs auspices.

On a aussi peut-être trouvé son digne descendant en la personne de Nicolas Gémus, à peine âgé de 22 ans. La filiation est plus qu’établie : fulgurances dans l’écriture, force tranquille, guitariste délicat. Seulement une première partie pour le moment mais l’assurance de le revoir très vite. 

Hubert Lenoir, l’incandescent 

On a presque déjà tout dit sur lui. L’enfant du désordre continue de cumuler talent et ambition. Encore une fois, le temps de trois concerts aux Foufounes Électriques et d’un show secret à minuit en fin de festival, Hubert Lenoir a mis tout le monde d’accord. Incandescent, fiévreux, mélodique et hybride. Bains de foule en pagaille et dérives jubilatoires. Ce n’est pas si courant de croiser, sous le même ciel, le chaos brûlant des enfers et un possible paradis. 

Koriass et Fouki, rap game

Ces rappeurs ont foulé la grande scène à quelques jours d’intervalle, dont le spectacle de clôture pour Koriass. Entre eux, une saine émulation doublée d’une belle entente puisque chacun  est apparu dans le show de l’autre. Dans les deux cas, du charisme et du panache. Dans les deux cas, des morceaux aussi incisifs qu’efficaces. Dans les deux cas, le public connaît ses leçons. Dans les deux cas, la scène prend feu. 

Meilleur moment : Hubert Lenoir. Comme l’an dernier. 

Pire moment : Les Négresses Vertes. Un désastre sur toute la ligne. 

Crédit : Benoit Rousseau

Crédit : Benoit Rousseau

 

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