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Teki Latex. Crédit : Mickaelvis
20 août 2018

L’interview mode : Teki Latex, passion vêtements techniques

par Clémence Meunier

Ce n’est un secret pour personne, Teki Latex aime se fringuer. Avec ses doudounes gigantesques, ses pantalons aux couleurs vives ou bardés de fermetures éclairs (voire les deux) et ses sneakers Nike souvent introuvables en France, le membre de TTC et co-fondateur du label Sound Pellegrino ne passe jamais inaperçu. Cela tombe bien, c’est exactement ce qu’il cherche : que tout le monde se retourne quand il rentre dans une pièce. Ça nous a donné envie de parler chiffons avec Teki. De ses lubbies d’adolescent à sa passion dévorante pour les vêtements techniques japonais (entre autres !), le producteur, rappeur et programmateur des Boiler Room parisiennes nous raconte ses souvenirs et envies de fringues. Le premier témoignage d’une série d’interviews où des musiciens nous parlent de leur autre dada : la mode.

Ton premier souvenir lié à la mode ?

Teki Latex : Porter mes baggies et mes jersey de baseball à l’envers quand j’avais 13 ans pour faire comme Kris Kross.

La première fois que tu as cassé ta tirelire pour une pièce ?

Vers 15 ans une veste en jean verte Karl Kani, avec la petite plaque en métal sur la poche bien sûr ! Il y a eu quelques visites chez Ralph Lauren qui ont fait mal à ma tirelire pendant ma jeunesse également.

Le créateur fétiche de ton adolescence ?

J’avais pas vraiment accès à des habits de « créateurs » quand j’étais adolescent mais on va dire la marque Cross Colors. Mais en vérité je portais surtout du merchandising de groupes de rap, des trucs achetés en surplus, des trucs un peu foireux, du Levi’s, des trucs de la NBA, des Nike, des Adidas et des Timbs.

Teki Latex, printemps-été 2018 – Crédit : Tristan Popescu

Pour ton premier concert, tu portais quoi ?

La veste Karl Kani citée plus haut, des bandanas verts autour du crane et autour du cou, un bob « Naughty By Nature – OPP » par dessus le bandana. Un pantalon Cross Colors si je ne dis pas de bêtises et des Timberland. J’arrive pas à croire que je m’en souvienne aussi bien !

La pièce que tu gardes depuis des années et que tu portes jusqu’à épuisement ?

J’avais une doudoune Bear qui m’a lâché il y a 3-4 ans, mais que je gardais depuis 1997, un truc comme ça. Je dois avoir quelques paires de baskets qui datent de la moitié des années 2000… Mais le reste de mes vieux vêtements est bien trop serré pour moi aujourd’hui. Récemment en faisant un vide grenier je me suis séparé de vielles sapes, du vieux merchandising TTC, et quelques trucs un peu « skate » de la marque Pimp et un t shirt « PNB nation » qui devaient vraiment dater de 1998.

Plutôt sneakers ou chaussures de ville ? 

J’ai eu une période « chaussures de ville » mais je suis retombé dans les baskets encore plus sérieusement par la suite, vers 2008. En fait c’est depuis 2008 et un voyage au Japon et la rencontre avec Takeshi Osumi « Big O » de Phenomenon que je fais vraiment attention à comment je m’habille. Donc depuis mes 30 ans ! Avant ça, c’était du brouillon et je ne savais pas ce que je faisais. Pour les sneakers je suis 97% Nike, 2% Adidas et 1% « autres » on va dire. Et chez Nike c’est surtout du ACG et ses dérivés. Mon modèle culte : je dirais la Terra Albis ? Non en fait c’est la Mowabb, la reine incontestée des chaussures toutes périodes et catégories confondues.

Ton obsession du moment ? Il y a quelques années tu donnais une interview mode sur Greenroom et confiait être fasciné par les vêtements techniques japonais… 

Eh bien j’ai approfondi, notamment dans le vêtement outdoors et de mountaineering, qu’ils soient japonais où non. Aujourd’hui les tendances du streetwear et du prêt-à-porter (qui se « streetwearifie » un peu plus à chaque saison si je puis me permettre) commencent à rejoindre la façon dont la poignée de passionnés dont je fais partie s’habille depuis plus de dix ans, à savoir les vêtements fonctionnels outdoors et leur appropriation d’une part par les gens du rap, d’autre part par les collectionneurs et street-stylers japonais. Par exemple, je retrouve plein de trucs que je portais depuis plusieurs années qui arrivent aujourd’hui dans la tendance via Supreme, Cav Empt, Junya Watanabe, Louis Vuitton ou Comme des Garçons. Il y a aussi le fait que beaucoup de marques se replongent dans leurs archives et ré-éditent certaines lignes de leur catalogue qui correspondent à des choses que j’ai aimé. Ralph Lauren avec Snow Beach, Nike avec ACG, Levi’s avec Silvertab, Napapijri avec sa collection réalisée par Martine Rose, Adidas avec Atric, mais aussi The North Face qui remet l’accent sur les Nuptse etc… Il y a encore quelques années quand je portais des vestes de pêche à Paris on me demandait si je partais à la pêche à la mouche. Aujourd’hui le moindre hypebeast porte ça. Du coup ma manière un peu « niche » et particulière de m’habiller commence à rejoindre la manière dont tout le monde s’habille. C’est cool mais du coup c’est d’autant plus un challenge aujourd’hui pour trouver la bonne pièce qui va me permettre de me démarquer.

Gauche et centre : Junya Watanabe (S/S 19). Droite : Supreme (2018)

La prochaine pièce que tu souhaites acheter ?

La collection Polo Hi-tech de chez Ralph Lauren, même si j’ai bien peur que les gens chargés de faire les commandes pour les magasins français n’aient pas pris de XXL et donc que les modèles disponibles à la vente en France soient bien trop petits pour moi, comme c’était le cas pour la collection CP93 il y a quelques mois. C’est la grande tragédie de ma vie. Il y a déjà un pantalon qui circule et qui fait énormément envie :

La dernière que tu as achetée ?

Une paire de Nike Aqua Socks 360 achetée en ligne chez un vendeur hong-kongais. Pas sortie en Europe. C’est une ré-interprétation moderne d’une ligne mythique de chez Nike. Des chaussures amphibies dédiées aux sports marins, vendues à l’époque par la marque comme « des chemises hawaiiennes pour les pieds ».

Plutôt achat en ligne ou en magasin ?

Franchement, quand on est gros et qu’on veut bien s’habiller, c’est très compliqué, il faut faire les deux. Et je dirais qu’en plus de ça il faut avoir de bonnes connections. On va dans les magasins, ils n’ont pas notre taille, avec un peu de chance ils ont un autre modèle de la même ligne dans notre taille, on voit si ça nous va bien, puis on va acheter le modèle qu’on veut en ligne. Mais la plupart du temps en ligne ils n’ont pas notre taille non plus sur le magasin français (puisque c’est bien connu aucun français n’est gros et ne s’habille en XXL), alors il faut appeler le pote de pote qui bosse pour Ralph Lauren, Adidas ou The North Face et lui demander de nous commander le modèle dans un autre pays. Ou alors on se le fait ramener par un pote canadien, ou on passe par ebay… On ruse. J’en suis à me faire pote avec les shops vintage pour qu’ils m’appellent avant tout le monde lorsqu’ils reçoivent des pièces susceptibles de me plaire, à ma taille.

La mode du moment que tu trouves horrible ? Les claquettes-chaussettes, les crocs à talons ?

Ce que je trouve horrible: l’ironie dans la mode. Les claquettes-chaussettes c’est logique, ça s’inscrit dans une recherche de confort, je suis pour. Les crocs à talon je vois plus ça comme un gadget, je ne vois pas la logique derrière, mais bon chacun fait ce qu’il veut, tant que tu arrives à les « rocker ».

Pourquoi c’est important pour toi, la mode ?

Ce qui est important c’est de rester le gars ou la fille qui s’habille le mieux de la classe, toute sa vie, même longtemps après d’avoir fini d’aller en classe. C’est pas nécessairement important pour tout le monde mais j’ai choisi un métier du spectacle, et je veux que quand je rentre dans la pièce tout le monde se retourne. Ce n’est pas uniquement une question de vêtement mais ça joue, un peu.

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