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Dalle Béton © Luc Leroy
25 septembre 2023

Live report: Panoramas, tout donner par amour pour l’électronique et la Bretagne

par Bérénice Hourçourigaray

Pari risqué mais réussi pour le nouveau format de Panoramas. En rassemblant ses artistes allant du rap à la techno en passant par l’eurodance, sur trois scènes au cœur de Morlaix, le festival a créé une ambiance cozy, safe et propice aux bêtises.

La 26ème édition de Panoramas fut marquée par le changement complet de la formule du festival : plus petit, recentré (au dernier moment) en ville dans l’ancienne Manufacture de tabac de Morlaix. Il n’y aura finalement pas d’after à La Lango, la faute à un taux de remplissage trop faible… Avec un rythme soutenu de 17 concerts par soir, Panoramas a réussi à garder son ADN : la large place faite au rap, à l’électronique et à la techno et surtout : le mélange entre « gros » artistes dont la renommée dans le milieu n’est plus à faire, et une programmation qui flaire + fleure bon les grand-e-s de demain… Car à partir de 23 heures, Panoramas se transforme en Panora-mix (ça va, toutes les blagues ne peuvent pas être drôle) et tombe dans la marmite des DJ-sets électriques. Pour le bonheur des Bretons que l’on sacre sans hésiter « public le plus disjoncté » pour dire au revoir à l’été.

 

Des rockstars

À quoi reconnaît-on un bon artiste ? Peut-être à sa volonté d’électriser un public, qu’il soit composé de 50 ou de 1000 personnes. Les concerts en début de soirée avaient la lourde tâche de chauffer une salle qui se remplissait petit à petit. La scène SEW, la seule en intérieur, s’y prêtait particulièrement bien pour son côté intimiste et sa très bonne acoustique. Yoa, notre bad bitch préférée était aussi émue que nous, puisque Panoramas était la dernière date de sa tournée qui avait commencé sur les planches de la Maroquinerie de Paris, en janvier. Elle a enchaîné ses hits comme « maddy » et « bootycall » et ses duos avec Tomasi (« yt boy » et « j’ai plus peur »), tout était parfaitement chorégraphié et yoa s’essaya même au voguing avec brio. On est choqué (ou presque) d’apprendre qu’elle partageait le même collège qu’Eloi.

 

À lire aussi : Interview : Yoa, avant et après son premier concert sold-out à Paris

 

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Eloi © Luc Leroy

Eloi a rendu sa fièvre communicative, même si le public a ressenti une petite frustration puisque privé des tubes de son premier EP Aceddia. C’est vite pardonné grâce au duo électrique qu’elle compose avec Mia, sa guitariste qui ne quitte jamais sa cravate. Un peu comme un mantra, elles scandent « rockstars », ça vous va si bien Panoramas ! Avec la même énergie, Lazuli qui déteste qu’on la résume à une rappeuse nous fait vibrer avec ses influences reggaeton, baile funk et dancehall. Dans son set, la danse occupe une place centrale, avec un twerk de professionnelle sur la chanson presque éponyme « Casse ton dos ».

 

 

Un festival engagé : « Faire moins, mais mieux »

On s’arrête tout de suite sur la stat’ qui nous a donné le sourire tout le week-end : les artistes femmes étaient au nombre de 19 sur 40 à tenir la scène de Panoramas. Autre victoire, en tant que meuf, on s’est sentie 100% en sécurité pendant tout le week-end et on ne le répètera jamais assez : plus safe sera la fête, meilleure elle sera. Le personnel avait intégré l’adage de l’association Consentis « Only music can touch me ». Quel plaisir de voir un agent fendre la foule survoltée de la Manufacture pour attraper un petit c** par le colback, après le regard désespéré d’une spectatrice. En plus de cette réactivité, une bienveillance générale régnait. Spéciale dédicace à l’agent de la scène SEW -qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à La Boule de Fort Boyard- à qui tout le monde confiait ses affaires, qu’il disposait précautionneusement derrière la scène.

 

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Plus la fête est safe, meilleure elle sera © Luc Leroy

 

Chez Panoramas, les principes du festival correspondent à la mentalité des artistes programmées. Olympe 4000, celle qui a choisi son nom en référence à l’une des pionnières du féminisme Olympe de Gouges, Astéréotypies, le groupe entre post-punk et spoken word, constitué de quatre chanteur.euse.s autistes ou dans un tout autre registre Dalle Béton! avec des slogans aussi essentiels que « Mange ton compost » , « Ta voiture est mal garée, 49,3! » ou « la jeunesse emmerde le vin conventionnel »… Plus sérieusement, ces derniers animaient une table ronde sur l’engagement des artistes dans la transition écologique, thème cher au festival. Cela passait d’abord par une réduction drastique de la jauge : environ 8 000 festivaliers ont participé à cette édition de Panoramas. Des bénévoles encourageaient les festivaliers à remplir un questionnaire pour renseigner leur empreinte carbone. En backstage, tout était veggie. Les artistes qui souhaitaient un repas carné devaient faire la demande au préalable. Ce qui régale, c’est que Panoramas est un festival capable du plus sérieux quand il le faut mais aussi du plus disjoncté…

 

 

Les Bretons, « vous êtes des animaux »
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Mr. Oizo © Luc Leroy

À n’importe quelle heure de la soirée, les artistes ont donné des performances aussi qualitatives que timbrés et nos chers amis les bretons étaient toujours d’attaque pour les suivre. Révélation du festival : Carl Chaste. À l’été 2023, Panteros666 et hashish bb lançaient leur label eurodance DopamineWIFI. Le crew s’est agrandi avec ce parisien qui en a profité pour sortir « Misfits ». Lunettes de vitesse visées sur le nez, quelque peu cliché de lui-même avec sa tenue full-black, cet énergumène nous a pourtant livré le meilleur DJ-set du festival alors qu’il n’était que 19h… Après un remix du kitschissime « Bailando » de Paradisio, le bonhomme sautille sur scène, grimpe sur les structures métalliques de la scène Jardin avant de sauter sur son public qui le suit sans rechigner. On le recroisera plus tard, entre deux concerts, en train de papoter avec des festivaliers avec la même bonne humeur communicative. Côté dose de dopamine, les trois hurluberlus de Russian Village Boys qui se sont réunis autour de leur passion commune pour la techno hardcore néerlandaise ont enflammé la grande scène avec leur pratique impeccable du jumpstyle (danse associée au mouvement gabber). Ambiance parfaite pour chauffer les festivaliers avant l’arrivée de Mr. Oizo, le king de la soirée qui commence son set en toute tranquillité, verre de champagne (ou de crémant) à la main avant de balancer son hit ‘ »Positif’ » (avec son fameux « vous êtes des animaux »).

 

Paroles qui s’accordaient particulièrement bien au public du Pano, capable de transformer un petit bar donnant sur le port en véritable club de before– ou d’after pour certains- en attendant l’ouverture de la manufacture. La palme du génie (et du délire) revient sans aucun doute à Dalle Béton. Ce trio défonce à grands coups de post-punk-électro la Start-up nation, et défend un amour farouche pour l’autodérision et le BTP. À l’image des deux excellents EPs B​é​ton Force 9 Fixation 24h et Comment réussir sa terrasse sorti sur le label Crème Brulée records. Leurs morceaux ont donné place à d’inoubliables pogos- condition sine qua none à un festival réussi- où le chanteur à décidé de s’élancer sur le public… sur une barque gonflable. Entre deux bouteilles de piquette distribuées au public, le groupe a tranquillement moulé une véritable dalle de béton en plein milieu de la scène. Ils sont fous ses B(r)etons !

 

Meilleur moment : quand Carl Chaste descend de son perchoir pour aller donner de l’eau à un jeune breton scotché aux barrières. Il en avait bien besoin

Pire moment : Quand Olympe 4000 nous abandonne après son closing, sur un remix de « World a Reggae (Out in the Street They Call it Murder) ».

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