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Kiddy Smile. Crédit : Quentin Monville
17 juillet 2017

Loud and Proud 2017 : Paris capitale queer

par Quentin Monville

La semaine dernière s’est tenue à la Gaîté Lyrique la seconde édition du festival Loud and Proud, venant célébrer les cultures queers et clore ainsi le mois des fiertés avec flamboyance.

Quelques jours avant le début de la seconde édition du Loud and Proud, on apprenait que les affiches du festival avaient été systématiquement vandalisées dans certaines stations du métro parisien, rappelant malheureusement une énième fois à quel point il était nécessaire qu’une telle manifestation ait lieu. Premier festival queer français de cette ampleur, il s’est avéré indispensable tant par ses propositions multiples que par sa manière d’occuper l’espace public et institutionnel parisien.

Le Loud and Proud a en effet fait le choix d’une programmation pointue et éclectique, dont une partie n’était au départ connue que d’un public d’initié.es. Pari risqué — et réussi — de donner à voir, entendre et à lire des artistes, activistes et autres passeurs de savoir trop souvent exclu.es de ce type d’institution. Le festival ne pouvait donc qu’avoir lieu à la Gaîté Lyrique, centre culturel qui oeuvre au décloisonnement des cultures et des formats, mais qui fait que l’on retrouve la problématique du public inhérente à ce genre de lieu. Si la programmation a été pensée avec une grande intelligence, l’emplacement du lieu, ce qu’il peut véhiculer (« lieu de la culture d’avant-garde pour Parisiens de la classe moyenne ») et les tarifs pratiqués auront exclu de fait une partie du public queer (rappelons que les discriminations de genre et de sexualité se traduisent aussi en termes économiques) — en témoigne quelques réflexions entendues ça et là durant le festival.

Ce point mis à part, le Loud and Proud aura tenu toutes ses promesses. Dès le jeudi, on ne boude en effet pas son plaisir de voir se succéder en live Moor Mother, Yves Tumor et Mykki Blanco, avant le DJ-set bouillant de Rebeka Warrior qui mettra ce qu’on ne peut qu’appeler un joyeux bordel en faisant monter une bonne partie du public sur scène. Si Moor Mother aura souffert d’un public encore un peu endormi par l’énorme chaleur qui règne dans la salle, elle égrènera proprement son syncrétisme fait d’un hip-hop futuriste, d’un punk crasse et fait maison, et de textes féministes. La température monte d’un cran avec Yves Tumor, son enfumage en règle et ses tentatives de pogo dans une fosse qui commence enfin à se réveiller. Mais c’est bien sûr Mykki Blanco qui était attendu ce soir là et qui réussira l’exploit de mettre la Gaîté Lyrique dans un état dans lequel on ne l’avait jamais vu auparavant. Dans un mélange de n’importe quoi savamment orchestré, de rage politique et d’amour lancé à ceux qui souffrent dans cette communauté (les séropositifs, notamment), le rappeur californien rappelle certains des ingrédients essentiels aux musiques engagées (non, ce n’est pas un vilain mot) : de la colère bien placée, de la joie et un sens de la communauté. Ce qui donne à la sauce Blanco : un éclatage en règle de boule à facettes sur scène et un concert qui se termine en dehors de la salle. Grande classe.

Chauffée à blanc, la Gaîté le restera visiblement le lendemain à l’occasion d’un ball voguing qui, semble-t-il, aura été d’un ampleur incroyable et d’une fierceness (terme intraduisible, signifiant dans la culture voguing quelque chose comme une fierté sauvage et revendiquée) à toute épreuve. Heureusement, le festival proposait également des projections — et particulier Donna Haraway : Storytelling for earthly survival, documentaire sur l’incroyable philosophe, historienne de la biologie et auteure de science fiction — et des rencontres (entre autres Elisabeth Lebovici venue parler de son livre Ce que le sida m’a fait), ce qui permet de faire redescendre la pression, de faire varier les rythmes, et surtout les publics. Plusieurs générations d’activistes, d’artistes, ou tout simplement de publics se côtoient et se croisent, donnant à voir cette communauté toujours en mouvement. Et tous.tes, ou en tout cas une bonne majorité, se sont retrouvé.es le samedi pour une grande messe de douze heures marquée notamment par le premier live de Kiddy Smile. L’idole de la scène parisienne a débarqué sur les coups de 22h30 dans un magnifique costume pailleté et sous le coup d’un stress palpable. En résultera le plus beau live festival, qu’on impute à son talent mais également à la bienveillance du public qui le porte sur les premiers morceaux. Un très beau moment de liesse collective qui se terminera sur une démonstration de voguing, comme un rappel de la soirée précédente. S’en suivra une foule de DJ-sets et de lives, ponctuée parfois d’appels d’air, desquels on retiendra la performance d’un Big Dipper recrutant des twerkeurs dans le public et qui finira presque nu, et celle d’une Jennifer Cardini venant clôturer une soirée riche en émotions. Les festivités continueront encore le dimanche, mais pour notre part le Loud and Proud s’achèvera sur cette soirée bigarrée, éclectique et fière dont les souvenirs nous accompagneront quelques jours.

Meilleur moment : La distribution d’éventails et de bouteilles d’eau : grande idée !

Pire moment : Le dé-genrage des toilettes qui ne fonctionne pas avec tout le monde le premier soir. Pour preuve : on a fait fuir une fille simplement en se tenant devant une pissotière.

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