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Crédit photo : Jacob Khrist
12 octobre 2018

NAME Festival, une affaire de famille

par Nicolas Bresson

L’offre de festivals électroniques devenue pléthorique en France – et dans toute l’Europe – nous autorise aujourd’hui à dresser un constat doux amer. Il y a ceux, nombreux, qui vont aligner inlassablement les mêmes têtes d’affiche, installer le même type de sonorisation, investir des endroits sans aucun cachet – un parc expo – ne pas faire de déco ou ne pas inviter d’artistes vidéos… Bref qui proposent des événements convenus, sans surprise, prêts à consommer. Et puis il y a ceux qui, par leur programmation aventureuse, par une transdisciplinarité artistique ou tout simplement par un état d’esprit bien particulier insufflé par leurs organisateurs, vont faire la différence, avoir une « âme ». Si la programmation du NAME Festival reste sur le papier focalisée sur les artistes du moment, c’est bien grâce à l’équipe d’Art Point M, à la barre du navire depuis sa création en 2005, que l’on peut aisément le classer dans la deuxième catégorie. Car oui, le NAME a une âme, une ambiance chaleureuse que l’on ne retrouve que rarement, grâce à des jauges à taille humaine, un accueil du public respectueux, des prestations techniques – sonorisation, lumières – à la pointe, une grande place accordée aux VJ’s. Le NAME est une affaire de famille, ce qu’elle ne manque jamais de rappeler avec son label Family NAME.

Crédit photo : Jacob Khrist

Une affaire de lieux

Le festival met aussi un point d’honneur, depuis le départ, à valoriser le riche patrimoine industriel de la région lilloise et du département du Nord en investissant des anciennes usines, centres de tri, ateliers de confections textiles ou entrepôts de stockage. Cette année pour le « Main Event », nous avons ainsi pu visiter la célèbre Condition Publique de Roubaix, la Gare Saint-Sauveur bien connue des habitués ainsi que l’inédite salle de spectacle Le Grand Sud à Lille. En quatorze éditions, le NAME s’est démarqué en étant à la fois un événement urbain et nomade – à l’instar des Nuits Sonores de Lyon par exemple – et dresser la liste de tous les lieux ayant accueilli ses soirées ne pourrait se faire de manière exhaustive. Un choix, mais aussi – on l’a appris durant notre séjour nordiste – une contrainte pour les organisateurs. L’urbanisme très dense du secteur ainsi que la proximité entre les zones industrielles et celles d’habitations entraînent inévitablement des plaintes du voisinage. Ainsi, le MIN – Marché de gros – et le port fluvial d’Halluin investis ces dernières années, n’auront pu être utilisés qu’une seule et unique fois. Pour cette édition 2018, la Condition Publique n’aura pas pu être investie deux soirées de suite, entraînant une situation aussi cocasse que regrettable. La soirée du samedi – celle qui attire traditionnellement le plus de monde – devant se dérouler dans une salle – Le Grand Sud – à la jauge moitié moindre. On l’aura compris, malgré le soutien des institutions et du public, trouver des lieux adéquats reste un combat quotidien pour la famille du NAME.

Crédit photo : Jacob Khrist

Une affaire de filles

Concernant la programmation de cette année, on s’est pris deux baffes, et deux fois il s’agissait de filles derrière les platines. Vendredi soir avec Ellen Allien, qui est aussi la marraine du festival et se retrouve présente à toutes les éditions. On savait qu’après sa période plus électro avec BPitch Control – elle a notamment lancé Paul Kalkbrenner – elle était revenue à un son techno plus brut, faisant écho à ses premières années passées à mixer dans les sous-sols du Tresor berlinois. Elle nous a littéralement scotchés avec une techno lourde, rave, acide à 140 BPM et dégageait une énergie communicative qui a contaminé le hangar tout entier. Le climax étant atteint lorsqu’une fille aux seins nus tenta de la rejoindre sur scène. Hélas, elle fut rattrapée in-extremis par l’équipe de sécurité. Malheureusement, on n’est pas à Berlin. Le lendemain, ce fut au tour de Paula Temple de mettre tout le monde d’accord dans une ambiance surchauffée et électrique lors d’un set à l’intensité hors normes. On saluera aussi le travail des VJs dont beaucoup se sont avérées être de la gent féminine comme Emiko, Cassie Raptor et Heleen Blanken. Le VJing, cet art trop souvent négligé et qui apporte pourtant ce petit supplément d’âme à une soirée dont on vous parlait au début. Le dimanche, ce fut au tour de Fanny Bouyagui de nous faire voyager en image avec le combo lillois APM001. Deux DJs, une vidéaste donc, et surtout le noyau dur d’Art Point M et du NAME.

Une affaire de mecs aussi

Si les filles ont sans doute délivré les sets les plus « couillus » du week-end, les garçons nous ont eux aussi apporté de beaux moments de grâce. Notamment l’inusable The Hacker dans un back-to-back acharné avec le hollandais Job Jobse. Grand amateurs d’électro et d’italo-disco, ces deux-là s’étaient bien trouvés jusqu’à se faire plaisir avec un bon vieux Kraftwerk. Marcel Dettmann, ultra souriant – on le soupçonne d’avoir compris où il avait mis les pieds – déployait sa techno métallique d’orfèvre déjà entendue certes, mais toujours aussi efficace lors du peak-time. Dans l’autre salle à la température proche de celle d’un sauna, Agoria nous gratifiait de sa techno pop et mélodique, jolie mais un peu à contretemps quand on débarquait de la furie d’Ellen Allien. Petite déception avec la techno prévisible et routinière de Mind Against le lendemain – la perfection n’existe pas – avant un jour du Seigneur plus cool et ouvert grâce à Patrice Baumel et Tale of Us, naviguant entre tech-house et techno tranquille, parfait pour nous faire oublier la grisaille d’un dimanche après-midi et la fin d’un week-end bien rempli. On l’aura compris, le NAME est une affaire de famille, sans distinction de genre, d’espace ou de musicalité. C’est ce qui en fait toute sa richesse et toute son âme. Et le place dans le haut du panier des festivals électroniques français.

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