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©Philippe Pace
13 mars 2020

On a fait un blind test avec la prêtresse de la bass music Flore

par Benoît Carretier

Derrière les platines ou à la tête de son label Polaar, la Lyonnaise Flore s’est imposée en quelques années comme la grande prêtresse française d’une scène bass aussi exigeante que tumultueuse. Blind test téléphonique, confinement oblige, à l’occasion de l’arrivée de son album Rituals, quelque part entre techno, bass music et ambient. Au menu, des basses, des beats, et encore des basses.

Article issu du Tsugi 131, disponible à la commande en ligne.

 

  • Dom & Roland – Trauma
    Extrait du DJ-Kicks de Kemistry & Storm

Dom & Roland ! J’ai écouté au moins 20 millions de fois le mix de Kemistry & Storm dont il fait l’ouverture. Ça me fait plaisir de réécouter ce morceau tellement puissant. J’adore “Trauma”. Quand j’ai commencé à mixer, vers 16/17 ans, je ne sortais pas, et j’avais du mal à saisir ce que cela signifiait d’être vraiment DJ. C’est en découvrant ce DJ-Kicks que j’ai compris comment mélanger deux morceaux et en faire émerger un troisième. Une grande claque.

« Je suis déjà quelqu’un d’assez structuré : quand je ne suis pas en train de mixer à 3 ou 4 h du matin, j’ai une vie assez normale. »

La première de tes cultures électroniques, c’est la drum’n’bass ?

À quatorze ans, je suis tombée sur le clip de “Human Behavior” de Björk, qui passait sur MTV. Je me souviens m’être demandé ce qu’était ce truc incroyable. Ensuite mon frère a commencé à travailler dans un magasin de disques, j’ai découvert Mo’Wax, Massive Attack. En 1996, j’ai pris une deuxième tarte avec le concert de Björk au Transbordeur à Lyon. Goldie assurait la première partie. Il venait tout juste de sortir Timeless, qu’il jouait live avec Diane Charlemagne… J’ai ressenti un appel de la nature. (rires) J’ai eu l’impression que toute ma vie j’avais attendu ça. C’était une évidence !

  • Rhythm & Sound w/ Tikiman – Never Tell You
    Extrait du single Never Tell You

Smith & Mighty ? En tout cas, c’est très bien.

Non, Rhythm & Sound et Tikiman.

Mais bien sûr ! Je me souviens très bien de ce disque, mon frère l’avait dans ses bacs et il partait comme des petits pains. Qu’est-ce que ça vieillit bien, c’est merveilleux.

Tu n’avais pas accroché à sa sortie car ça ne cognait pas assez de ton point de vue de DJ ?

Ce qui m’a attirée dans la drum’n’bass des débuts c’est l’aspect “cinématographique” et futuriste des morceaux. C’était farci de samples qui venaient de films, un soin tout particulier était apporté au sound design et à la recherche de textures – d’ailleurs, si tu enlèves les rythmiques, c’est presque de l’ambient. Et il y avait ces rythmiques, tous les morceaux en mode “Amen Breaks” super ciselés, où il n’y avait pas deux mesures qui se répétaient de la même façon… À l’époque, le dub était trop calme pour moi, peut-être parce que je n’ai jamais fumé de joints. (rires) Mais je sais que j’ai le disque dans ma bibliothèque. Je me souviens que mon frère me l’a mis dans les mains en me disant : “Il faut que tu l’aies.

  • Tsunami One – Number 43 With Steamed Rice Please
    Extrait du maxi Number 43 With Steamed Rice Please

Ouh là, on dirait un Producer ! Bassbin Twins ?

Presque, Tsunami One, alias Adam Freeland et Kevin Beber…

Ah oui ? Je ne le connais pas celui-là.

Tu as eu ta période nu-skool breaks, non ?

Absolument, c’est même ce qui m’a lancée. Quand je mixais drum’n’bass, c’était une musique de niche, qui n’avait pas une très bonne réputation en France, de la musique de teufers, difficile à défendre. Sorti de Montpellier, Avignon, du Monde à l’envers
à Lyon ou des soirées de Miss Ficel à Paris, il n’y avait pas beaucoup d’endroits au début des années 2000 où l’on pouvait jouer de
la drum. Les tenanciers de clubs n’en voulaient pas. Vers 2003, la drum a viré techstep, je ne me reconnaissais plus dans cette esthétique froide, ni dans le public des soirées. Je me faisais même insulter parce que je ne tapais pas assez. Je me suis tournée vers les productions de Rennie Pilgrem, Plump DJs, Freq Nasty, du label Finger Lickin’, c’était de la musique de fête, au sens noble du terme. Je retrouvais ce qui m’avait séduite quand j’avais découvert l’électronique, le côté acid house, happy hardcore. Au même moment, je me suis mise à en jouer de plus en plus, à Nuits Sonores, au Printemps de Bourges… De fil en aiguille faire danser les gens est devenu mon métier à plein temps.

  • Monolake – Tangent I
    Extrait du maxi Tangent

Cela ne me dit rien, mais j’aime bien. Mais qu’est-ce donc ?

“Tangent I”, un morceau de Monolake de 1999…

Maintenant que tu le dis, cela ne me surprend pas. Je crois deviner pourquoi on parle de Monolake. (rires) Puisque Robert Henke et Gerhard Behles sont tous les deux à l’origine d’Ableton Live.

Tu es officiellement la seule femme certifiée Ableton Live en France. Comment es-tu passée d’utilisatrice à formatrice ? Il faut quand même un gros niveau de geekitude…

Euh oui… (rires) C’est drôle car j’ai l’impression que les gens ont découvert le jour de ma certification que j’étais très portée sur la composition sur ordinateur, alors que je m’en sers depuis plus de 20 ans. J’ai débuté avec un Atari STE qui n’avait pas de disque dur interne et très peu de RAM, Cubase et les quelques synthés que je pouvais me payer pendant mes études. Et je me suis formée dans mon coin.

Il y a une certaine logique à te retrouver formatrice…

Totalement, j’ai l’habitude du côté défrichage de la partie technique, même si enseigner est arrivé par hasard dans ma carrière. Quelqu’un que je connaissais cherchait de l’aide pour donner des cours, et ça m’intéressait de me frotter à quelque chose que je n’avais jamais essayé. Cela m’a plu bien plus que je l’aurais imaginé, c’était un cheminement intéressant. Quand tu es toi-même autodidacte, tu es obligé de réorganiser tes connaissances et de réfléchir au meilleur moyen de les transmettre.

C’est devenu une part importante de ta vie professionnelle ?

Mon activité principale reste le deejaying, les cours représentent l’équivalent de deux mois d’activité, mais toute mon année est structurée en fonction de ces journées de cours, puisque je m’engage à être disponible.

Dans la vie d’une artiste, avoir un job “normal”, avec des horaires comme tout le monde, doit être une respiration…

Complètement. Être fidèle au poste de 9 h à 18 h remet les choses en perspective et cette parenthèse dans mon quotidien me permet de garder les pieds sur terre. Je suis déjà quelqu’un d’assez structuré : quand je ne suis pas en train de mixer à 3 ou 4 h du matin, j’ai une vie assez normale. Je ne vois qu’un inconvénient à ces sessions : en tant que rat de studio, je n’ai pas l’habitude de parler autant et aussi longtemps. (rires)

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