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12 septembre 2016

On a visité l’expo « Electrosound : du lab au dancefloor »

par rédaction Tsugi

Depuis le 25 mai et jusqu’au 2 octobre, l’exposition Electrosound : du lab au dancefloor investit la Fondation EDF rue Récamier. Gratuite, elle a pour objectif de retracer l’histoire de la musique électronique, aujourd’hui musique actuelle, autrefois musique savante, grâce aux machines et aux innovations qui ont permis sa constante évolution. Un angle original choisi par la Fondation pour tout savoir sur la musique d’aujourd’hui. Visite guidée.

A peine arrivé, Jean-Yves Leloup, commissaire associé de l’exposition, nous met au parfum: « La dynamique générale de l’exposition, ce n’est pas l’histoire de la musique électronique mais une histoire de la musique électronique à travers ses instruments, ses technologies et ses innovations. » Les deux autres commissaires, Jean-Louis Fréchin et Uros Petrevski (No Design) sont designers et spécialisés dans les interfaces numériques. Ils possèdent une approche concrète de la technologie et de la machine, fil rouge de cette exposition.

S’il semble logique d’avoir choisi un angle bien précis pour aborder un thème aussi large, pourquoi celui de la technique ? « A l’origine, Jean-Louis et Uros sont venus voir la Fondation EDF pour un tout autre projet, axé sur l’évolution technologique globale avec un angle design et innovation. Il y avait donc une grande partie dédiée à la musique et la direction de la Fondation, qui favorise les expos à angle populaire, s’est demandée pourquoi ne pas centrer celle-ci sur la musique électronique. La prochaine abordera les jeux vidéos et la suivante, l’art numérique.« 


Musique savante avant d’être électronique

Au rez-de-chaussée, la partie historique a été dépoussiérée pour se diviser en cinq étapes: les fondations et l’ère de la musique savante, l’arrivée de l’électronique dans le rock et la pop, la démocratisation du matériel, l’arrivée de la techno et de la house grâce à l’utilisation de l’informatique et enfin l’époque actuelle où tout le monde peut être DJ. Comme dit dans l’intitulé de l’exposition, du « lab au dancefloor », on découvre tout un pan du passé d’une des musiques les plus actuelles. « La musique électronique, c’est avant tout une musique savante, développée à la fois par des compositeurs qui s’inscrivent dans l’histoire de la musique contemporaine et des inventeurs de la Seconde Guerre mondiale« , explique Jean-Yves Leloup. C’est en observant (et en écoutant) les oscillographes, les oscillateurs et les générateurs de fréquences réutilisés après la guerre que l’on commence à comprendre les prémices d’une innovation sans limite. « Il y a énormément de studios qui sont nés à cette époque, entre 48 et 68, plusieurs dizaines dans le monde, financés par la RDF, l’ORTF ou la WDR. Les grandes entreprises et souvent l’Etat mécénaient cette recherche d’innovations techniques et musicales. C’est un phénomène disparu aujourd’hui« , explique Jean-Yves Leloup.

© LCB – Oscillographe

Entre synthétique et manipulations, la musique savante se veut avant tout pionnière : « Tout a été inventé à cette époque et la plupart des appareils que l’on expose ici se trouvent désormais à l’intérieur des synthétiseurs et contrôleurs« , conclue Jean-Yves Leloup. Le premier Thérémine (1920);
INSERT INTO `wp_posts` VALUES le Solovox et l’Ondioline sont par exemple des instruments rares et uniques que les trois commissaires d’exposition ont pu exposer à la Fondation, un travail laborieux et réussi grâce au musée Electropolis à Mulhouse, à la Philharmonie de Paris et à des collectionneurs qui ont bien voulu prêter ou louer leur objets.


L’utilisation de la musique électronique dans la musique traditionnelle

Le synthétiseur et le Moog font leur apparition au début des années 70 et changent radicalement l’utilisation des machines dans la musique. « On peut entendre de manière subtile du Moog chez les Doors ou Simon & Garfunkel dès 1968 et puis arrivent les groupes psychédéliques allemands« , raconte Jean-Yves Leloup. « Certains albums démontrent un effet d’adaptation comme les reprises de Bach de Wendy Carlos en 68, premier disque d’or de la musique électronique réalisé au Moog, comme une manière d’apprivoiser ce nouveau monde« , précise-t-il, marquant 1968 comme l’année où la musique électronique savante est devenue « musique actuelle ». « Cette seconde période est synthétisée ici avec quelques machines. L’exposition n’est pas exhaustive et c’est un choix assumé. Pour compléter, des séries d’images d’archives sont diffusées et j’ai spatialisé des extraits sonores tout au long du parcours« , explique Leloup. La recherche d’images et de vidéos d’époque est devenue un jeu d’enfant grâce à internet (entre autres) mais le plus compliqué reste de trouver les ayant-droits : « Il y a des photos qui circulent mais personne ne sait d’où elles viennent. On a réalisé l’exposition en seulement six mois, ce qui est très rapide mais ça n’en est pas moins un travail patient et méticuleux, passionnant en somme« , se réjouit Jean-Yves Leloup.


© S.Ciani – Suzanne Ciani et son synthétiseur Buchla, seconde moitié des années 1970 


Une démocratisation universelle

Juste avant l’utilisation massive de l’informatique, au début des années 80, des firmes comme Roland ou Yamaha commencent à produire en grande série et deviennent dès lors plus accessibles. Dix ans auparavant, un Moog pouvait coûter le prix d’une voiture neuve. C’est l’époque de la new wave et de la première vraie démocratisation de matériaux et de techniques. Ce passage de la lutherie à l’industrialisation, représenté grâce aux photos et aux nouvelles machines dans une troisième partie, permet surtout de booster les carrières de jeunes groupes comme Depeche Mode. C’est un peu plus tard dans les années 80 que l’informatique devient indispensable dans la chaîne de production musicale.

Après l’Atari ST, Cubas ou la MPC 2000, qui a beaucoup servi au sampling et au hip-hop, on découvre « le mur des passeurs » présentant dix personnages emblématiques d’une double culture : « Ce sont des gens qui font la jonction entre musique savante et populaire. Jean-Michel Jarre, Robert Moog, Brian Eno ou encore Juan Atkins et Daphné Oram, ils ont tous marqué leur époque et surtout la musique à leur façon« , explique Jean-Yves Leloup. Une façon d’humaniser l’exposition avant de se replonger dans les machines que nous connaissons bien aujourd’hui.

© LCB – Le mur des passeurs

Avant de passer à l’étage, la cinquième et dernière partie d’un rez-de-chaussée dédié à l’histoire se concentre sur le dernier phénomène en date. Intitulée Tous DJs, elle présente la massification de la musique électronique dans le monde entier. « On montre ici l’apparition d’outils de plus en plus simples d’utilisation, le premier contrôleur, le mini-disc, l’Archos…« , décrit Jean-Yves Leloup. Outre l’évolution de la pratique, ce chapitre rappelle aussi celle de notre façon d’écouter de la musique avec l’arrivée de l’iPod d’Apple et des lecteurs portables. Les platines vinyles Technics sont également exposées ici pour montrer la subsistance d’outils plus anciens malgré une modernité rapide et efficace.

Après l’histoire, nous passons au futur de la machinerie musicale : au premier étage, une série d’objets ludiques et parfois loufoques sont exposés (et peuvent être testés par le public) pour mettre en valeur un pan expérimental. Dans l’atelier, on découvre de nouveaux instruments qui peuvent réagir à la pression ou aux caresses comme la gelée colorée créée par des étudiants de l’ENSI. Prototypes de synthétiseurs bricolés, clavier gomme ou applications, on teste peut-être les machines de demain : « On traverse une époque de grande innovation technologique et une nouvelle démocratisation avec la baisse des coûts des composants et matériaux ou encore l’arrivée des tutos et du DIY« , interprète Jean-Yves Leloup. Quatre grandes boites noires installées au centre de la pièce tentent de montrer en images les réactions que peut provoquer la musique. On peut donc parler au micro d’un vocoder, jouer du mini-Moog ou de la TR808 et voir s’afficher en ondes ou en graphiques les données reçues lorsque l’on joue. La machine préférée de Jean-Yves Leloup, c’est « un petit capteur que l’on peut poser sur n’importe quelle surface pour la transformer en contrôleur« .

© LCB – Noisy Jelly, la gelée musicale


Le son en conclusion

C’est donc la tête pleine d’histoires et d’innovations que l’on descend au sous-sol pour découvrir la dernière étape du parcours. Surprise, il fait noir et la musique joue à fond. On se croirait en boite de nuit sauf qu’il n’y a personne. Alors on passe le rideau et l’on admire un dispositif ludique et terriblement amusant. Environ 150 morceaux sont à écouter (playlist juste en dessous) à la vitesse souhaitée dans cette Boombox avec le soundsystem et la boule à façettes installés pour en profiter. De 1940 à aujourd’hui, Jean-Yves Leloup fait défiler sous nos yeux des morceaux emblématiques de la musique électronique, un parfait résumé sonore de tout ce que l’on a pu apprendre juste avant. A mesure qu’il fait tourner le système de disque, « Stardancer » de The Martian apparait à l’écran et Jean-Yves Leloup en profite pour nous glisser que « c’est le morceau qui a marqué sa jeunesse de raver« . « J’ai tenté de montrer l’évolution constante de la musique avec des titres tubesques et plus underground. J’ai fait le plein de découvertes grâce à mes recherches« , conclue-t-il. A côté, un diaporama des photos de Jacob Khrist sur la nuit et des interviews d’Arnaud Rebotini ou Etienne de Crecy qui expliquent leur rapport aux instruments sont diffusés en continu.

© Deezer – Les 150 morceaux de la Boombox

En sortant de la Fondation EDF, difficile de ne pas rester plonger dans l’histoire d’une musique que l’on côtoie tous les jours. L’exposition est gratuite et ouverte jusqu’au 2 octobre, et s’achèvera par une série de quatre lives de Oklou, Clara Moto, Arnaud Rebotini et Philippe Cam, à l’occasion de la Nuit Blanche.

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