© Benoït Carretier

On y était : quand les Pet Shop Boys enflamment l’Olympia

par Tsugi

Vous en con­nais­sez beau­coup de con­certs qui réu­nis­sent à peu près toutes les généra­tions, mènent le pub­lic à l’euphorie et s’achèvent dans une ambiance de boum sur­voltée (et acces­soire­ment font trem­bler les murs de la salle) ? On était à l’Olympia 15 juin 2023, pour le con­cert de Pet Shop Boys, on vous raconte.

La joie com­mu­nica­tive n’étant pas la valeur la plus partagée ces derniers mois, il faut savoir savour­er la semaine qui vient de s’écouler. Mer­cre­di soir, les Sparks retour­naient le Grand Rex avec leur irré­sistible pop arty. À 70 ans bien passés, les frères Mael en remon­traient à bien des jeunes groupes en ter­mes de présence scénique et d’énergie. Le lende­main, c’était un autre duo, anglais cette fois et un peu plus jeune (à peine la soix­an­taine), qui s’emparait de l’Olympia. À l’inverse des Sparks, les Pet Shop Boys n’ont jamais con­nu de retour de hype, ni même con­nu un suc­cès pub­lic en France à la hau­teur de leur géniale folie. Trop british pour les Français, trop gay pour les hétéro, trop de syn­thés pour les poppeux, trop malins pour les radios général­istes. Et pour­tant, le duo com­posé de l’homme-machine Chris Lowe (celui qui fait la gueule tout le temps) et du chanteur Neil Ten­nant, l’un des plus bril­lants paroliers de l’histoire de la pop anglaise, draine en France depuis ses pre­miers pas en 1984, un pub­lic fidèle qui ne rat­erait ses con­certs sous aucun prétexte.

Mais l’attente a été longue. La dernière fois que les Pet Shop Boys avaient voulu jouer à l’Olympia, à l’occasion de l’album Super sor­ti en 2016, alors que le pub­lic était déjà instal­lé, le con­cert avait été annulé pour non-respect de la lég­is­la­tion française sur l’utilisation des lasers en intérieur. Ayant changé de pro­mo­teur depuis, le con­cert de ce jeu­di soir, sans laser, mais avec un imposant dra­peau ukrainien accueil­lant la foule pour un show spec­tac­u­laire, dans le genre comédie musi­cale de Broad­way ver­sion hi-tech venait combler une absence parisi­enne de dix ans.

 

 

Tableau en trois actes, cette étape de la tournée Dream­world débute dans le min­i­mal­isme le plus com­plet. Les deux hommes, tout de blanc vêtus, trô­nent devant un écran LED où défi­lent motifs géométriques et extraits de clips, les claviers de Chris Lowe et deux lam­padaires pour seul décor. D’entrée de jeu, le pub­lic (extrême­ment mélangé et éton­nam­ment famil­ial, com­posé de garçons body­buildés en polos trop ser­rés, de quadragé­naires venus avec leurs enfants et de fans générale­ment au bord de l’apoplexie – men­tion spé­ciale à cette femme venue avec sa maman octogé­naire, qui a appré­cié le show du pre­mier au dernier beat) est ras­suré : les murs d’écrans LED coulis­sants ne vont pas empêch­er une débauche de cos­tumes improb­a­bles, notam­ment les deux masques de super héros argen­tés en forme de H, emblème de cette tournée, que Neil Ten­ant et Chris Lowe arborent sans crainte du ridicule lors du pre­mier acte. Après sept titres “d’échauffement” (et quels titres, du “Sub­ur­bia” d’ouverture à la reprise du “Where The Streets Have No Name” de U2 ver­sion hi-NRG en pas­sant par l’inusable “Rent”), le but est atteint : l’Olympia est une cocotte-minute. En un quart d’heure, les per­son­nes assis­es sont pris­es de con­vul­sions et se met­tent à danser fréné­tique­ment et la fos­se s’enflamme. L’écran LED se lève, dévoilant le véri­ta­ble décor et le trio de musi­ciens accom­pa­g­nant les Boys et le con­cert, qui accom­pa­gne Smash, com­pi­la­tion ultime regroupant l’intégralité des sin­gles pub­liés depuis 1985, prend tout son sens.

Si cette tournée mon­di­ale n’a man­i­feste­ment pas d’autre but que de se laiss­er aller au plaisir de la nos­tal­gie, tout en rel­e­vant gen­ti­ment les comp­teurs, impos­si­ble de boud­er son plaisir (si on fait abstrac­tion d’un mix par­fois un peu brouil­lon, dont la voix de Neil Ten­nant, pas tou­jours au rendez-vous sur scène, avait du mal à s’extraire). Et le pub­lic le sait. Seuls sont joués les sin­gles lors de ce show par­faite­ment jouis­sif, et cha­cun a sa madeleine de Proust. Pour cer­tains, ce sera “What Have I Done To Deserve This”, orig­inelle­ment un duo avec l’immense Dusty Spring­field, avan­tageuse­ment rem­placée par une vocal­iste au cof­fre impres­sion­nant. Pour d’autres, ce sera “It’s Alright”, reprise du tube plein d’espoir du Chicagoan Ster­ling Void, la batu­ca­da de “Single/Bilingual”, la disco-house fil­trée de “New York City Boy” ou, en clô­ture avec “Being Bor­ing” dans le décor min­i­mal­iste de la pre­mière par­tie du show, l’indispensable “West End Girls” (dans une ver­sion calquée sur le mas­ter­mix de Shep Pet­ti­bone de 1985, les anciens ont dû appréci­er). Mais ce sera sou­vent tous les titres à la fois pour un pub­lic en trance per­ma­nente, aus­si réac­t­if qu’une préa­do au pre­mier rang d’un show des BTS. Le spec­ta­cle est tout autant dans la salle, qui tran­spire la joie et le bon­heur. On ne cit­era d’ailleurs pas de noms, mais on a vu plusieurs représen­tants du petit monde de la musique chanter à pleins poumons, et par­fois se lancer dans des choré­gra­phies hasardeuses à base de moulinets indé­cents avec leur bras, en par­ti­c­uli­er sur le très campGo West”. Alors bien sûr impos­si­ble de jouer la total­ité de la cinquan­taine de sin­gles du duo dans les deux heures impar­ties au con­cert et on regret­tera la douloureuse absence de “The Pop Kids”, qui reste pour beau­coup le dernier très grand sin­gle du duo. Mais quel concert !

Alexis Bernier et Benoît Carretier

 

pet shop boys

© Benoît Carretier