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9 avril 2014

Orgasmic & Fuzati : la grosse interview

par rédaction Tsugi

Doit-on encore les présenter ? D’un côté Orgasmic, membre de TTC, Sound Pellegrino Thermal Team & co. De l’autre, Fuzati, l’homme masqué, que l’on connaît pour ses punchlines acides. Tous les deux à l’origine du Klub des Loosers, ils se retrouvent pour un nouvel album, Grand Siècle, dont la sortie est prévue pour le 21 avril. Rencontre entre quatre yeux.

Tsugi : Vous êtes tous les deux à l’origine du Klub des Loosers, pourquoi ne pas sortir Grand Siècle sous ce nom ?

Fuzati : Parce que maintenant le Klub des Loosers c’est vraiment moi. Cet album c’est plus un side-project.

Comment se sont passées les retrouvailles ?

F : Ça s’est fait très naturellement. On s’est recroisé, on s’est fait écouter ce qu’on faisait et il y avait une instru vraiment cool. On s’est dit que ce serait marrant de faire un morceau, puis un EP, et puis… On a abouti à cet album. Juste pour le plaisir de faire de la musique.

Tes albums racontent souvent des histoires : le mec paumé qui veut brancher la plus belle fille de sa promo pour Vive la vie (2004), le mélomane enfermé dans sa chambre d’hôtel qui tourne aux drogues dures pour Last Days (2013). C’est quoi l’histoire de Grand Siècle ?

F : Pour une fois il n’y a pas d’histoire. Il y a un thème global, c’est l’époque, notre époque, mais ça veut tout et rien dire. On voulait simplement faire un album de rap, parce que c’est ce qu’on a toujours écouté. Faire des « puzzles de mots et de pensées » comme dirait Booba.

Orgasmic : On est dans une période où le monde est en train de muter, et ce n’est pas évident pour tous.

F: C’est une époque très dure. A Paris tu ne peux pas t’arrêter à un carrefour sans voir quelqu’un mendier. Tu ne peux plus prendre le métro sans voir des gens dormir sur les quais, et en général quand les portes restent bloquées, ça fout un blanc dans le wagon. Et aux États-Unis c’est encore pire. On est dans une époque où c’est un petit miracle de rester en vie.

Aucune nostalgie de Versailles ? Le Grand Siècle c’est le XVIIème siècle, c’est le rayonnement de Versailles…

F : Non, je n’y habite plus depuis quelques années déjà. C’est davantage par rapport à notre époque, parce je pense que notre siècle est tout sauf un « Grand Siècle » ! Il y a aussi un quartier de Versailles qui s’appelle « Grand Siècle », mais c’était juste pour le clin d’œil. Et puis comme on nous a toujours catalogué comme des bourgeois parce qu’on était Versaillais, c’était marrant d’encore plus l’assumer avec ça. A l’époque on écoutait du rap et il fallait être « ghetto » avant tout, alors que maintenant les mecs se trimballent en Vuitton et ça ne pose plus de problème à personne. T’as dixmille petits blancs qui arrivent de nulle part et qui ont fait des écoles de commerce : aucun souci !

Quelque part vous avez lancé ça, non ?

F : Non, nous on n’a rien lancé du tout. Je ne suis pas le père de ces bâtards.

O : On a été les premiers, c’est vrai, sans forcément le vouloir on a un peu inventé ce qu’il se passait à cette époque-là. Ceux qui sont arrivés derrière avaient des modèles. 

F : On a été les premiers à assumer de ne pas être du ghetto, alors qu’en fait il y en avait plein qui vivaient dans de beaux pavillons. Sauf qu’ils se cachaient sous des capuches ou avec des crânes rasés. Rockin’ Squat il n’a pas vécu dans la misère…

Les instrus de La Fin de l’espèce étaient plutôt mélancoliques, avec une place prépondérante laissée au piano. Avec Grand Siècle, au contraire, on sent un retour aux sources. C’est quoi la « patte Orgasmic » ?

O : Il n’y a pas très longtemps j’ai compris une chose sur moi : je suis un producteur de rap qui s’inspire de la musique électronique, et pas l’inverse. Je ne suis pas un producteur de musique électronique qui s’inspire du rap. Je ne dis pas ça de manière péjorative, c’est un simple constat. En ce qui concerne la « patte »…

F : La dernière fois tu parlais de r’n’b…

O : C’est vrai, j’en écoute beaucoup d’ailleurs. Je me retrouve beaucoup dans Drake par exemple. Le r’n’b m’a toujours autant influencé que le rap. Et ça se ressent dans ce que je fais en effet. Les solos peuvent faire penser à des lignes de chant. Parfois il y a des morceaux où je mettrais bien une voix dessus, on s’est demandé qui on pourrait inviter… Et puis en quarante secondes on en est arrivé à la conclusion qu’il n’y aurait aucun invité.

F : Et puis c’est toujours un peu compliqué de gérer les égos des artistes, dans ce cas-là ça veut dire que tu repousses la sortie d’un an.

Du côté de TTC il y aura du neuf ?

O : Non je ne crois pas. Teki (Teki Latex ndlr), plus les jours passent et moins il a envie de faire de vocalises. Il se sent mieux en faisant des DJ-sets que des lives, il s’ennuie moins. Cuizinier je pense qu’il continuera à rapper, et Tido (Berman, ndlr) je crois qu’il fait des mixes… Il n’y a pas eu de vraie séparation, mais c’est juste l’évolution des carrières qui a fait que chacun a pris son chemin. A mon avis ça n’arrivera pas.

F: Les connaissant depuis longtemps, je pense qu’ils sont vraiment à la place où ils devaient être depuis le départ, ce qui n’empêche pas que TTC a fait de très bons trucs. Mais tu mets du temps à te trouver en tant qu’artiste. On a commencé super jeunes, c’est normal que tu évolues.

Fuzati, tu travailles toujours à côté de la musique ?

F: Oui, même si je n’aime pas trop en parler. Ça me permet de conserver ma liberté, de ne pas être dépendant de ma musique. Je pourrais en vivre, mais je ne veux pas avoir ce rapport avec la musique. Sinon tu ne te poses plus les mêmes questions : tu vas accepter des dates qui ne t’intéressent pas forcément par exemple, pour avoir ton statut d’intermittent. Moi si je fais une date, c’est parce que je la kiffe.

Où en es-tu de ta trilogie ?

F : C’est toujours d’actualité, même si Grand Siècle n’en fait pas partie. Je sais exactement ce que je vais dire, mais il faut encore que je le nourrisse. Et pour ça il faut vivre.

La dernière fois je suis tombé sur ton unique tweet : « Allez plutôt lire des livres ». Quelle(s) lecture(s) recommanderais-tu aux twittos ?

F: Je me garderais bien de conseiller qui que ce soit. Je ne suis pas prof de lettre. Après j’aime beaucoup John Fante (Demande à la poussière ndlr), ou Charles Bukowski (Journal d’un vieux dégueulasse ndlr). C’est toujours agréable de retrouver Bukowski qui te raconte ses histoires comme à un vieux pote.

Est-ce que tu peux donner la bonne formule à ceux qui n’ont pas encore calculé l’identité remarquable que tu es ?

F: J’étais très nul en math à vrai dire, j’avais toujours 2 et c’était grâce aux points de présentation. Ma prof de physique est venue me voir un jour, elle m’a dit « écoutez je vois que vous faites des efforts, mais vous irez plutôt dans une filière littéraire ». Je suis incapable de résoudre n’importe quelle équation.

Même pas la tienne ?

Non, je n’y arriverais pas. J’aurais bien dit zéro moins zéro egal la tête à Toto mais bon…

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