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30 avril 2015

Portraits croisés: Speedy Ortiz vs Courtney Barnett

par rédaction Tsugi

D’un côté un groupe, de l’autre une chanteuse, mais d’un côté comme de l’autre deux femmes songwriters qui partagent une plume à l’humour acide. Les deux sortent un deuxième album.

Speedy Ortiz

Cest qui ? Sa mère travaillait pour Punk Magazine, son père pour une chaîne de clips musicaux avant l’avènement de MTV et avait participé à la fondation du Rock and Roll Hall of Fame. Quand un groupe possède une meneuse aussi charismatique, difficile de décrire Speedy Ortiz autrement que comme “le groupe de Sadie Dupuis”. Ses parents la traînaient jeune dans des concerts de rock, elle s’est prise pour Gwen Stefani avant l’adolescence avant d’écrire des chansons à la No Doubt et de fuir New York. Après des études de poésie dans le Massachusetts, elle intègrera la petite scène noise locale au sein du groupe Quilty et finira par fonder le sien en chipant des musiciens d’autres groupes locaux, Darl, Mike et Matt. Mais l’écriture reste son affaire.

C’est quoi ? 2013, premier album, Major Arcana, des morceaux écrits alors que Sarcastic Sadie donnait des cours de songwriting dans des camps d’été pour adolescents version rock’n’roll, le Buck’s Rock Performing and Creative Arts Camp (Ezra de Vampire Weekend y a aussi enseigné). On y découvre le charisme nonchalant de la jeune femme, qu’on imagine en version IRL de Daria (mais si, la série animée la plus drôle de l’histoire) avec son humour grinçant et un grand talent pour ce qui est de rire (en coin) de l’absurdité de ce Triste Monde Tragique. Côté musique, les morceaux sont ramassés, ont clairement un parfum de revival grunge nineties assez réjouissant. Et Speedy Ortiz ose autant la bombe surpuissante (“Ka-Prow!”) que la ballade un peu émo (“No Below”).

Et alors ?  Passé l’intro “Good Neck”, ce second album de Speedy Ortiz, Foil Deer, attaque fort avec le tube “Raising The Skate”. Dès le morceau suivant on retrouve l’écriture jubilatoire de Sadie Dupuis : “I was the best at being second place” (“j’étais la meilleure pour ce qui est d’arriver à la seconde place”). Elle aime toujours jouer sur la nostalgie de l’université, jouer les losers de l’école, adolescentes attardées et flirteuses incapables. En deux ans, Speedy Ortiz a perdu Matt à la guitare pour récupérer Devin et tourné avec ses idoles Thurston Moore ou Stephen Malkmus. S’il garde des formats courts et des mélodies directes, Foil Deer a gagné en richesse et paradoxalement aussi en puissance pop. Après un début canon, le groupe se permet même de partir en sucette à mi-parcours, entre le violent “Homonovus” et les beats hip-hop de “Puffer”. Tout est cracra mais pas trop, mélodieux mais pas niais et Speedy Ortiz met dans le mille, une deuxième fois… pour enfin finir à la première place ? D’un côté un groupe, de l’autre une chanteuse, mais d’un côté comme de l’autre deux femmes songwriters qui partagent une plume à l’humour acide. Les deux sortent un deuxième album.

 
Courtney Barnett

C’est qui ? À 26 ans, Courtney Barnett a déjà eu le temps de bourlinguer dans le Melbourne musical. Fille de danseuse de ballet et de graphiste, elle était plutôt du genre effacée, la musique en lointaine passion. Après plusieurs plans de carrière très vite avortés – tenniswoman professionnelle, puis créatrice de dessins animés, dont lui reste le besoin de dessiner ses pochettes –, la guitare s’impose. En 2010 et 2011, elle en joue dans le groupe de grunge local Rapid Transit, qui respecte le code DIY et sort son unique album sur cassette. Ensuite elle joue et chante dans le gro

upe de country-rock psychédélique Immigrant Union, formé par Brent DeBoer des Dandy Warhols. Il était temps pour elle en 2012 de voler de ses propres ailes.

C’est quoi ? Dès 2012, Barnett crée son propre label, Milk! Records pour pouvoir publier ses premiers enregistrements. Elle sort son premier EP, I’ve Got A Friend Called Emily Ferris, puis le deuxième un an plus tard, How To Carve A Carrot into A Rose (“comment sculpter une carotte en forme de rose”) et les regroupe sous un premier album qu’elle renomme The Double EP : A Sea Of Split Peas (“une mer de pois cassés”). On est plus proche du country-rock du groupe de l’ex-Dandy Warhols (DeBoer joue d’ailleurs des percussions sur le premier EP de Barnett) que du grunge de ses débuts. Plus nonchalante encore que Sadie Dupuis, elle chante comme si elle ne se souciait pas d’être écoutée et écrit le rock de l’ennui, des banlieues moroses, comme si n’avoir rien d’autre à faire était la motivation la plus saine pour prendre sa guitare et composer.

Et alors ? Son deuxième album, Sometimes I Sit And Think, And Sometimes I Just Sit, confirme exactement tout ce qu’on pensait, de son talent pour les titres d’album (“parfois je m’assois et je pense, parfois simplement je m’assois”) et de sa passion pour les ambiances banlieusardes tranquilles et la description de l’ennui le plus profond qu’elles lui inspirent. “This place seems depressing, it’s a californian bungalow in a cul-de-sac” (“cet endroit a l’air déprimant, c’est un bungalow californien dans un cul-de-sac”) ou “a friend insists that we buy some organic vegetables, and I admit I was a little skeptical at first, a little pesticide can’t hurt” (“un ami insiste pour qu’on achète des légumes bio et je dois admettre que j’étais sceptique, un peu de pesticide ne peut pas faire de mal”), Barnett trouve le même genre d’absurdité dans le quotidien que sa contemporaine Dupuis. Côté musique, rock, country et blues flirtent. Il n’y a qu’à écouter l’énorme “Pedestrian At Best” pour se convaincre de son talent.

 

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