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BCUC en sueur à la fin de leur show. Crédit : Nicolas Scordia.
5 avril 2018

Radiomeuh Circus Festival : c’était le cirque à Reblochonland !

par Clémence Meunier

On dirait des petits alpinistes. Frigorifiés, ils ont autour d’eux les escarpées montagnes des jeunes Alpes. Il fait nuit, le sol bâché glisse, mais pas le choix, Radiomeuh Circus Festival doit commencer, et peu importe s’il s’est mis à neiger quelques dizaines de minutes seulement avant le début de la soirée. Le chapiteau de cirque bleu abritant les festivités n’est pas fait pour supporter le poids de cette poudreuse, et alors que les fêtards les plus à l’heure commencent à attendre Black Lilys, des bénévoles grimpeurs continuent de déneiger, arroser, sécuriser, les mains bleues et les bonnets plein de flocons. Ce n’est pas de tout repos d’organiser un festival à la montagne. Il y a la neige bien sûr, qui manquait un chouia à La Clusaz depuis deux ans et qui a décidé de se rattraper cet hiver. Il y a les journalistes parisiens qu’il faut trimbaler en dameuse en haut des pistes parce le ski ça fait vraiment trop peur (coupable !). Et puis il faut de l’endurance : pour sa sixième édition, le Radiomeuh Circus Festival y est allé tout schuss, proposant sous son chapiteau des concerts et DJ-sets tous les soirs du vendredi au dimanche, sans compter une scène off gratuite de DJs éparpillés sur tout le domaine en journée. Pfiou.

Mais il y aussi pas mal d’avantages à envahir La Clusaz pendant cinq jours. Pour ses spots déjà, comme La Ferme, resto au pied des pistes proposant des spécialités locales aussi indécentes que délicieuses (reblochon fondu, charcuterie, gratins, pierrade, et, pour un peu de verdure, un cornichon). Ou le Télémark, cette fois tout en haut des pistes, bar-resto où l’on sent que l’ambiance peut à tout moment décoller et rendre tout à fait irresponsable la rechausse des skis. Ou cette mignonne halle en plein centre-ville, entourée de commerces, chalets et lampions. Le must, donc ? Y danser sur des DJ-sets des Suisses d’Alma Negra, des Sheitan Brothers ou d’Alice, résidente de Radiomeuh, pour des mix tantôt disco, tantôt house, avec toujours quelques touches tropicales, afro ou sud-américaines. Le bonnet chauffé par le soleil, les pompes craquant dans la neige, tout le monde de bonne humeur et sympa… Autant dire qu’on est plutôt pas mal.

Crédit : Nicolas Scordia

On aurait pu imaginer qu’une toute autre ambiance allait s’installer la nuit, sous le chapiteau à la sortie du village. C’est là qu’ont lieu les soirées payantes du festival, avec lives, lumières, paiement en cashless (avec une Ameuhrican Express !) et tout le toutim. Niet. La même atmosphère à la cool qu’en journée, des bénévoles adorables, des hot dog à la saucisse locale (le diot, un régal) et, à chaque concert, un public au taquet qui danse, crie, chante et s’éclate sans compter. Il faut dire que côté programmation, ils sont servis, puisque Radiomeuh avait notamment invité l’Anglais Romare et son live où bongos, guitare et flûtes traversières rencontrent les synthés et machines, le tout sous influence africaine. Un parfait chaud-froid. Razor-N-Tape aussi, un duo de DJs venus de Brooklyn et ayant fait résonner leur disco dans toute la vallée. Ou encore Danitsa, notre révélation du week-end : chanteuse, MC, « maître de sa propre vie », et à l’origine récemment d’un premier album solo EGO, Danitsa semble savoir tout faire, et surtout embarquer tout le monde en deux temps trois mouvements. Entre rap, trap et chansons soul aux accents reggae, plutôt bien portée par un DJ tout sourire et un backeur super en place, elle impressionne, et reçoit une ovation à la fin de son concert. Sauf que personne n’imaginait à ce moment-là ce qui s’apprêtait à leur tomber sur le nez : la beigne BCUC. Ils sont sept, peut-être huit, ça sautait trop dans la foule pour qu’on puisse compter. Ils viennent d’Afrique du Sud, et mélangent percussions, instruments traditionnels, basses vrombissantes, soul et énergie punk. Tout en tension, le premier morceau s’étire et finit pas exploser dans un grand saut sur scène, un grand pogo dans le public. Un gros quart d’heure plus tard, on est déjà en sueur, avec un genou en moins et un sourire jusqu’au oreilles, défoulés. Et pourtant « ce n’était que le soundcheck » avance goguenard le chanteur Jovi Nkosi. Le joueur de bongo est déjà torse nu, tout le monde est en transe et danse de tout son soûl, justement aviné ou pas. Impossible de savoir combien de temps aura duré ce concert où le mot « afropunk » n’a jamais eu autant de sens : personne n’a pensé à sortir son téléphone, il aurait de toute façon été trempé de sueur ou balancé à l’autre bout du chapiteau dans un mouvement de danse collectif. Le meilleur concert du week-end – le meilleur concert de l’année ?

Un cadre superbe, une programmation défricheuse et pleine de bonnes surprises, un public chauffé à blanc qui met l’ambiance partout où il va pour cet équivalent montagnard de Baleapop ou du Yeah!… Le Radiomeuh Circus Festival a cette réputation d’événement à la cool, fêtard et de bon goût musical, à l’image de la webradio qui le porte. Mais ce n’est qu’en se perdant quelques jours dans ce Reblochonland qu’est La Clusaz qu’on effleure de la moufle à quel point cette réputation est fondée. Le tout, entre autres, grâce à quelques alpinistes qui déneigeaient un chapiteau pendant qu’on trinquait au génépi quelques mètres plus bas, à des runners qui ramenaient tel artiste à Lyon en plein milieu de la nuit sur les petites routes de montagne, aux organisateurs sur tous les fronts… Un mot : meuhrci !

Crédit : Nicolas Scordia

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