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6 mars 2015

Rencontre avec Tobias Jesso Jr

par rédaction Tsugi

Depuis qu’on l’a découvert, il y a à peu près neuf mois, grâce à des flexidiscs (mais oui !) reçus au bureau, on est tombé raide dingue de la pop mélodique et dépouillée du Canadien de Vancouver, mais habitant de Los Angeles, Tobias Jesso Jr

À 27 ans, après des années de galères, son premier album, le magistral Goon qui sort dans les prochains jours le place au sommet des songwriters à suivre. 

Sa trajectoire originale et touchante -une rupture amoureuse, un  accident de vélo qui le conduit à retourner dans la maison de ses parents où il se découvre une passion pour le piano- paraît trop cinématographique pour être réelle. 

Et pourtant comme on va le voir, rien n’est inventé, tout est vrai dans la vie comme dans les chansons de Tobias Jesso Jr

Est ce que tu penses encore à Mairiel (la copine qui l’a largué et dont il parle dans “Can’t Stop Thinkin About You” NDR) ?

Oui je pense encore à elle maintenant mais d’une manière différente, elle fait partie de mon histoire mais ce n’est plus une douleur vivace, et j’ai dû me forcer pour mettre son nom dans une chanson.

On a l’impression que ton album est entièrement autobiographique ?

Quand j’écris des chansons c’est difficile pour moi d’écrire sur des choses que je ne connais pas. Ou alors cela me prendrait beaucoup de temps et cela ne m’intéresse pas. Mais certaines expriment plus des sentiments que des trucs qui me sont vraiment arrivées comme “For You”. Mais il n’y a pas vraiment de fiction. Je ne pourrais pas écrire sur la politique, je n’ai absolument aucun intérêt pour cela. Je passe pas mal de temps sur les paroles parce que je veux qu’elles soient bonnes, mais en fait je suis bien plus intéressé par les mélodies des chansons. J’ai une sorte de routine, que j’aime : je me lève, je prends un café et j’écris des chansons. C’est ce que j’apprécie le plus dans mon travail. Enfin je ne pense pas que les gens considèrent comme un travail le fait de jouer du piano pendant quatre heures par jour. Ils pensent que je suis un putain de fainéant !

Mais toutes ces histoires sur ton accident de vélo, la rupture avec ta copine, le cancer de ta mère, est ce que tout ceci est vrai ?

Oui tout est vrai. Ce sont des histoires farfelues. Et il y a en encore plus, des trucs plus marrants peut être. Mais je ne suis pas triste tout le temps contrairement à ce que peuvent penser les gens ! Quand j’écris une chanson, j’aime me plonger dans un certain état d’esprit pour faire sortir les paroles. Mais quand j’ai fini une chanson, je saute partout en riant : “ouais j’ai terminé une chanson !”

Est ce que tu penses que sans ces “histoires farfelues” qui te sont arrivées, tu serais en face de moi aujourd’hui ?

Non, je crois que le succès vient quand on saisit une opportunité. Et avant cela je n’avais pas d’opportunité. Tout ce qui m’est arrivé m’a permis d’écrire toutes ces chansons. Mais une fois qu’elles sont sorties de moi, je m’en foutais des réactions qu’elles pouvaient provoquer parce que c’était des histoires vraies. Je ne mentais pas, c’était honnête.

Tu avais une ambition particulière pour cet album ?

En fait, je n’ai jamais vraiment imaginé que la compilation de mes chansons aboutisse à un album où je parlerais de mon ex petite amie et que tout le monde pourrait l’entendre. Et je n’aurai jamais pensé une seule seconde jouer ces chansons devant des gens en les chantant sur scène. Tout ce qui m’arrive c’est grâce aux personnes autour de moi à qui j’ai fait écouter ces démos, ou aux gens auxquels je les ai envoyé et qui m’ont donné confiance.  Ah c’est clair que je me sens aujourd’hui dans une meilleure position que quand je travaillais pour une entreprise de déménagement à Vancouver !

Est ce que tu as été surpris de l’accueil dithyrambique qu’ont reçu tes chansons ?

Oui. Le fait que ces chansons recueillent de l’attention de la part de médias comme Pitchfork m’a épaté. Parce que je pensais que ça sonnait beaucoup trop vieux et que cela ne pouvait intéresser que des gens ayant connu les sixties ou les seventies. Alors avoir cette sorte de label “approuvé par Pitchfork” a été une grande surprise. 

Est ce que tu ressens de la pression avant la sortie de ton album ?

Non, parce que je n’en espère rien et que je ne compte pas que cela me fasse me sentir mieux. Une fois que j’ai fini une chanson, que j’en suis satisfait, je sais ce que je ressens. Que ça plaise ou pas au public m’importe peu. Même si les gens disaient : c’est de la merde. Je m’en foutrais. Je ne vais pas m’engueuler avec eux. C’est une question de goût, je suis sûr que des gens trouvent que ce que je fais c’est naze. 

Qu’est ce qui te satisfait le plus dans cet album ?

La chanson “Bad Words”. On l’a enregistré en dernier en live. Je n’utilise pas d’auto-tune et de trucs comme ça, je fais des erreurs, je tousse, mais ça me plait parce que je ressens vraiment l’ambiance dans laquelle elle a été enregistrée quand je l’écoute. C’est une manière de dire : voilà c’est ce que je peux faire de mieux. C’est marrant parce que c’est aussi la preuve que je ne suis pas un grand performeur ou un chanteur, mais la magie du studio vous aide à sonner bien. 

Ton album est très mélancolique, mais qu’est ce qui te fait rire ?

Tout me fait rire. Des trucs embarrassants me font rire. J’adore l’acteur Adam Sandler. Beaucoup de gens le détestent pourtant.

Tu te souviens de ton premier groupe ?

Oui, ça devait être au collège quand j’avais 14 ans. J’avais fait une sorte de stage pour apprendre à écrire des chansons. Je jouais de la batterie. On a même enregistré une chanson. Et le disque est toujours dans le lecteur chez mes parents. Cela montre  bien qu’ils ne connaissent rien de moi !

Comment est ce que tu réagis quand on dit que ta musique ressemble à Randy Newman ou John Lennon ?

Ça me va. J’adore les Beatles, je connais un peu Randy Newman. John Lennon, c’est l’homme des mélodies, et j’aime ça les mélodies !

Tu écoutes beaucoup de musique ?

J’ai plus d’inspiration en regardant des films, parce que cela provoque chez moi des sentiments propices à l’écriture. Mais j’écoute moins de musiques que beaucoup de gens, c’est un peu étrange. Mais quand j’aime quelque chose je l’écoute tout le temps. Par exemple “Give Me One Good Reason” par Tracy Chapman. Ça c’est une chanson que j’ai énormément écoutée !

Est ce que tu te rappelles du premier disque que tu as acheté ?

Oui c’était une cassette des Fugees ! L’album avec “Killing Me Softly”. Je savais que c’était une reprise mais wouah ! Après je crois que c’était Aretha Franklin, puis Marky Mark.

Tu as grandi dans un univers musical ?

Non, mes parents n’écoutaient jamais de musique. Il s’intéressait à des émissions télé comme The Voice ou American Idol mais ils n’écoutait pas de disques.

Ta musique sonne rétro, tu te sens bien dans notre époque ?

Bien sûr je suis à l’aise dans notre monde ! Le côté rétro c’est parce que j’écris des chansons d’une manière différente que le font les gens aujourd’hui qui utilisent des boîtes à rythmes ou des machines. Moi c’est piano/guitare, ce que l’on entend plus trop aujourd’hui, et puis j’utilise pas mal d’accords que l’on entend dans la musique des seventies. C’est un choix voulu et je peux changer quand je veux. J’espère que les gens pensent à moi comme un artiste contemporain et pas comme un mec des seventies ! Je veux être nouveau, je ne veux pas d’une étiquette “ah oui c’est le mec qui sonne comme un mec des seventies !”

C’est pour ça que tu es sur les réseaux sociaux ?

Je ne suis pas très bon avec ça. Si je pense à un truc excitant, je le fais mais la plupart du temps ce sont les gens qui me disent de le faire. Depuis que j’ai un smart phone, je tweet un peu. Je préfére Instagram. Quand je voyage, c’est cool pour mes potes de voir où je suis. Je crois que les artistes mainstream comme Rihanna sont très forts là-dedans mais c’est aussi parce qu’ils reçoivent en réponse que des trucs genre : “tu es fantastique !”

Tu peux me décrire ta relation avec Los Angeles ?

C’est un peu une histoire d’amour/haine mais avec quand même beaucoup d’amour. J’adore L..A. Si vous acceptez cette ville pour ce qu’elle est, un endroit où les rêves peuvent devenir réalité, alors vous comprenez comment ça marche et c’est merveilleux. Mais tu ne peux attendre quelque chose de L.A., c’est L.A. qui te dit qui tu es.

Comment pourrais tu définir ton côté Canadien ?

S’excuser beaucoup, se sentir toujours coupable. 

Tu as des héros ?

Mes amis sont obsédés par Arnold Schwarzenegger. Cela a déteint sur moi et maintenant je le trouve cool. 

C’est quoi tes passions en dehors de la musique ?

Faire du pain. Mon grand truc pour impressionner ma future femme. Je fais des tas de pains : aux olives, aux piments, au fromage. Je poste souvent des photos sur Instagram ! J’écoute Randy Newman quand je cuisine. Quand ma copine rentre du boulot pour dîner, j’adore cette ambiance : Randy Newman, moi aux fourneaux.

Tu as une idée de ce que sera ton prochain album ?

J’ai déjà quelques chansons en magasin mais je vais prendre mon temps. Je vais sans doute évoquer des choses différentes, peut être parler de l’argent, du décalage horaire, des voyages. Mais sinon j’aimerais bien écrire pour d’autres personnes. Je n’ai pas envie de faire des tournées et je ne me considère pas comme un vrai performeur. D’ailleurs je crois que si mes chansons étaient chantées par vraiment un bon chanteur, elles n’en seraient que meilleures ! Si quelqu’un qui me ressemble venait les chanter à ma place sur scène, ce serait génial !

Avis aux amateurs !

Tobias Jesso Jr Goon (True Panther/Beggars) sortie le 16 mars.

En concert à Paris à La Gaité Lyrique le 12 mai.

 

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