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9 mars 2015

Darkel : rencontre avec Jean-Benoit Dunckel, moitié du duo Air

par rédaction Tsugi

On connait surtout Jean-Benoit Dunckel pour le duo qu’il partage avec Nicolas Godin, Air. Alors que la BO du film Virgin Suicides sera bientôt rééditée pour son quinzième anniversaire, le compositeur s’offre aujourd’hui une petite incartade en ravivant près de dix ans plus tard son projet Darkel avec un nouvel EP, The Man of SorrowEn attendant sa sortie prévue pour le 23 mars prochain, on a rencontré l’un des deux hommes qui se trouve derrière tous ces succès que sont « Sexy Boy », « Ce Matin-là » ou « Kelly Watch The Stars »… Enfin, « succès », pas pour tout le monde en fait. 

Avec les Daft Punk tu fais probablement partie des musiciens français qu’on a le plus entendus ces vingt dernières années, pourtant tu peux marcher tranquillement dans la rue sans que l’on te reconnaisse…

Jean-Benoît Dunckel : et surtout sans porter de casque. Tu imagines à quel point ma gueule est anodine… (rires)

Ou alors c’est ta musique qui est star avant toi ?

JBD : Pour moi Air est un projet indé. C’est un groupe qui a marché un moment, et puis le vent a tourné. Mais c’est super de pouvoir marcher dans la rue sans être reconnu, j’ai traîné avec de grandes stars et l’inverse est horrible. C’est marrant une semaine, pour ton égo, mais après ça fausse les rapports : tu ne peux plus parler à quelqu’un avec honnêteté, ça limite les rencontres. Tu ne peux plus avoir d’amis, parce qu’il y a toujours un doute qui plâne. Tu représentes ton groupe, tu es une marque en fait, et à partir de ce moment-là personne ne peut véritablement t’aimer. On aime une image dans un magazine. Et ça ne correspond pas à ce qu’est la personne en elle-même.

Tu avais déjà sorti un album sous le pseudo de Darkel, c’était il y a près de dix ans. C’est quoi l’idée en ravivant ce projet ?

JBD : Darkel c’est vraiment moi en tant qu’artiste solo. Du coup je traîte de thèmes plus personnels. Je pense qu’il en ressort un certain romantisme. Les morceaux ne sont pas du tout « pop », ils ne sont pas calculés mais plutôt débridés, cinématographiques. C’est en dehors de tout.

On peut parler de lyrisme noir ?

JBD : Parfois oui, mais finalement il y a toujours un peu de lumière derrière. L’EP n’est pas forcément « plombant ». Il y a même des morceaux plus légers, comme « True Lover » par exemple. C’est un morceau d’amour, assez romantique.

Pourtant il y a quand même quelque chose de « plombant », c’est la pochette… Tout va bien ?

JBD : (rires) C’est marrant parce qu’il y a quelqu’un sur Facebook qui a mis « il faut qu’on en parle »…

 

Il faudrait oui…

JBD : En fait je suis habillé dans le style « Heroic Fantasy ». Il y a un côté « Game of Thrones », science-fiction. Et un côté romantique aussi, puisqu’il y a les animaux. Il y a d’autres photos avec un vautour et un dindon.

Et pourquoi le choix des animaux alors ?

JBD : Au départ je voulais des ailes d’ange, mais c’était un peu cliché. Les ailes font surtout référence au premier morceau, « The Man of Sorrow », qui pour moi ressemble vraiment à un envol. Il y a toujours l’idée du « lacher prise », de prendre de la distance et de s’élever.

A la base tu es un scientifique, tu as même été prof de maths et de physique, mais tu as choisi d’embrasser une carrière artistique. Est-ce que ce sont deux traits de caractère qui s’opposent encore des années plus tard ?

JBD : On retrouve les mathématiques partout dans la musique, mais l’art est plus puissant. Et puis je n’étais pas assez bon en maths et en physique pour pouvoir exceller là-dedans. J’étais juste moyen en fait. Je n’étais pas un génie, alors que j’en croisais quelques-uns quand j’étais étudiant. D’ailleurs je me rappelle d’un mec, il était aussi artiste, ne buvait pas, ne se droguait pas, il adorait les matières scientifiques, il était fait pour ça, clairement. C’était déjà un cerveau brillant, il avait des notes excellentes. Je ne sais pas ce qu’il est devenu… probablement chercheur. Et c’est une forme d’art aussi. Actuellement l’intérêt de la musique est tombé, une création véritablement valable serait l’imprimante 3D par exemple. Les vrais artistes innovants de notre époque sont les ingénieurs en fait. Ils sont en train d’inventer quelque chose de formidable pour l’Humanité.

Tu attends une révolution musicale ?

JBD : Je pense qu’il n’y a plus de révolution possible dans la musique. C’était le cas pour les Beatles en 1962… mais là on est mal barrés.

J’allais te demander si tu étais plutôt optimiste ou pessimiste par rapport à l’évolution musicale, mais on dirait bien que j’ai déjà ma réponse…

JBD : Non je reste quand même optimiste. La musique a un impact émotionnel sur les gens. On a jamais entendu autant de musique. Le problème c’est qu’elle est récupérée par des entités… Et l’argent devient alors le moteur de la production. Je prends l’exemple des Djs… Etre DJ a un côté créatif, bien sûr, je ne le néglige pas… Mais ça reste quand même le fait d’appuyer sur un bouton. Quand tu es un groupe, tu partages ton cachet avec chaque membre… Alors que le DJ a tout pour lui, vu qu’il est seul. Et c’est pas normal, puisqu’il y en a un qui en fait moins que les autres… C’est mon côté « vieux con » (rires).

Du côté d’Air je tente ma chance, même si j’imagine bien qu’on a du te poser la question plusieurs fois aujourd’hui… Doit-on attendre du neuf ?

JBD : Rien de neuf.

Fini ?

JBD : Non pas fini, mais on va dire « en stand-by ».

Vous aviez eu de bons retours pour Le Voyage dans la lune, votre dernier album ?

JBD : Oui, et c’est dingue par rapport à ce que c’est…

C’est bizarre parce qu’on a l’impression que tu minimises l’impact que Air a pu avoir…

JBD : Je ne suis jamais content de ce que je fais, c’est peut-être mon côté « parisien prétentieux ». Je peux paraître timide, mais je suis quelqu’un de très ambitieux, je veux toujours plus. C’est bien, c’est un moteur, ça donne toujours envie de faire mieux… mais du coup je suis toujours déçu. Je me rends compte qu’être musicien ce n’est pas tout, ce n’est parce que tu es en photo dans les journaux et que tu vends des albums que ta vie est forcément intéressante… Un pompier ou un médecin a une vie cent fois plus héroïque.

Et tu penses que tu arriveras un jour à satisfaire cette frustration ou c’est une sorte de « Tonneau des Danaïdes » ?

JBD : Je peux l’être, sur cet EP je le suis par exemple… Enfin pour l’instant. Il y a plein de morceaux d’Air que je déteste, il y en a même dont la réussite m’étonne encore…

Des exemples ?

JBD : Il y a des morceaux vraiment ratés, comme « Kelly Watch The Stars ». Il est trop lent, on a complètement merdé le tempo. Le remix de Moog Cookbook est mille fois mieux.

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