St Germain en 2000 / ©Philippe Levy

St Germain : l’histoire derrière “Tourist”, œuvre fondamentale de la French Touch (1/2)

Cette ride qui galope de con­cert avec le piano et la con­tre­basse, et cette boucle qui monte, qui monte, lais­sant entrevoir le début d’un grand voy­age entre jazz et musique élec­tron­ique : impos­si­ble de ne pas se sou­venir de l’ou­ver­ture de Tourist, deux­ième album stu­dio du Français St Ger­main qu’il sor­tait en l’an 2000. Cinq ans plus tôt, il y a eu Boule­vard sur le label de Lau­rent Gar­nier et Éric Morand FCom, et toutes les oreilles du monde com­mençaient à se tourn­er vers la France pour ce qui allait s’ap­pel­er la “french touch”. Tourist, c’est plus de deux mil­lions de copies ven­dues à tra­vers le monde et surtout un véri­ta­ble hon­neur : celui de sor­tir sur le plus grand label de jazz de l’His­toire de la musique, Blue Note. Vingt piges plus tard et des remix­es inédits qui sor­tent en ce moment au compte-gouttes, St Ger­main revient pour nous sur l’his­toire de sa pro­duc­tion et l’im­pact qu’il a eu sur sa carrière.

Mod­este­ment, je trou­ve qu’il n’a pas pris une ride en 20 ans : je ne chang­erais rien.”

Pour com­mencer, peut-être peux-tu te remé­mor­er un peu le con­texte per­son­nel dans lequel tu étais lorsque tu as pro­duit ce disque ? C’est ton deux­ième album que tu as fait en l’an 2000, quels étaient tes objec­tifs, les enjeux ou les divers­es pressions ?

Après l’al­bum Boule­vard en 1995, j’avais en tête d’approfondir les mélanges musique électronique/acoustique. J’ai tou­jours la même façon de tra­vailler depuis 1994. Une fois les com­po­si­tions faites, j’enregistre l’intervention des musi­ciens, un par un, ain­si que les voix, et je con­stru­is la ver­sion finale seul – ce qui prend beau­coup de temps parce que je suis per­fec­tion­niste – et enfin le mixage.

Il n’y avait aucune pres­sion et je n’en ai tou­jours pas aujour­d’hui. Je suis pro­duc­teur, je pro­duis pour moi et je n’ai pas de maque­ttes à présen­ter à un directeur artis­tique. J’ai mon stu­dio chez moi, je peux y tra­vailler quand je veux, et je le fais essen­tielle­ment la nuit. Côté matos, j’ai une paire d’enceintes qui est la même depuis 30 ans, deux ordi­na­teurs, des claviers “vin­tage” (Moog, Korg, Rol­land…), des boîtes à rythmes dont la 909 et la 808… La con­fig­u­ra­tion basique ! Et je me sou­viens qu’à l’époque je com­mençais à expéri­menter les plugins.

L’une des nom­breuses choses excep­tion­nelles de cet album est le fait qu’il ait été signé sur le légendaire label de jazz Blue Note. Com­ment cela s’est fait ?

Marc Lum­broso était le nou­veau patron de EMI France et donc de Blue Note. Il venait de Lon­dres et con­nais­sait mon pro­jet St Ger­main. Un rendez-vous a suf­fi. Il m’a fait con­fi­ance, moi aus­si, et nous avons bien fait. Je lui suis tou­jours recon­nais­sant et nous ne nous sommes jamais per­dus de vue.

J’ai tou­jours la même façon de tra­vailler depuis 1994.”

Art­work de “Tourist” (2000)

Tu n’as jamais beau­coup aimé être trop exposé, pour­tant Tourist est un immense suc­cès et Blue Note une mar­que inter­na­tionale. Com­ment as-tu vécu cette énorme expo­si­tion à l’époque ? Qu’est-ce qui a changé dans ta car­rière suite à cet album ?

Les gens avec lesquels je bosse me con­nais­sent bien et me pro­tè­gent. Ça m’a per­mis de rester très con­cen­tré sur le bon déroule­ment des con­certs qu’il y a eu par la suite et je n’ai réal­isé l’ampleur du suc­cès seule­ment après. Et c’est cer­tain qu’il y a eu des change­ments nota­bles dans ma car­rière, comme le nom­bre de dis­ques ven­dus, plus de deux mil­lions à l’époque ; 280 con­certs dans le monde grâce à mon agent Alias Pro­duc­tion, et ce pen­dant les trois années qui ont suivi la sor­tie de Tourist et qui m’ont hap­pé sur la route avec douze per­son­nes (moi qui suis d’habi­tude soli­taire !), de la Nouvelle-Zélande à Coachel­la, l’Angleterre et le Roy­al Albert Hall, et tant d’autres lieux incroy­ables… Mon regret est de ne pas avoir eu le temps d’aller en Afrique du Sud et Amérique du Sud… Et puis les ren­con­tres ! Avec Her­bie Han­cock qui nous a rejoint sur scène, Claude Nougaro, Mon­ty Alexan­der, Ernest Ran­glin et bien d’autres sur la route des festivals.

Avec le recul d’aujourd’hui, com­ment expliques-tu le suc­cès de ce disque ? Et quel regard portes-tu artis­tique­ment sur ce disque aujourd’hui ?

Je réé­coute très rarement mes pro­duc­tions mais, excep­tion­nelle­ment… Je l’ai fait pour vous ! Et je suis très sat­is­fait du son. Mod­este­ment, je trou­ve qu’il n’a pas pris une ride en 20 ans : je ne chang­erais rien. Con­cer­nant son suc­cès, les titres de Tourist ont été util­isés mon­di­ale­ment en syn­chro, dans des films, séries, pubs, ont été dif­fusés dans les bars, les clubs, et sont encore joués par les DJs. Je dirais que c’é­tait un effet boule de neige.

À l’oc­ca­sion de ces 20 ans, on voit sor­tir des remix­es inédits de Tourist. On peut déjà écouter ceux de Black Motion et Atjazz. Qui sont ces remixeurs pour toi ? Com­ment la sélec­tion s’est-elle faite ?

Pour fêter les 20 ans de Tourist, j’ai demandé à des artistes que j’é­coutais sou­vent en 1990, comme Ron Trent, Jovonn, Night­mares On Wax, et à ceux qui avaient déjà remixé cer­tains titres de mon dernier album St Ger­main de 2015 (DJ Deep, Ter­ry Laird de Just­house, Traumer et bien sûr Atjazz) de choisir leur titre préféré. Je tenais égale­ment à des remix­es venant d’Afrique du Sud et Black Motion et Julian Gomes m’ont suivi dans ce voy­age. J’ai donc choisi ces artistes surtout pour leur per­son­nal­ité et authen­tic­ité. J’aurais aimé inviter Moody­mann, Lit­tle Louie Vega, Ker­ri Chan­dler, Lil’Louis, mais le tim­ing était trop court pour cer­tains… Next time !

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