đž Tendance : les listening bars, lĂ oĂč la musique importe autant que le verre ou lâassiette
Pour peu que vous posÂsĂ©diez une paire dâoreilles foncÂtionÂnelles, vous avez forÂcĂ©Âment dĂ©jĂ remarÂquĂ© que la musique faiÂsait trop souÂvent office de parÂent pauÂvre pour bon nomÂbre de cafĂ©s, restauÂrants et bistrots qui, pour sâassurer une ambiance Ă moinÂdre frais, laisÂsent craÂchotÂer des morceaux un brin tenÂdance sur des enceintes bon marchĂ© entre deux remÂplisÂsages de godets. HeureuseÂment, peu avant le conÂfineÂment, une nouÂvelle vague de lieux audioÂphiles comÂmençait Ă se dĂ©ployÂer sur la France pour tenÂter dâinverser la tenÂdance et respecter davanÂtage lâouĂŻe des badauds en sâinspirant des fameux lisÂtenÂing bars amĂ©riÂcains, lonÂdoniens et japonÂais. AujourÂdâhui, ces bars ont rouÂvert et la vague retrouÂve sa puisÂsance. Un pari audaÂcieux menĂ© par de fringants trenteÂnaires qui, bien que se dĂ©cliÂnant de difÂfĂ©rentes façons, traduit Ă chaque fois un amour immodÂĂ©rĂ© pour le bon son⊠et les bons proÂduits. Lâoccasion dây faire un ou mĂȘme 33 tours.

CafĂ© MonÂtezuÂma Ă Paris, avec ses magÂnifiques enceintes Klipschorn
« Câest bien dâavoir un super sysÂtĂšme son dâun point de vue techÂnique comme une super machine expresÂso, mais si tu nâas pas un super barista qui adore ça, un type qui va sourcer son cafĂ© et une comÂmuÂnautĂ© dâamateurs qui vient, cela ne sert pas Ă grand-chose. » InstalÂlĂ© Ă lâune des tables en bois du CafĂ© MonÂtezuÂma, non loin du Palais BrongÂniart Ă Paris, Louis Mesana est un type franc, mais surtout un grand pasÂsionÂnĂ© de vins et de musique, capaÂble de disÂsertÂer un long moment sur ses coteaux favoris comme ses albums fĂ©tichÂes. Câest cette pasÂsion qui lâa poussĂ©, en novemÂbre 2019, Ă ouvrir le « Zuma » avec son ami, le cavÂiste ThĂ©ophile de Penanster : un cafĂ© audioÂphile oĂč lâon dĂ©guste des vins natures autant que des vinyles dâexception (ainÂsi quâune cuiÂsine signĂ©e Julie DelÂla Faille, anciÂenne du Dauphin). « Un lieu dâĂ©coute, pas un lieu de danse », dont la crĂ©aÂtion a Ă©tĂ© nourÂrie par plusieurs voyÂages et de dĂ©couvertes.
Chineurs de bars, de musique et de vins
« LâidĂ©e ne vient pas de nous, Ă©videmÂment. Avec ThĂ©o, on est notamÂment allĂ©s Ă BrilÂliant CorÂners Ă LonÂdres, dont le nom provient dâun album de jazz de TheloÂnious Monk. Le lieu est Ă©quipĂ© de quaÂtre enceintes KlipÂschorn â comme les deux que nous avons en bas â et proÂpose ausÂsi des vins natures, dans une ambiance un peu japonÂisante, raconÂte lâanÂcien somÂmeÂliÂer du Verre VolĂ©, Ă©galeÂment guiÂtariste Ă ses heures. Nous avons Ă©tĂ© trĂšs marÂquĂ©s par cette expĂ©riÂence. » Une approche que Louis a ausÂsi pu culÂtivÂer lorsquâil traÂvailÂlait aux Ătats-Unis, en visÂiÂtant In SheepÂâs ClothÂing Ă Los AngeÂles, le Shiru Ă OakÂland ou encore le MezÂcaÂleÂria la MilaÂgrosa et The Four HoursÂmen Ă New York. Le preÂmier est un petit speakeasy de Mescal et le secÂond se trouÂve ĂȘtre le cofÂfee shop cofondĂ© par James MurÂphy de LCD Soundsystem.
âLa dĂ©marche de quelquâun qui va chercher des vieux groupes des annĂ©es 1970 ayant enregÂistrĂ© avec tel batÂteur, sur telle pĂ©riÂode, dans tel stuÂdio et avec tel proÂducÂteur, câest exacteÂment la mĂȘme que celle de celui qui va chercher des vins natures chez machin qui, lui-mĂȘme, se fourÂnit en raisins chez truc et a vinifiĂ© ça en 2017 de telle façon pour faire 200 bouteilles comme lâautre qui aurait pu sorÂtir seuleÂment 200 vinyles.â
Pour rĂ©usÂsir Ă se lancer dans lâaventure, Louis et ThĂ©o ont claireÂment pu compter sur leur talÂent de dĂ©nicheurs afin de conÂstruÂire un sysÂtĂšme son Ă la hauÂteur de leurs ambiÂtions. Câest en cherÂchant sans relĂąche que le duo a pu metÂtre la main sur ses fameuses enceintes KlipÂschorn, dĂ©nichĂ©es chez un ancien imprimeur de Saint-Etienne avec un prĂ©-ampli Ă lamÂpes trois voies, un modÂĂšle qui nâexiste que chez MonÂtezuÂma. Un talÂent pour trouÂver les bonnes choses, bien aiguÂisĂ© par des annĂ©es de praÂtique jusque-lĂ misÂes au serÂvice de la recherche de vignerons talÂentueux comme des disÂques prĂ©Âcieux. Un parÂalÂlĂšle que ne renie dâailleurs par lâintĂ©ressĂ© : « La dĂ©marche de quelquâun qui va chercher des vieux groupes des annĂ©es 1970 ayant enregÂistrĂ© avec tel batÂteur, sur telle pĂ©riÂode, dans tel stuÂdio et avec tel proÂducÂteur, câest exacteÂment la mĂȘme que celle de celui qui va chercher des vins natures chez machin qui, lui-mĂȘme, se fourÂnit en raisins chez truc et a vinifiĂ© ça en 2017 de telle façon pour faire 200 bouteilles comme lâautre qui aurait pu sorÂtir seuleÂment 200 vinyles. Il y a beauÂcoup de points comÂmuns sur ce cĂŽtĂ© trĂšs nerd, trĂšs digÂger, amaÂteur de choses trĂšs cliÂvantes, sans conÂcesÂsion, qui peuÂvent avoir beauÂcoup de dĂ©fauts tout en ayant lâaÂvanÂtage de leur origÂiÂnalÂitĂ©, de lâindĂ©penÂdance et de lâauthenticitĂ©. »

CafĂ© ManÂcuÂso Ă Bordeaux
La liberté en dehors du mix
LâappĂ©tence pour le digÂging, câest ausÂsi ce qui avait motivĂ© GuilÂlaume TailÂlieu, cofonÂdaÂteur du label DisÂcoÂbar (dont il ne sâoccupe plus aujourdâhui), passĂ© par « toutes les formes de restauÂrants ou de bars, des soirĂ©es wareÂhouse aux cockÂtail bars ». CâĂ©tait du cĂŽtĂ© de BorÂdeaux, Ă lâauÂtomne 2017. Devenu depuis une rĂ©fĂ©rence bien au-delĂ des fronÂtiĂšres de lâHexagone et dotĂ© dâenceintes TanÂnoy GleÂnair 15, le CafĂ© ManÂcuÂso, nomÂmĂ© en homÂmage Ă la mythique figÂure de la nuit new-yorkaise, tranÂspire une sincĂ©ritĂ© touchante et un rĂ©el besoin de cassÂer les codes jusque-lĂ plĂ©biscÂitĂ©s par les rades difÂfuÂsant de la musique. Au moment dâexpliquer le pourquoi dâune telle entreÂprise, GuilÂlaume remonte le temps : « Je colÂlecÂtionne des disÂques depuis lâĂąge de 15â16 ans. En 2012, je suis allĂ© vivre Ă LonÂdres oĂč, en parÂalÂlĂšle au monde de la restauÂraÂtion, jâai monÂtĂ© DisÂcoÂbar avec mon pote Lamache. LĂ -bas, je sorÂtais touÂjours en club ou dans les bars, mais Ă un moment donÂnĂ©, jâen ai eu marre. Pour moi, câĂ©tait touÂjours la mĂȘme chose : cela faiÂsait dix ans que je sorÂtais quaÂsiÂment tous les week-ends en club et câĂ©tait le mĂȘme âfilmâ Ă chaque fois. Au mĂȘme moment, juste avant de quitÂter LonÂdres, jâai dĂ©couÂvert une autre expĂ©riÂence, avec ces lieux comme BrilÂlant CorÂners et le SpirÂitÂland qui, lui, venait tout juste dâouvrir. Jâai tout de suite adhĂ©rĂ© Ă ce conÂcept oĂč les perÂsonÂnes preÂnaient vraiÂment Ă cĆur la qualÂitĂ© du son et la sĂ©lecÂtion musiÂcale, en choiÂsisÂsant les selecÂtors venant y passÂer des disÂques, dans des regÂistres totaleÂment difÂfĂ©rents. LĂ -bas, on pouÂvait Ă©couter un trĂšs large specÂtre de musiques, du jazz, de la funk, de la soul, de lâambient, de lâexpĂ©rimental⊠Cela allait dans tous les recoins et câest ça qui mâintĂ©ressait. »
âCâest de la selecÂta pure, il nây a pas de mix. En fait, on a surtout de la musique âno clubââŠâ
Au CafĂ© ManÂcuÂso, les passeurs de disÂques invitĂ©s tous les jeudÂis, venÂdredis et samedis sont libres dâagir Ă leur guise. « Câest de la selecÂta pure, il nây a pas de mix. En fait, on a surtout de la musique âno clubâ qui peut aller de lâamÂbiÂent Ă lâexÂperÂiÂmenÂtal en pasÂsant par le downÂtemÂpo, trip-hop, hip-hop, funk, soul, disÂco, afro, folk, tribÂal, psyÂchĂ©dĂ©lique, prog rock⊠Câest trĂšs large et on essaye de diverÂsiÂfiÂer touÂjours plus. » Une ouverÂture dâesprit qui a dĂ©jĂ sĂ©duit plus dâun colÂlecÂtionÂneur Ă traÂvers le monde. « On a pas mal de français, mais on a ausÂsi eu des gens de LonÂdres, de Madrid, de Rome, de Berlin⊠et mĂȘme un AusÂtralien ! Câest selon le feelÂing : les perÂsonÂnes nous conÂtactent, nous parÂlent de leur sĂ©lecÂtion, de ce quâils Ă©coutent. On Ă©change et si lâon voit que ça colle bien, on essaye de trouÂver une date pour les faire venir. »
Le lieu tend mĂȘme Ă diverÂsiÂfiÂer de plus en plus ses Ă©vĂ©neÂments, pour proÂposÂer de nouÂveaux rapÂports Ă la musique comme quand, au mois de fĂ©vriÂer, un invitĂ© est venu proÂposÂer une sĂ©lecÂtion jazz et raconÂter une hisÂtoire autour de ces morceaux, interÂagisÂsant avec le pubÂlic pour disÂcuter des influÂences. Une cĂ©rĂ©Âmonie qui pourÂrait bienÂtĂŽt se dĂ©rouler en dehors du cafĂ©, le duo ayant acquis une petite Onken, un nouÂveau sound sysÂtem nomade « trĂšs prĂŽnĂ© des audioÂphiles car dâune trĂšs grande musiÂcalÂitĂ© et prĂ©ÂciÂsion : il va nous servir pour faire des Ă©coutes approÂfondies dâalbums ou lâorganisation de soirĂ©es audioÂphiles intimistes, dans notre sous-sol ou ailleurs. »

Le bar Ă cockÂtails FrĂ©quence, Ă Paris
Envie dâun nouveau cocktail et inspiration nippone
Si le CafĂ© ManÂcuÂso fait dans lâĂ©clectisme et tend vers une approche de la musique plus « spirÂituelle », dâautres spots plus ou moins rĂ©cents font eux le choix dâune ligne direcÂtrice bien plus restreinte. Câest notamÂment le cas de FrĂ©quence. DifÂfiÂcile de ne pas sâarrĂȘter devant ce bar Ă cockÂtails en se balÂadant rue Keller, dans le 11e arrondisseÂment de Paris, tant sa colÂlecÂtion de vinyles instalÂlĂ©e en Ă©viÂdence derÂriĂšre le zinc attire lâĆil des amaÂteurs de wax. DerÂriĂšre le compÂtoir justeÂment se trouÂve un autre GuilÂlaume, nomÂmĂ© QuenÂza cette fois. Câest lui qui, avec ses assoÂciĂ©s Matthieu Biron (Ă©galeÂment DJ sous le chouÂette nom de Matt Ma MousÂtache) et BapÂtiste Radufe, a voulu se lancer dans lâaventure. Tous ont bossĂ© dans la restauÂraÂtion ou lâhĂŽtellerie. Un backÂground proÂfesÂsionÂnel qui a lenteÂment, mais sĂ»reÂment, fait murir lâidĂ©e du proÂjet. « Ă force de bossÂer et ausÂsi de sorÂtir sur Paris, on faiÂsait tous le mĂȘme conÂstat : la musique Ă©tait trop souÂvent le moins imporÂtant pour les bars. CâĂ©tait ce qui Ă©tait relayĂ© au dernier rang, le truc dont perÂsonÂne ne sâoccupait. Une fois les travaux finis, on accrochait deux enceintes et câĂ©tait terÂminĂ©. Peu de bars metÂtaient rĂ©elleÂment le son en avant, de par la qualÂitĂ© du sysÂtĂšme son et de la proÂgramÂmaÂtion. Les seuls qui le faiÂsaient Ă©taient surtout des lieux plutĂŽt club ou de grossÂes machines. Et nous, on trouÂvait quâil manÂquait justeÂment un endroit intimiste, de la taille dâun bar quoi, oĂč le son serait mis au preÂmier plan. LâidĂ©e a comÂmencĂ© comme ça. Il falÂlait rĂ©ponÂdre Ă ce manque en trouÂvant un lieu oĂč lâon pourÂrait metÂtre de la musique sans pour autant dĂ©ranger les voisins et oĂč ce soit ausÂsi imporÂtant de venir pour la musique que pour les cocktails. »
âĂ force de bossÂer et ausÂsi de sorÂtir sur Paris, on faiÂsait tous le mĂȘme conÂstat : la musique Ă©tait trop souÂvent le moins imporÂtant pour les bars.â
Trois ans se sont alors Ă©coulĂ©s entre la preÂmiĂšre disÂcusÂsion du trio sur le sujet et la recherche du local. Une pĂ©riÂode de rĂ©flexÂion renÂforÂcĂ©e par un sĂ©jour dĂ©cisif au pays du Soleil LevÂant et des jazz kissa. « PenÂdant ces trois annĂ©es, nous avons puisĂ© de lâinÂspiÂraÂtion un peu de partout, notamÂment au Japon, oĂč Matthieu et BapÂtiste sâĂ©Âtaient renÂdus en vacances : ils en Ă©taient revenus avec des Ă©toiles plein les yeux et des tas dâidĂ©es, conÂfie GuilÂlaume. Au Japon, notre coup de cĆur majeur, câest le LitÂtle Soul CafĂ©, Ă Tokyo. Câest un bar tenu par un mec pasÂsionÂnĂ© : le type ouvre chaque jour et nâa jamais ferÂmĂ© depuis le lanceÂment ! Il se lĂšve le matin pour acheter des disÂques et les passe le soir dans son petit Ă©tabÂlisseÂment. Il est en plus ouvert aux recomÂmanÂdaÂtions et on peut lui demanÂder ce quâon veut. Câest assez impresÂsionÂnant car il sait parÂfaiteÂment oĂč trouÂver tel ou tel disque dans son immense colÂlecÂtion en quelques secÂonÂdes seuleÂment. Il pose le doigt prĂ©ÂcisĂ©Âment Ă lâenÂdroit oĂč se trouÂve le vinyle demandĂ©. Câest un type honÂnĂȘte, droit et pasÂsionÂnĂ© et cela ressemÂblait Ă ce quâon voulait faire plutĂŽt que de crĂ©er un lieu dâabord photogĂ©nique. »
Du son, mais pas de tapage

Le bar Ă cockÂtails FrĂ©quence, Ă Paris
Chez FrĂ©quence, on est bien plus attirĂ© par la musique noire que par la note bleue. « Le plus gros focus, câest vraiÂment la black music de la fin des annĂ©es 1970 / dĂ©but des annĂ©es 1980, dĂ©taille GuilÂlaume. Câest disÂco, modÂern soul, booÂgie, un peu funk⊠Matthieu est ausÂsi trĂšs calĂ© dans tout ce qui est disco-gospel et a ausÂsi pas mal de disÂques africains et antilÂlais. On a ausÂsi un petit peu de regÂgae et de hip-hop. Mais le cĆur de la colÂlecÂtion, câest cette black music. » Des pĂ©pites difÂfusĂ©es sur un sysÂtĂšme son flamÂbant neuf de la marÂque française Nexo. « Si lâon y ajoute les platines et la table de mixÂage, on sâapproche rapiÂdeÂment des 15 000 euros. AprĂšs, il faut ausÂsi ajouter lâisolation phonique ainÂsi que la corÂrecÂtion avec les difÂfĂ©rents panÂneaux acousÂtiques perÂmeÂtÂtant lâabsorption du son⊠» Selon lui, un lieu audioÂphile ne peut pas se rĂ©sumer Ă lâobtention dâun bon sysÂtĂšme son : cela implique ausÂsi une prise en compte des enviÂrons. « Si lâon voulait metÂtre du son, on devait ĂȘtre bien isolĂ© et faire ça sĂ©rieuseÂment. Pas mal de lieux ont nĂ©gÂligĂ© ça par le passĂ© et, ces derniĂšres annĂ©es, ils ont pris en pleine face cette espĂšce de vague anti-bar oĂč la moinÂdre perÂsonÂne qui se plaigÂnait obteÂnait quaÂsiÂment touÂjours gain de cause⊠EffecÂtiveÂment, câest une dĂ©pense imporÂtante, mais on la savait nĂ©cesÂsaire et indispensable. »
Une volonÂtĂ© de ne pas se metÂtre le voisiÂnage Ă dos qui se traduit ausÂsi chez Cadence, nichĂ© quant Ă lui dans une autre zone apprĂ©ÂciĂ©e du 11e arrondisseÂment, celle de lâavenue ParÂmenÂtier, un coin dĂ©jĂ habituĂ© Ă une vie nocÂturne aniÂmĂ©e. NĂ© en sepÂtemÂbre 2019, ce restauÂrant intimiste conÂtraste avec la vieille table franÂchouilÂlarde et suranÂnĂ©e qui occuÂpait lâemplacement avant lui. SĂ©riÂgraÂphies aux murs, dĂ©co modÂerne, boisĂ©e, lumineuse et vĂ©gĂ©Âtale⊠Le lieu est agrĂ©able aux yeux comme aux oreilles, grĂące Ă lâimplication totale de son Ă©quipe. Une forÂmaÂtion comÂposĂ©e de trois perÂsonÂnes : JĂ©rĂ©mie ZeltÂner et Paul Auger en salle et lâAnglais Joshua GibÂbons aux fourneaux. Loin dâĂȘtre nĂ©oÂphytes dans le milieu de la nuit (ils sont dĂ©jĂ conÂnus dans le Paris by night pour leur colÂlecÂtif SixoÂclock), JĂ©rĂ©mie et Paul sont, par conÂtre, des nouÂveaux venus dans le petit monde de la restauÂraÂtion. Pour eux, Cadence est avant tout lâopportunitĂ© de changÂer de vie. « Nous sommes tous les deux en reconÂverÂsion, raconÂte JĂ©rĂ©mie, petite barbe bien tailÂlĂ©e et lunettes ronÂdes sur le nez, entre deux cafĂ©s serÂrĂ©s. Moi, en lâoccurrence, jâai dâabord traÂvailÂlĂ© penÂdant cinq ans en tant quâingĂ©nieur-Ă©lectronicien dans lâinÂdusÂtrie. Paul, lui, est sorÂti dâĂ©Âcole de comÂmerce et a dâabord traÂvailÂlĂ© dans la grande disÂtriÂbÂuÂtion. EnsemÂble, nous nous occuÂpiÂons de SixoÂclock en parÂalÂlĂšle de nos activÂitĂ©s proÂfesÂsionÂnelles de lâĂ©poque. On le faiÂsait pour le plaisir de partager notre pasÂsion pour la musique et le fait de rĂ©uÂnir les gens. JusquâĂ une vraie remise en quesÂtion de nos expĂ©riÂences dans le monde du traÂvail plus conÂvenÂtionÂnel. CâĂ©Âtait devenu pour nous vraiÂment comÂpliquĂ© : certes, on avait des bons salaires, mais on se levÂait le matin sans trop savoir pourquoi. Je nâarÂrivais pas Ă expliÂquer ce que je faiÂsais et je le faiÂsais sans aucune fiertĂ©. VraiÂment. Alors quâauÂjourÂdâhui, quand je parÂle de Cadence, je le vis, jâen suis fier. Câest un vrai plaisir. Cela monÂtre que jâai trouÂvĂ© un sens Ă ma vie, malÂgrĂ© un rythme beauÂcoup plus dur en terÂmes de plages horaires et une rĂ©munĂ©raÂtion aujourÂdâhui inexÂisÂtante, qui sera bien lĂ un jour mais ne sera pas non plus incroyÂable. Ce quâon gagne avec ça, câest du sens. »
âJâai trouÂvĂ© un sens Ă ma vie, malÂgrĂ© un rythme beauÂcoup plus dur en terÂmes de plages horaires et une rĂ©munĂ©raÂtion aujourÂdâhui inexistante.â
Menu disco

LâĂ©quipe de Cadence
Se dĂ©finisÂsant avant tout comme un restauÂrant, Cadence attache autant dâimportance Ă ses assiÂettes quâaux galettes difÂfusĂ©es dans ses huit enceintes conçues avec lâaide de la bouÂtique voiÂsine, La MaiÂson du Haut-Parleur. « Nous ne sommes pas un bar qui sert des frites ou des finÂger foods : on est vraiÂment un lieu de dĂ©couÂvertes musiÂcales et culiÂnaires. Josh, en cuiÂsine, nâest pas un chef venu pour simÂpleÂment cuire des steaks et touchÂer sa paye. Comme nous avec la musique, il est pasÂsionÂnĂ© avec la cuiÂsine. Il est donc lĂ pour partager son art, faire dĂ©couÂvrir des choses, apprenÂdre et Ă©changÂer. La musique et la cuiÂsine ont en comÂmun ! Ce sont des vecteurs qui rassemÂblent, deux arts qui font lâuÂnaÂnimÂitĂ© en France et partout dans le monde. Et en gĂ©nĂ©ral, les gens qui aiment la bonne musique aiment ausÂsi bien manger et vice-versa. »
âLa musique et la cuiÂsine ont en comÂmun ! Et en gĂ©nĂ©ral, les gens qui aiment la bonne musique aiment ausÂsi bien manger et vice-versa.â
Un mélange entre Tel Aviv et le Japon
Ă quelques enclavures de Cadence, une autre taniĂšre mĂȘlant bouffe, vins et vinyles a ausÂsi ouvert ses portes dans le 11e arrondisseÂment, en novemÂbre 2019. SituĂ© rue Saint SĂ©bastien, BamÂbiÂno fait dâabord le bonÂheur des instaÂgrameurs avec son mur de disÂques, son bar/DJ-Booth classieux et ses enceintes immenses. Une adresse idĂ©ale pour faire un selfÂie, oui, mais ausÂsi pour satÂisÂfaire lâouĂŻe et le goĂ»t, deux sens cruÂciÂaux pour FabiÂen LomÂbarÂdi dit Fabio, son crĂ©aÂteur Ă qui lâon doit dĂ©jĂ une ribÂamÂbelle de restauÂrants et bars dans la capÂiÂtale, dont les pizÂzĂ©rias FagÂgio ou LâEntrĂ©e des Artistes. Cette derniĂšre, ouverte avec Edouard Vermynck non loin du Cirque dâHiver avant de migrÂer Ă Pigalle, dĂ©monÂtrait dĂ©jĂ lâambition du bonÂhomme de conÂciliÂer fringale Ă combler et envie de danser. « Avec Edouard, on bosÂsait ensemÂble Ă lâhĂŽtel MuraÂno et on sorÂtait souÂvent, raconÂte celui qui a quitÂtĂ© le Sud de la France au dĂ©but des annĂ©es 2000 pour faire des cockÂtails Ă Paris. Cela a Ă©tĂ© une renÂconÂtre super cool et câest touÂjours mon pote aujourdâhui. Il mâavait mis Ă lâĂ©poque dans son mood soul, funk, disÂco, avec les soirĂ©es qui pouÂvaient y avoir au Djoon et au Rex, les MoodyÂmann, Sadar Bahar, MarÂcelÂlus Pittman, Omar S⊠Câest lĂ que je me suis vraiÂment intĂ©ressĂ© Ă la Black Music. » Un intĂ©rĂȘt qui va, au fil des annĂ©es, se transÂformer en pasÂsion dĂ©borÂdante, reprĂ©senÂtĂ© par lâimpressionnante colÂlecÂtion de vinyles instalÂlĂ©e dans son fief. « Avant, tous mes vinyles Ă©taient dans mon salon, mais mainÂtenant, 80% dâentre eux sont Ă BamÂbiÂno, soit entre 3 000 et 3 500 disÂques⊠Ce qui fait une heureuse : ma copine ! », se marre le taulier.
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Avec BamÂbiÂno, nomÂmĂ© en rĂ©fĂ©rence au surnom quâon lui donÂnait durant son enfance Ă CasÂsis, Fabio a dâabord voulu se faire plaisir. « Jâavais touÂjours en tĂȘte cet endroit Ă Paris que je ne trouÂvais pas forÂcĂ©Âment, un restauÂrant oĂč tu bois bien, un bar oĂč tu manges bien, avec de la musique uniqueÂment sur vinyle, un son un peu fort, du vin, de la bouffe sĂ©rieuse, des proÂduits de qualÂité⊠Bref, un lieu oĂč je pouÂvais avoir envie dây passÂer toute la soirĂ©e. » Et pour façonÂner ce kiff, le grand voyageur va sâinspirer des dĂ©cors et de la pasÂsion qui se dĂ©gaÂgent des jazz kissas (« je vais au Japon quaÂsiÂment deux fois par an, Ă chaque fois pour trois semaines ») en les assoÂciant Ă lâesprit bien plus fesÂtif du Romano, qui lâa totaleÂment hapÂpĂ© lors dâune escale en IsraĂ«l. « Câest un lieu un peu cachĂ© Ă Tel Aviv, dans lâĂ©quivalent de ce quâest le quartiÂer du SenÂtier Ă Paris. Tu passÂes une porte cochĂšre et, au rez-de-chaussĂ©e, tu trouÂves plein de bouÂtiques de grossistes en texÂtiles et, auÂ-dessus, des balÂcons avec plein de bars et restauÂrants dont le Romano, tenu par le mĂȘme chef que Miznon Ă Paris, Eyal Shani. Câest trĂšs fesÂtif et lâon ne sây prend pas la tĂȘte, avec du son jouĂ© sur un sound sysÂtem vinÂtage. CĂŽtĂ© boisÂsons et assiÂettes, câest pareil : cela reste simÂple, avec de la biĂšre, de lâouzo, de lâanisĂ©e, une cuiÂsine fraĂźche, mĂ©diterÂranĂ©enne et moyen-orientale. Au fil de la soirĂ©e, lâambiance monte, les gens comÂmenÂcent Ă ĂȘtre un peu chauds, Ă se lever et Ă danser⊠Jâavais envie de rĂ©crĂ©er ça ici. »
âJâavais touÂjours en tĂȘte cet endroit Ă Paris que je ne trouÂvais pas forÂcĂ©Âment, un restauÂrant oĂč tu bois bien, un bar oĂč tu manges bien, avec de la musique uniqueÂment sur vinyle, un son un peu fort, du vin, de la bouffe sĂ©rieuse, des proÂduits de qualÂité⊠Bref, un lieu oĂč je pouÂvais avoir envie dây passÂer toute la soirĂ©e.â
Pour faire monÂter la sauce, Fabio a penÂsĂ© au moinÂdre dĂ©tail. Le mobiliÂer ? Des « mange-debouts » avec des tabourets (« tu vas plus facileÂment tâambiancer comme ça que si tu es sur instalÂlĂ© dans un fauÂteuil avec accoudoir »). Les plats ? Des petites assiÂettes dâune cuiÂsine du sud, Ă la braise, Ă partager pour crĂ©er de la conÂviviÂalÂitĂ© et picorÂer avant de se chaufÂfer. Les boisÂsons ? Des vins natures et des cockÂtails Ă©tonÂnants. « DimenÂsion fesÂtive oblige, les gens veuÂlent ĂȘtre servis assez vite. Du coup, on a mis en place un sysÂtĂšme de cockÂtail en presÂsion dans des futs, poussĂ©s par de lâazote, que tu tires comme si tu tirais une biĂšre. » Bien entenÂdu, tout cela ne pourÂrait pas foncÂtionÂner sans un sysÂtĂšme son puisÂsant et une sĂ©lecÂtion musiÂcale aux petits oignons. Et quand ce nâest pas FabiÂen qui sâamuse Ă jouer les selecÂtors, dâautres passeurs de sons prenÂnent le relais. « MainÂtenant quâon a peaufinĂ© le sysÂtĂšme dâinsonorisation pour envoyÂer du DB, on est en train de bookÂer des gars dont câest le mĂ©tiÂer. On a dĂ©jĂ eu Paulo de SuperÂfly Records qui est un pote, Jovonn de la scĂšne deep house new-yorkaise, Betino du disÂquaire juste en face, qui va venir mixÂer tous les mois⊠» Fabio espĂšre ausÂsi ramenÂer bienÂtĂŽt des artistes comme Rich MedÂiÂna ou Antal pour perÂmeÂtÂtre Ă BamÂbiÂno de passÂer un cap⊠et ainÂsi inciter dâautres lieux Ă Paris et en France Ă se tournÂer vers cette tenÂdance ? Cela ne serait pas pour dĂ©plaire Ă lâintĂ©ressĂ© qui conÂfie ĂȘtre pote de longue date avec Louis du MonÂtezuÂma et MathÂieu de FrĂ©quence, ancien barÂman de lâEntrĂ©e des Artistes. « Si on aime la musique, câest que du bonÂheur ce genre de lieux ! Il faudrait quâil y en ait encore plus ! »

CafĂ© ManÂcuÂso Ă Bordeaux
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Dâautres lieux audioÂphiles ou proches de lâesprit, Ă suivÂre de prĂšs en France et ailleurs :
- Jean Louis La Nuit (Paris 1er)
- Stéréo (Paris 9e)
- Facettes (Paris 11e)
- TerÂrain Vague (Paris 11e)
- LâEntrĂ©e des Artistes (Paris 9e)
- DisÂcoÂbar (Paris 19e)
- le DisÂcoÂbar du SacrĂ© (Paris 2e)
- Le MelÂlotron (Paris 10e)
- ShelÂter (Tokyo)
- PhonoÂbar (San Francisco)
- StereÂoÂbar (MonÂtreÂal)
- HidÂden Sounds (LonÂdres)
- Vinyl Dream (San Francisco)
- DynamÂic Range Music Bar (ZaanÂdam)
- Hosoi (StockÂholm)
- RhiÂnoçéros (Berlin)
- The Big Romance (Dublin)
- CurÂtis (Barcelone)
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