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Bambino Paris / ©The Social Food
15 juin 2021

🍸 Tendance : les listening bars, lĂ  oĂą la musique importe autant que le verre ou l’assiette

par Arnaud Rollet

Pour peu que vous possĂ©diez une paire d’oreilles fonctionnelles, vous avez forcĂ©ment dĂ©jĂ  remarquĂ© que la musique faisait trop souvent office de parent pauvre pour bon nombre de cafĂ©s, restaurants et bistrots qui, pour s’assurer une ambiance Ă  moindre frais, laissent crachoter des morceaux un brin tendance sur des enceintes bon marchĂ© entre deux remplissages de godets. Heureusement, peu avant le confinement, une nouvelle vague de lieux audiophiles commençait Ă  se dĂ©ployer sur la France pour tenter d’inverser la tendance et respecter davantage l’ouĂŻe des badauds en s’inspirant des fameux listening bars amĂ©ricains, londoniens et japonais. Aujourd’hui, ces bars ont rouvert et la vague retrouve sa puissance. Un pari audacieux menĂ© par de fringants trentenaires qui, bien que se dĂ©clinant de diffĂ©rentes façons, traduit Ă  chaque fois un amour immodĂ©rĂ© pour le bon son… et les bons produits. L’occasion d’y faire un ou mĂŞme 33 tours.

Café Montezuma à Paris, avec ses magnifiques enceintes Klipschorn

« C’est bien d’avoir un super système son d’un point de vue technique comme une super machine expresso, mais si tu n’as pas un super barista qui adore ça, un type qui va sourcer son café et une communauté d’amateurs qui vient, cela ne sert pas à grand-chose. » Installé à l’une des tables en bois du Café Montezuma, non loin du Palais Brongniart à Paris, Louis Mesana est un type franc, mais surtout un grand passionné de vins et de musique, capable de disserter un long moment sur ses coteaux favoris comme ses albums fétiches. C’est cette passion qui l’a poussé, en novembre 2019, à ouvrir le « Zuma » avec son ami, le caviste Théophile de Penanster : un café audiophile où l’on déguste des vins natures autant que des vinyles d’exception (ainsi qu’une cuisine signée Julie Della Faille, ancienne du Dauphin). « Un lieu d’écoute, pas un lieu de danse », dont la création a été nourrie par plusieurs voyages et de découvertes.

 

Chineurs de bars, de musique et de vins

« L’idĂ©e ne vient pas de nous, Ă©videmment. Avec ThĂ©o, on est notamment allĂ©s Ă  Brilliant Corners Ă  Londres, dont le nom provient d’un album de jazz de Thelonious Monk. Le lieu est Ă©quipĂ© de quatre enceintes Klipschorn – comme les deux que nous avons en bas – et propose aussi des vins natures, dans une ambiance un peu japonisante, raconte l’ancien sommelier du Verre VolĂ©, Ă©galement guitariste Ă  ses heures. Nous avons Ă©tĂ© très marquĂ©s par cette expĂ©rience. » Une approche que Louis a aussi pu cultiver lorsqu’il travaillait aux États-Unis, en visitant In Sheep’s Clothing Ă  Los Angeles, le Shiru Ă  Oakland ou encore le Mezcaleria la Milagrosa et The Four Hoursmen Ă  New York. Le premier est un petit speakeasy de Mescal et le second se trouve ĂŞtre le coffee shop cofondĂ© par James Murphy de LCD Soundsystem.

« La dĂ©marche de quelqu’un qui va chercher des vieux groupes des annĂ©es 1970 ayant enregistrĂ© avec tel batteur, sur telle pĂ©riode, dans tel studio et avec tel producteur, c’est exactement la mĂŞme que celle de celui qui va chercher des vins natures chez machin qui, lui-mĂŞme, se fournit en raisins chez truc et a vinifiĂ© ça en 2017 de telle façon pour faire 200 bouteilles comme l’autre qui aurait pu sortir seulement 200 vinyles. »

Pour rĂ©ussir Ă  se lancer dans l’aventure, Louis et ThĂ©o ont clairement pu compter sur leur talent de dĂ©nicheurs afin de construire un système son Ă  la hauteur de leurs ambitions. C’est en cherchant sans relâche que le duo a pu mettre la main sur ses fameuses enceintes Klipschorn, dĂ©nichĂ©es chez un ancien imprimeur de Saint-Etienne avec un prĂ©-ampli Ă  lampes trois voies, un modèle qui n’existe que chez Montezuma. Un talent pour trouver les bonnes choses, bien aiguisĂ© par des annĂ©es de pratique jusque-lĂ  mises au service de la recherche de vignerons talentueux comme des disques prĂ©cieux. Un parallèle que ne renie d’ailleurs par l’intĂ©ressĂ© : « La dĂ©marche de quelqu’un qui va chercher des vieux groupes des annĂ©es 1970 ayant enregistrĂ© avec tel batteur, sur telle pĂ©riode, dans tel studio et avec tel producteur, c’est exactement la mĂŞme que celle de celui qui va chercher des vins natures chez machin qui, lui-mĂŞme, se fournit en raisins chez truc et a vinifiĂ© ça en 2017 de telle façon pour faire 200 bouteilles comme l’autre qui aurait pu sortir seulement 200 vinyles. Il y a beaucoup de points communs sur ce cĂ´tĂ© très nerd, très digger, amateur de choses très clivantes, sans concession, qui peuvent avoir beaucoup de dĂ©fauts tout en ayant l’avantage de leur originalitĂ©, de l’indĂ©pendance et de l’authenticitĂ©. »

Café Mancuso à Bordeaux

 

La liberté en dehors du mix

L’appĂ©tence pour le digging, c’est aussi ce qui avait motivĂ© Guillaume Taillieu, cofondateur du label Discobar (dont il ne s’occupe plus aujourd’hui), passĂ© par « toutes les formes de restaurants ou de bars, des soirĂ©es warehouse aux cocktail bars ». C’était du cĂ´tĂ© de Bordeaux, Ă  l’automne 2017. Devenu depuis une rĂ©fĂ©rence bien au-delĂ  des frontières de l’Hexagone et dotĂ© d’enceintes Tannoy Glenair 15, le CafĂ© Mancuso, nommĂ© en hommage Ă  la mythique figure de la nuit new-yorkaise, transpire une sincĂ©ritĂ© touchante et un rĂ©el besoin de casser les codes jusque-lĂ  plĂ©biscitĂ©s par les rades diffusant de la musique. Au moment d’expliquer le pourquoi d’une telle entreprise, Guillaume remonte le temps : « Je collectionne des disques depuis l’âge de 15-16 ans. En 2012, je suis allĂ© vivre Ă  Londres oĂą, en parallèle au monde de la restauration, j’ai montĂ© Discobar avec mon pote Lamache. LĂ -bas, je sortais toujours en club ou dans les bars, mais Ă  un moment donnĂ©, j’en ai eu marre. Pour moi, c’était toujours la mĂŞme chose : cela faisait dix ans que je sortais quasiment tous les week-ends en club et c’était le mĂŞme « film » Ă  chaque fois. Au mĂŞme moment, juste avant de quitter Londres, j’ai dĂ©couvert une autre expĂ©rience, avec ces lieux comme Brillant Corners et le Spiritland qui, lui, venait tout juste d’ouvrir. J’ai tout de suite adhĂ©rĂ© Ă  ce concept oĂą les personnes prenaient vraiment Ă  cĹ“ur la qualitĂ© du son et la sĂ©lection musicale, en choisissant les selectors venant y passer des disques, dans des registres totalement diffĂ©rents. LĂ -bas, on pouvait Ă©couter un très large spectre de musiques, du jazz, de la funk, de la soul, de l’ambient, de l’expĂ©rimental… Cela allait dans tous les recoins et c’est ça qui m’intĂ©ressait. »

« C’est de la selecta pure, il n’y a pas de mix. En fait, on a surtout de la musique « no club »… »

Au CafĂ© Mancuso, les passeurs de disques invitĂ©s tous les jeudis, vendredis et samedis sont libres d’agir Ă  leur guise. « C’est de la selecta pure, il n’y a pas de mix. En fait, on a surtout de la musique « no club » qui peut aller de l’ambient Ă  l’experimental en passant par le downtempo, trip-hop, hip-hop, funk, soul, disco, afro, folk, tribal, psychĂ©dĂ©lique, prog rock… C’est très large et on essaye de diversifier toujours plus. » Une ouverture d’esprit qui a dĂ©jĂ  sĂ©duit plus d’un collectionneur Ă  travers le monde. « On a pas mal de français, mais on a aussi eu des gens de Londres, de Madrid, de Rome, de Berlin… et mĂŞme un Australien ! C’est selon le feeling : les personnes nous contactent, nous parlent de leur sĂ©lection, de ce qu’ils Ă©coutent. On Ă©change et si l’on voit que ça colle bien, on essaye de trouver une date pour les faire venir. »

Le lieu tend même à diversifier de plus en plus ses événements, pour proposer de nouveaux rapports à la musique comme quand, au mois de février, un invité est venu proposer une sélection jazz et raconter une histoire autour de ces morceaux, interagissant avec le public pour discuter des influences. Une cérémonie qui pourrait bientôt se dérouler en dehors du café, le duo ayant acquis une petite Onken, un nouveau sound system nomade « très prôné des audiophiles car d’une très grande musicalité et précision : il va nous servir pour faire des écoutes approfondies d’albums ou l’organisation de soirées audiophiles intimistes, dans notre sous-sol ou ailleurs. »

Le bar à cocktails Fréquence, à Paris

Envie d’un nouveau cocktail et inspiration nippone

Si le Café Mancuso fait dans l’éclectisme et tend vers une approche de la musique plus « spirituelle », d’autres spots plus ou moins récents font eux le choix d’une ligne directrice bien plus restreinte. C’est notamment le cas de Fréquence. Difficile de ne pas s’arrêter devant ce bar à cocktails en se baladant rue Keller, dans le 11e arrondissement de Paris, tant sa collection de vinyles installée en évidence derrière le zinc attire l’œil des amateurs de wax. Derrière le comptoir justement se trouve un autre Guillaume, nommé Quenza cette fois. C’est lui qui, avec ses associés Matthieu Biron (également DJ sous le chouette nom de Matt Ma Moustache) et Baptiste Radufe, a voulu se lancer dans l’aventure. Tous ont bossé dans la restauration ou l’hôtellerie. Un background professionnel qui a lentement, mais sûrement, fait murir l’idée du projet. « À force de bosser et aussi de sortir sur Paris, on faisait tous le même constat : la musique était trop souvent le moins important pour les bars. C’était ce qui était relayé au dernier rang, le truc dont personne ne s’occupait. Une fois les travaux finis, on accrochait deux enceintes et c’était terminé. Peu de bars mettaient réellement le son en avant, de par la qualité du système son et de la programmation. Les seuls qui le faisaient étaient surtout des lieux plutôt club ou de grosses machines. Et nous, on trouvait qu’il manquait justement un endroit intimiste, de la taille d’un bar quoi, où le son serait mis au premier plan. L’idée a commencé comme ça. Il fallait répondre à ce manque en trouvant un lieu où l’on pourrait mettre de la musique sans pour autant déranger les voisins et où ce soit aussi important de venir pour la musique que pour les cocktails. »

« À force de bosser et aussi de sortir sur Paris, on faisait tous le même constat : la musique était trop souvent le moins important pour les bars. »

Trois ans se sont alors Ă©coulĂ©s entre la première discussion du trio sur le sujet et la recherche du local. Une pĂ©riode de rĂ©flexion renforcĂ©e par un sĂ©jour dĂ©cisif au pays du Soleil Levant et des jazz kissa. « Pendant ces trois annĂ©es, nous avons puisĂ© de l’inspiration un peu de partout, notamment au Japon, oĂą Matthieu et Baptiste s’Ă©taient rendus en vacances : ils en Ă©taient revenus avec des Ă©toiles plein les yeux et des tas d’idĂ©es, confie Guillaume. Au Japon, notre coup de cĹ“ur majeur, c’est le Little Soul CafĂ©, Ă  Tokyo. C’est un bar tenu par un mec passionnĂ© : le type ouvre chaque jour et n’a jamais fermĂ© depuis le lancement ! Il se lève le matin pour acheter des disques et les passe le soir dans son petit Ă©tablissement. Il est en plus ouvert aux recommandations et on peut lui demander ce qu’on veut. C’est assez impressionnant car il sait parfaitement oĂą trouver tel ou tel disque dans son immense collection en quelques secondes seulement. Il pose le doigt prĂ©cisĂ©ment Ă  l’endroit oĂą se trouve le vinyle demandĂ©. C’est un type honnĂŞte, droit et passionnĂ© et cela ressemblait Ă  ce qu’on voulait faire plutĂ´t que de crĂ©er un lieu d’abord photogĂ©nique.  »

 

Du son, mais pas de tapage

Le bar à cocktails Fréquence, à Paris

Chez FrĂ©quence, on est bien plus attirĂ© par la musique noire que par la note bleue. « Le plus gros focus, c’est vraiment la black music de la fin des annĂ©es 1970 / dĂ©but des annĂ©es 1980, dĂ©taille Guillaume. C’est disco, modern soul, boogie, un peu funk… Matthieu est aussi très calĂ© dans tout ce qui est disco-gospel et a aussi pas mal de disques africains et antillais. On a aussi un petit peu de reggae et de hip-hop. Mais le cĹ“ur de la collection, c’est cette black music. » Des pĂ©pites diffusĂ©es sur un système son flambant neuf de la marque française Nexo. « Si l’on y ajoute les platines et la table de mixage, on s’approche rapidement des 15 000 euros. Après, il faut aussi ajouter l’isolation phonique ainsi que la correction avec les diffĂ©rents panneaux acoustiques permettant l’absorption du son… » Selon lui, un lieu audiophile ne peut pas se rĂ©sumer Ă  l’obtention d’un bon système son : cela implique aussi une prise en compte des environs. « Si l’on voulait mettre du son, on devait ĂŞtre bien isolĂ© et faire ça sĂ©rieusement. Pas mal de lieux ont nĂ©gligĂ© ça par le passĂ© et, ces dernières annĂ©es, ils ont pris en pleine face cette espèce de vague anti-bar oĂą la moindre personne qui se plaignait obtenait quasiment toujours gain de cause… Effectivement, c’est une dĂ©pense importante, mais on la savait nĂ©cessaire et indispensable. »

Une volontĂ© de ne pas se mettre le voisinage Ă  dos qui se traduit aussi chez Cadence, nichĂ© quant Ă  lui dans une autre zone apprĂ©ciĂ©e du 11e arrondissement, celle de l’avenue Parmentier, un coin dĂ©jĂ  habituĂ© Ă  une vie nocturne animĂ©e. NĂ© en septembre 2019, ce restaurant intimiste contraste avec la vieille table franchouillarde et surannĂ©e qui occupait l’emplacement avant lui. SĂ©rigraphies aux murs, dĂ©co moderne, boisĂ©e, lumineuse et vĂ©gĂ©tale… Le lieu est agrĂ©able aux yeux comme aux oreilles, grâce Ă  l’implication totale de son Ă©quipe. Une formation composĂ©e de trois personnes : JĂ©rĂ©mie Zeltner et Paul Auger en salle et l’Anglais Joshua Gibbons aux fourneaux. Loin d’être nĂ©ophytes dans le milieu de la nuit (ils sont dĂ©jĂ  connus dans le Paris by night pour leur collectif Sixoclock), JĂ©rĂ©mie et Paul sont, par contre, des nouveaux venus dans le petit monde de la restauration. Pour eux, Cadence est avant tout l’opportunitĂ© de changer de vie. « Nous sommes tous les deux en reconversion, raconte JĂ©rĂ©mie, petite barbe bien taillĂ©e et lunettes rondes sur le nez, entre deux cafĂ©s serrĂ©s. Moi, en l’occurrence, j’ai d’abord travaillĂ© pendant cinq ans en tant qu’ingĂ©nieur-Ă©lectronicien dans l’industrie. Paul, lui, est sorti d’Ă©cole de commerce et a d’abord travaillĂ© dans la grande distribution. Ensemble, nous nous occupions de Sixoclock en parallèle de nos activitĂ©s professionnelles de l’Ă©poque. On le faisait pour le plaisir de partager notre passion pour la musique et le fait de rĂ©unir les gens. Jusqu’Ă  une vraie remise en question de nos expĂ©riences dans le monde du travail plus conventionnel. C’Ă©tait devenu pour nous vraiment compliquĂ© : certes, on avait des bons salaires, mais on se levait le matin sans trop savoir pourquoi. Je n’arrivais pas Ă  expliquer ce que je faisais et je le faisais sans aucune fiertĂ©. Vraiment. Alors qu’aujourd’hui, quand je parle de Cadence, je le vis, j’en suis fier. C’est un vrai plaisir. Cela montre que j’ai trouvĂ© un sens Ă  ma vie, malgrĂ© un rythme beaucoup plus dur en termes de plages horaires et une rĂ©munĂ©ration aujourd’hui inexistante, qui sera bien lĂ  un jour mais ne sera pas non plus incroyable. Ce qu’on gagne avec ça, c’est du sens. »

« J’ai trouvĂ© un sens Ă  ma vie, malgrĂ© un rythme beaucoup plus dur en termes de plages horaires et une rĂ©munĂ©ration aujourd’hui inexistante. »

 

Menu disco

L’Ă©quipe de Cadence

Se dĂ©finissant avant tout comme un restaurant, Cadence attache autant d’importance Ă  ses assiettes qu’aux galettes diffusĂ©es dans ses huit enceintes conçues avec l’aide de la boutique voisine, La Maison du Haut-Parleur. « Nous ne sommes pas un bar qui sert des frites ou des finger foods : on est vraiment un lieu de dĂ©couvertes musicales et culinaires. Josh, en cuisine, n’est pas un chef venu pour simplement cuire des steaks et toucher sa paye. Comme nous avec la musique, il est passionnĂ© avec la cuisine. Il est donc lĂ  pour partager son art, faire dĂ©couvrir des choses, apprendre et Ă©changer. La musique et la cuisine ont en commun ! Ce sont des vecteurs qui rassemblent, deux arts qui font l’unanimitĂ© en France et partout dans le monde. Et en gĂ©nĂ©ral, les gens qui aiment la bonne musique aiment aussi bien manger et vice-versa. »

« La musique et la cuisine ont en commun ! Et en général, les gens qui aiment la bonne musique aiment aussi bien manger et vice-versa. »

 

Un mélange entre Tel Aviv et le Japon

À quelques enclavures de Cadence, une autre tanière mêlant bouffe, vins et vinyles a aussi ouvert ses portes dans le 11e arrondissement, en novembre 2019. Situé rue Saint Sébastien, Bambino fait d’abord le bonheur des instagrameurs avec son mur de disques, son bar/DJ-Booth classieux et ses enceintes immenses. Une adresse idéale pour faire un selfie, oui, mais aussi pour satisfaire l’ouïe et le goût, deux sens cruciaux pour Fabien Lombardi dit Fabio, son créateur à qui l’on doit déjà une ribambelle de restaurants et bars dans la capitale, dont les pizzérias Faggio ou L’Entrée des Artistes. Cette dernière, ouverte avec Edouard Vermynck non loin du Cirque d’Hiver avant de migrer à Pigalle, démontrait déjà l’ambition du bonhomme de concilier fringale à combler et envie de danser. « Avec Edouard, on bossait ensemble à l’hôtel Murano et on sortait souvent, raconte celui qui a quitté le Sud de la France au début des années 2000 pour faire des cocktails à Paris. Cela a été une rencontre super cool et c’est toujours mon pote aujourd’hui. Il m’avait mis à l’époque dans son mood soul, funk, disco, avec les soirées qui pouvaient y avoir au Djoon et au Rex, les Moodymann, Sadar Bahar, Marcellus Pittman, Omar S… C’est là que je me suis vraiment intéressé à la Black Music. » Un intérêt qui va, au fil des années, se transformer en passion débordante, représenté par l’impressionnante collection de vinyles installée dans son fief. « Avant, tous mes vinyles étaient dans mon salon, mais maintenant, 80% d’entre eux sont à Bambino, soit entre 3 000 et 3 500 disques… Ce qui fait une heureuse : ma copine ! », se marre le taulier.

 

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Avec Bambino, nommé en référence au surnom qu’on lui donnait durant son enfance à Cassis, Fabio a d’abord voulu se faire plaisir. « J’avais toujours en tête cet endroit à Paris que je ne trouvais pas forcément, un restaurant où tu bois bien, un bar où tu manges bien, avec de la musique uniquement sur vinyle, un son un peu fort, du vin, de la bouffe sérieuse, des produits de qualité… Bref, un lieu où je pouvais avoir envie d’y passer toute la soirée. » Et pour façonner ce kiff, le grand voyageur va s’inspirer des décors et de la passion qui se dégagent des jazz kissas (« je vais au Japon quasiment deux fois par an, à chaque fois pour trois semaines ») en les associant à l’esprit bien plus festif du Romano, qui l’a totalement happé lors d’une escale en Israël. « C’est un lieu un peu caché à Tel Aviv, dans l’équivalent de ce qu’est le quartier du Sentier à Paris. Tu passes une porte cochère et, au rez-de-chaussée, tu trouves plein de boutiques de grossistes en textiles et, au­-dessus, des balcons avec plein de bars et restaurants dont le Romano, tenu par le même chef que Miznon à Paris, Eyal Shani. C’est très festif et l’on ne s’y prend pas la tête, avec du son joué sur un sound system vintage. Côté boissons et assiettes, c’est pareil : cela reste simple, avec de la bière, de l’ouzo, de l’anisée, une cuisine fraîche, méditerranéenne et moyen-orientale. Au fil de la soirée, l’ambiance monte, les gens commencent à être un peu chauds, à se lever et à danser… J’avais envie de récréer ça ici. »

« J’avais toujours en tête cet endroit à Paris que je ne trouvais pas forcément, un restaurant où tu bois bien, un bar où tu manges bien, avec de la musique uniquement sur vinyle, un son un peu fort, du vin, de la bouffe sérieuse, des produits de qualité… Bref, un lieu où je pouvais avoir envie d’y passer toute la soirée. »

Pour faire monter la sauce, Fabio a pensé au moindre détail. Le mobilier ? Des « mange-debouts » avec des tabourets (« tu vas plus facilement t’ambiancer comme ça que si tu es sur installé dans un fauteuil avec accoudoir »). Les plats ? Des petites assiettes d’une cuisine du sud, à la braise, à partager pour créer de la convivialité et picorer avant de se chauffer. Les boissons ? Des vins natures et des cocktails étonnants. « Dimension festive oblige, les gens veulent être servis assez vite. Du coup, on a mis en place un système de cocktail en pression dans des futs, poussés par de l’azote, que tu tires comme si tu tirais une bière. » Bien entendu, tout cela ne pourrait pas fonctionner sans un système son puissant et une sélection musicale aux petits oignons. Et quand ce n’est pas Fabien qui s’amuse à jouer les selectors, d’autres passeurs de sons prennent le relais. « Maintenant qu’on a peaufiné le système d’insonorisation pour envoyer du DB, on est en train de booker des gars dont c’est le métier. On a déjà eu Paulo de Superfly Records qui est un pote, Jovonn de la scène deep house new-yorkaise, Betino du disquaire juste en face, qui va venir mixer tous les mois… » Fabio espère aussi ramener bientôt des artistes comme Rich Medina ou Antal pour permettre à Bambino de passer un cap… et ainsi inciter d’autres lieux à Paris et en France à se tourner vers cette tendance ? Cela ne serait pas pour déplaire à l’intéressé qui confie être pote de longue date avec Louis du Montezuma et Mathieu de Fréquence, ancien barman de l’Entrée des Artistes. « Si on aime la musique, c’est que du bonheur ce genre de lieux ! Il faudrait qu’il y en ait encore plus ! »

Café Mancuso à Bordeaux

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D’autres lieux audiophiles ou proches de l’esprit, à suivre de près en France et ailleurs :

  • Jean Louis La Nuit (Paris 1er)
  • StĂ©rĂ©o (Paris 9e)
  • Facettes (Paris 11e)
  • Terrain Vague (Paris 11e)
  • L’EntrĂ©e des Artistes (Paris 9e)
  • Discobar (Paris 19e)
  • le Discobar du SacrĂ© (Paris 2e)
  • Le Mellotron (Paris 10e)
  • Shelter (Tokyo)
  • Phonobar (San Francisco)
  • Stereobar (Montreal)
  • Hidden Sounds (Londres)
  • Vinyl Dream (San Francisco)
  • Dynamic Range Music Bar (Zaandam)
  • Hosoi (Stockholm)
  • Rhinoçéros (Berlin)
  • The Big Romance (Dublin)
  • Curtis (Barcelone)
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