đž Tendance : les listening bars, lĂ oĂč la musique importe autant que le verre ou l’assiette
Pour peu que vous possĂ©diez une paire dâoreilles fonctionnelles, vous avez forcĂ©ment dĂ©jĂ remarquĂ© que la musique faisait trop souvent office de parent pauvre pour bon nombre de cafĂ©s, restaurants et bistrots qui, pour sâassurer une ambiance Ă moindre frais, laissent crachoter des morceaux un brin tendance sur des enceintes bon marchĂ© entre deux remplissages de godets. Heureusement, peu avant le confinement, une nouvelle vague de lieux audiophiles commençait Ă se dĂ©ployer sur la France pour tenter dâinverser la tendance et respecter davantage lâouĂŻe des badauds en sâinspirant des fameux listening bars amĂ©ricains, londoniens et japonais. Aujourd’hui, ces bars ont rouvert et la vague retrouve sa puissance. Un pari audacieux menĂ© par de fringants trentenaires qui, bien que se dĂ©clinant de diffĂ©rentes façons, traduit Ă chaque fois un amour immodĂ©rĂ© pour le bon son⊠et les bons produits. Lâoccasion dây faire un ou mĂȘme 33 tours.
« Câest bien dâavoir un super systĂšme son dâun point de vue technique comme une super machine expresso, mais si tu nâas pas un super barista qui adore ça, un type qui va sourcer son cafĂ© et une communautĂ© dâamateurs qui vient, cela ne sert pas Ă grand-chose. » InstallĂ© Ă lâune des tables en bois du CafĂ© Montezuma, non loin du Palais Brongniart Ă Paris, Louis Mesana est un type franc, mais surtout un grand passionnĂ© de vins et de musique, capable de disserter un long moment sur ses coteaux favoris comme ses albums fĂ©tiches. Câest cette passion qui lâa poussĂ©, en novembre 2019, Ă ouvrir le « Zuma » avec son ami, le caviste ThĂ©ophile de Penanster : un cafĂ© audiophile oĂč lâon dĂ©guste des vins natures autant que des vinyles dâexception (ainsi quâune cuisine signĂ©e Julie Della Faille, ancienne du Dauphin). « Un lieu dâĂ©coute, pas un lieu de danse », dont la crĂ©ation a Ă©tĂ© nourrie par plusieurs voyages et de dĂ©couvertes.
Chineurs de bars, de musique et de vins
« LâidĂ©e ne vient pas de nous, Ă©videmment. Avec ThĂ©o, on est notamment allĂ©s Ă Brilliant Corners Ă Londres, dont le nom provient d’un album de jazz de Thelonious Monk. Le lieu est Ă©quipĂ© de quatre enceintes Klipschorn â comme les deux que nous avons en bas â et propose aussi des vins natures, dans une ambiance un peu japonisante, raconte l’ancien sommelier du Verre VolĂ©, Ă©galement guitariste Ă ses heures. Nous avons Ă©tĂ© trĂšs marquĂ©s par cette expĂ©rience. » Une approche que Louis a aussi pu cultiver lorsquâil travaillait aux Ătats-Unis, en visitant In Sheep’s Clothing Ă Los Angeles, le Shiru Ă Oakland ou encore le Mezcaleria la Milagrosa et The Four Hoursmen Ă New York. Le premier est un petit speakeasy de Mescal et le second se trouve ĂȘtre le coffee shop cofondĂ© par James Murphy de LCD Soundsystem.
« La dĂ©marche de quelqu’un qui va chercher des vieux groupes des annĂ©es 1970 ayant enregistrĂ© avec tel batteur, sur telle pĂ©riode, dans tel studio et avec tel producteur, c’est exactement la mĂȘme que celle de celui qui va chercher des vins natures chez machin qui, lui-mĂȘme, se fournit en raisins chez truc et a vinifiĂ© ça en 2017 de telle façon pour faire 200 bouteilles comme l’autre qui aurait pu sortir seulement 200 vinyles. »
Pour rĂ©ussir Ă se lancer dans lâaventure, Louis et ThĂ©o ont clairement pu compter sur leur talent de dĂ©nicheurs afin de construire un systĂšme son Ă la hauteur de leurs ambitions. Câest en cherchant sans relĂąche que le duo a pu mettre la main sur ses fameuses enceintes Klipschorn, dĂ©nichĂ©es chez un ancien imprimeur de Saint-Etienne avec un prĂ©-ampli Ă lampes trois voies, un modĂšle qui nâexiste que chez Montezuma. Un talent pour trouver les bonnes choses, bien aiguisĂ© par des annĂ©es de pratique jusque-lĂ mises au service de la recherche de vignerons talentueux comme des disques prĂ©cieux. Un parallĂšle que ne renie dâailleurs par lâintĂ©ressĂ© : « La dĂ©marche de quelqu’un qui va chercher des vieux groupes des annĂ©es 1970 ayant enregistrĂ© avec tel batteur, sur telle pĂ©riode, dans tel studio et avec tel producteur, c’est exactement la mĂȘme que celle de celui qui va chercher des vins natures chez machin qui, lui-mĂȘme, se fournit en raisins chez truc et a vinifiĂ© ça en 2017 de telle façon pour faire 200 bouteilles comme l’autre qui aurait pu sortir seulement 200 vinyles. Il y a beaucoup de points communs sur ce cĂŽtĂ© trĂšs nerd, trĂšs digger, amateur de choses trĂšs clivantes, sans concession, qui peuvent avoir beaucoup de dĂ©fauts tout en ayant l’avantage de leur originalitĂ©, de l’indĂ©pendance et de l’authenticitĂ©. »
La liberté en dehors du mix
LâappĂ©tence pour le digging, câest aussi ce qui avait motivĂ© Guillaume Taillieu, cofondateur du label Discobar (dont il ne sâoccupe plus aujourdâhui), passĂ© par « toutes les formes de restaurants ou de bars, des soirĂ©es warehouse aux cocktail bars ». CâĂ©tait du cĂŽtĂ© de Bordeaux, Ă l’automne 2017. Devenu depuis une rĂ©fĂ©rence bien au-delĂ des frontiĂšres de lâHexagone et dotĂ© dâenceintes Tannoy Glenair 15, le CafĂ© Mancuso, nommĂ© en hommage Ă la mythique figure de la nuit new-yorkaise, transpire une sincĂ©ritĂ© touchante et un rĂ©el besoin de casser les codes jusque-lĂ plĂ©biscitĂ©s par les rades diffusant de la musique. Au moment dâexpliquer le pourquoi dâune telle entreprise, Guillaume remonte le temps : « Je collectionne des disques depuis lâĂąge de 15-16 ans. En 2012, je suis allĂ© vivre Ă Londres oĂč, en parallĂšle au monde de la restauration, jâai montĂ© Discobar avec mon pote Lamache. LĂ -bas, je sortais toujours en club ou dans les bars, mais Ă un moment donnĂ©, jâen ai eu marre. Pour moi, câĂ©tait toujours la mĂȘme chose : cela faisait dix ans que je sortais quasiment tous les week-ends en club et câĂ©tait le mĂȘme « film » Ă chaque fois. Au mĂȘme moment, juste avant de quitter Londres, jâai dĂ©couvert une autre expĂ©rience, avec ces lieux comme Brillant Corners et le Spiritland qui, lui, venait tout juste dâouvrir. Jâai tout de suite adhĂ©rĂ© Ă ce concept oĂč les personnes prenaient vraiment Ă cĆur la qualitĂ© du son et la sĂ©lection musicale, en choisissant les selectors venant y passer des disques, dans des registres totalement diffĂ©rents. LĂ -bas, on pouvait Ă©couter un trĂšs large spectre de musiques, du jazz, de la funk, de la soul, de lâambient, de lâexpĂ©rimental⊠Cela allait dans tous les recoins et câest ça qui mâintĂ©ressait. »
« Câest de la selecta pure, il n’y a pas de mix. En fait, on a surtout de la musique « no club »… »
Au CafĂ© Mancuso, les passeurs de disques invitĂ©s tous les jeudis, vendredis et samedis sont libres dâagir Ă leur guise. « Câest de la selecta pure, il n’y a pas de mix. En fait, on a surtout de la musique « no club » qui peut aller de l’ambient Ă l’experimental en passant par le downtempo, trip-hop, hip-hop, funk, soul, disco, afro, folk, tribal, psychĂ©dĂ©lique, prog rock… C’est trĂšs large et on essaye de diversifier toujours plus. » Une ouverture dâesprit qui a dĂ©jĂ sĂ©duit plus dâun collectionneur Ă travers le monde. « On a pas mal de français, mais on a aussi eu des gens de Londres, de Madrid, de Rome, de Berlin… et mĂȘme un Australien ! C’est selon le feeling : les personnes nous contactent, nous parlent de leur sĂ©lection, de ce qu’ils Ă©coutent. On Ă©change et si l’on voit que ça colle bien, on essaye de trouver une date pour les faire venir. »
Le lieu tend mĂȘme Ă diversifier de plus en plus ses Ă©vĂ©nements, pour proposer de nouveaux rapports Ă la musique comme quand, au mois de fĂ©vrier, un invitĂ© est venu proposer une sĂ©lection jazz et raconter une histoire autour de ces morceaux, interagissant avec le public pour discuter des influences. Une cĂ©rĂ©monie qui pourrait bientĂŽt se dĂ©rouler en dehors du cafĂ©, le duo ayant acquis une petite Onken, un nouveau sound system nomade « trĂšs prĂŽnĂ© des audiophiles car dâune trĂšs grande musicalitĂ© et prĂ©cision : il va nous servir pour faire des Ă©coutes approfondies dâalbums ou lâorganisation de soirĂ©es audiophiles intimistes, dans notre sous-sol ou ailleurs. »
Envie dâun nouveau cocktail et inspiration nippone
Si le CafĂ© Mancuso fait dans lâĂ©clectisme et tend vers une approche de la musique plus « spirituelle », dâautres spots plus ou moins rĂ©cents font eux le choix dâune ligne directrice bien plus restreinte. Câest notamment le cas de FrĂ©quence. Difficile de ne pas sâarrĂȘter devant ce bar Ă cocktails en se baladant rue Keller, dans le 11e arrondissement de Paris, tant sa collection de vinyles installĂ©e en Ă©vidence derriĂšre le zinc attire lâĆil des amateurs de wax. DerriĂšre le comptoir justement se trouve un autre Guillaume, nommĂ© Quenza cette fois. Câest lui qui, avec ses associĂ©s Matthieu Biron (Ă©galement DJ sous le chouette nom de Matt Ma Moustache) et Baptiste Radufe, a voulu se lancer dans lâaventure. Tous ont bossĂ© dans la restauration ou lâhĂŽtellerie. Un background professionnel qui a lentement, mais sĂ»rement, fait murir lâidĂ©e du projet. « à force de bosser et aussi de sortir sur Paris, on faisait tous le mĂȘme constat : la musique Ă©tait trop souvent le moins important pour les bars. CâĂ©tait ce qui Ă©tait relayĂ© au dernier rang, le truc dont personne ne sâoccupait. Une fois les travaux finis, on accrochait deux enceintes et câĂ©tait terminĂ©. Peu de bars mettaient rĂ©ellement le son en avant, de par la qualitĂ© du systĂšme son et de la programmation. Les seuls qui le faisaient Ă©taient surtout des lieux plutĂŽt club ou de grosses machines. Et nous, on trouvait quâil manquait justement un endroit intimiste, de la taille dâun bar quoi, oĂč le son serait mis au premier plan. LâidĂ©e a commencĂ© comme ça. Il fallait rĂ©pondre Ă ce manque en trouvant un lieu oĂč lâon pourrait mettre de la musique sans pour autant dĂ©ranger les voisins et oĂč ce soit aussi important de venir pour la musique que pour les cocktails. »
« à force de bosser et aussi de sortir sur Paris, on faisait tous le mĂȘme constat : la musique Ă©tait trop souvent le moins important pour les bars. »
Trois ans se sont alors Ă©coulĂ©s entre la premiĂšre discussion du trio sur le sujet et la recherche du local. Une pĂ©riode de rĂ©flexion renforcĂ©e par un sĂ©jour dĂ©cisif au pays du Soleil Levant et des jazz kissa. « Pendant ces trois annĂ©es, nous avons puisĂ© de l’inspiration un peu de partout, notamment au Japon, oĂč Matthieu et Baptiste s’Ă©taient rendus en vacances : ils en Ă©taient revenus avec des Ă©toiles plein les yeux et des tas d’idĂ©es, confie Guillaume. Au Japon, notre coup de cĆur majeur, c’est le Little Soul CafĂ©, Ă Tokyo. C’est un bar tenu par un mec passionnĂ© : le type ouvre chaque jour et n’a jamais fermĂ© depuis le lancement ! Il se lĂšve le matin pour acheter des disques et les passe le soir dans son petit Ă©tablissement. Il est en plus ouvert aux recommandations et on peut lui demander ce qu’on veut. C’est assez impressionnant car il sait parfaitement oĂč trouver tel ou tel disque dans son immense collection en quelques secondes seulement. Il pose le doigt prĂ©cisĂ©ment Ă l’endroit oĂč se trouve le vinyle demandĂ©. Câest un type honnĂȘte, droit et passionnĂ© et cela ressemblait Ă ce qu’on voulait faire plutĂŽt que de crĂ©er un lieu d’abord photogĂ©nique.  »
Du son, mais pas de tapage
Chez FrĂ©quence, on est bien plus attirĂ© par la musique noire que par la note bleue. « Le plus gros focus, c’est vraiment la black music de la fin des annĂ©es 1970 / dĂ©but des annĂ©es 1980, dĂ©taille Guillaume. Câest disco, modern soul, boogie, un peu funk… Matthieu est aussi trĂšs calĂ© dans tout ce qui est disco-gospel et a aussi pas mal de disques africains et antillais. On a aussi un petit peu de reggae et de hip-hop. Mais le cĆur de la collection, c’est cette black music. » Des pĂ©pites diffusĂ©es sur un systĂšme son flambant neuf de la marque française Nexo. « Si lâon y ajoute les platines et la table de mixage, on sâapproche rapidement des 15 000 euros. AprĂšs, il faut aussi ajouter lâisolation phonique ainsi que la correction avec les diffĂ©rents panneaux acoustiques permettant lâabsorption du son… » Selon lui, un lieu audiophile ne peut pas se rĂ©sumer Ă lâobtention dâun bon systĂšme son : cela implique aussi une prise en compte des environs. « Si lâon voulait mettre du son, on devait ĂȘtre bien isolĂ© et faire ça sĂ©rieusement. Pas mal de lieux ont nĂ©gligĂ© ça par le passĂ© et, ces derniĂšres annĂ©es, ils ont pris en pleine face cette espĂšce de vague anti-bar oĂč la moindre personne qui se plaignait obtenait quasiment toujours gain de cause⊠Effectivement, c’est une dĂ©pense importante, mais on la savait nĂ©cessaire et indispensable. »
Une volontĂ© de ne pas se mettre le voisinage Ă dos qui se traduit aussi chez Cadence, nichĂ© quant Ă lui dans une autre zone apprĂ©ciĂ©e du 11e arrondissement, celle de lâavenue Parmentier, un coin dĂ©jĂ habituĂ© Ă une vie nocturne animĂ©e. NĂ© en septembre 2019, ce restaurant intimiste contraste avec la vieille table franchouillarde et surannĂ©e qui occupait lâemplacement avant lui. SĂ©rigraphies aux murs, dĂ©co moderne, boisĂ©e, lumineuse et vĂ©gĂ©tale⊠Le lieu est agrĂ©able aux yeux comme aux oreilles, grĂące Ă lâimplication totale de son Ă©quipe. Une formation composĂ©e de trois personnes : JĂ©rĂ©mie Zeltner et Paul Auger en salle et lâAnglais Joshua Gibbons aux fourneaux. Loin dâĂȘtre nĂ©ophytes dans le milieu de la nuit (ils sont dĂ©jĂ connus dans le Paris by night pour leur collectif Sixoclock), JĂ©rĂ©mie et Paul sont, par contre, des nouveaux venus dans le petit monde de la restauration. Pour eux, Cadence est avant tout lâopportunitĂ© de changer de vie. « Nous sommes tous les deux en reconversion, raconte JĂ©rĂ©mie, petite barbe bien taillĂ©e et lunettes rondes sur le nez, entre deux cafĂ©s serrĂ©s. Moi, en lâoccurrence, j’ai d’abord travaillĂ© pendant cinq ans en tant qu’ingĂ©nieur-Ă©lectronicien dans l’industrie. Paul, lui, est sorti d’Ă©cole de commerce et a d’abord travaillĂ© dans la grande distribution. Ensemble, nous nous occupions de Sixoclock en parallĂšle de nos activitĂ©s professionnelles de l’Ă©poque. On le faisait pour le plaisir de partager notre passion pour la musique et le fait de rĂ©unir les gens. Jusqu’Ă une vraie remise en question de nos expĂ©riences dans le monde du travail plus conventionnel. C’Ă©tait devenu pour nous vraiment compliquĂ© : certes, on avait des bons salaires, mais on se levait le matin sans trop savoir pourquoi. Je n’arrivais pas Ă expliquer ce que je faisais et je le faisais sans aucune fiertĂ©. Vraiment. Alors qu’aujourd’hui, quand je parle de Cadence, je le vis, j’en suis fier. C’est un vrai plaisir. Cela montre que j’ai trouvĂ© un sens Ă ma vie, malgrĂ© un rythme beaucoup plus dur en termes de plages horaires et une rĂ©munĂ©ration aujourd’hui inexistante, qui sera bien lĂ un jour mais ne sera pas non plus incroyable. Ce qu’on gagne avec ça, c’est du sens. »
« J’ai trouvĂ© un sens Ă ma vie, malgrĂ© un rythme beaucoup plus dur en termes de plages horaires et une rĂ©munĂ©ration aujourd’hui inexistante. »
Menu disco
Se dĂ©finissant avant tout comme un restaurant, Cadence attache autant dâimportance Ă ses assiettes quâaux galettes diffusĂ©es dans ses huit enceintes conçues avec lâaide de la boutique voisine, La Maison du Haut-Parleur. « Nous ne sommes pas un bar qui sert des frites ou des finger foods : on est vraiment un lieu de dĂ©couvertes musicales et culinaires. Josh, en cuisine, n’est pas un chef venu pour simplement cuire des steaks et toucher sa paye. Comme nous avec la musique, il est passionnĂ© avec la cuisine. Il est donc lĂ pour partager son art, faire dĂ©couvrir des choses, apprendre et Ă©changer. La musique et la cuisine ont en commun ! Ce sont des vecteurs qui rassemblent, deux arts qui font l’unanimitĂ© en France et partout dans le monde. Et en gĂ©nĂ©ral, les gens qui aiment la bonne musique aiment aussi bien manger et vice-versa. »
« La musique et la cuisine ont en commun ! Et en général, les gens qui aiment la bonne musique aiment aussi bien manger et vice-versa. »
Un mélange entre Tel Aviv et le Japon
Ă quelques enclavures de Cadence, une autre taniĂšre mĂȘlant bouffe, vins et vinyles a aussi ouvert ses portes dans le 11e arrondissement, en novembre 2019. SituĂ© rue Saint SĂ©bastien, Bambino fait dâabord le bonheur des instagrameurs avec son mur de disques, son bar/DJ-Booth classieux et ses enceintes immenses. Une adresse idĂ©ale pour faire un selfie, oui, mais aussi pour satisfaire lâouĂŻe et le goĂ»t, deux sens cruciaux pour Fabien Lombardi dit Fabio, son crĂ©ateur Ă qui lâon doit dĂ©jĂ une ribambelle de restaurants et bars dans la capitale, dont les pizzĂ©rias Faggio ou LâEntrĂ©e des Artistes. Cette derniĂšre, ouverte avec Edouard Vermynck non loin du Cirque dâHiver avant de migrer Ă Pigalle, dĂ©montrait dĂ©jĂ lâambition du bonhomme de concilier fringale Ă combler et envie de danser. « Avec Edouard, on bossait ensemble Ă lâhĂŽtel Murano et on sortait souvent, raconte celui qui a quittĂ© le Sud de la France au dĂ©but des annĂ©es 2000 pour faire des cocktails Ă Paris. Cela a Ă©tĂ© une rencontre super cool et câest toujours mon pote aujourdâhui. Il mâavait mis Ă lâĂ©poque dans son mood soul, funk, disco, avec les soirĂ©es qui pouvaient y avoir au Djoon et au Rex, les Moodymann, Sadar Bahar, Marcellus Pittman, Omar S⊠Câest lĂ que je me suis vraiment intĂ©ressĂ© Ă la Black Music. » Un intĂ©rĂȘt qui va, au fil des annĂ©es, se transformer en passion dĂ©bordante, reprĂ©sentĂ© par lâimpressionnante collection de vinyles installĂ©e dans son fief. « Avant, tous mes vinyles Ă©taient dans mon salon, mais maintenant, 80% dâentre eux sont Ă Bambino, soit entre 3 000 et 3 500 disques⊠Ce qui fait une heureuse : ma copine ! », se marre le taulier.
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Avec Bambino, nommĂ© en rĂ©fĂ©rence au surnom quâon lui donnait durant son enfance Ă Cassis, Fabio a dâabord voulu se faire plaisir. « Jâavais toujours en tĂȘte cet endroit Ă Paris que je ne trouvais pas forcĂ©ment, un restaurant oĂč tu bois bien, un bar oĂč tu manges bien, avec de la musique uniquement sur vinyle, un son un peu fort, du vin, de la bouffe sĂ©rieuse, des produits de qualité⊠Bref, un lieu oĂč je pouvais avoir envie dây passer toute la soirĂ©e. » Et pour façonner ce kiff, le grand voyageur va sâinspirer des dĂ©cors et de la passion qui se dĂ©gagent des jazz kissas (« je vais au Japon quasiment deux fois par an, Ă chaque fois pour trois semaines ») en les associant Ă lâesprit bien plus festif du Romano, qui lâa totalement happĂ© lors dâune escale en IsraĂ«l. « Câest un lieu un peu cachĂ© Ă Tel Aviv, dans lâĂ©quivalent de ce quâest le quartier du Sentier Ă Paris. Tu passes une porte cochĂšre et, au rez-de-chaussĂ©e, tu trouves plein de boutiques de grossistes en textiles et, auÂ-dessus, des balcons avec plein de bars et restaurants dont le Romano, tenu par le mĂȘme chef que Miznon Ă Paris, Eyal Shani. Câest trĂšs festif et lâon ne sây prend pas la tĂȘte, avec du son jouĂ© sur un sound system vintage. CĂŽtĂ© boissons et assiettes, câest pareil : cela reste simple, avec de la biĂšre, de lâouzo, de lâanisĂ©e, une cuisine fraĂźche, mĂ©diterranĂ©enne et moyen-orientale. Au fil de la soirĂ©e, lâambiance monte, les gens commencent Ă ĂȘtre un peu chauds, à se lever et Ă danser⊠Jâavais envie de rĂ©crĂ©er ça ici. »
« Jâavais toujours en tĂȘte cet endroit Ă Paris que je ne trouvais pas forcĂ©ment, un restaurant oĂč tu bois bien, un bar oĂč tu manges bien, avec de la musique uniquement sur vinyle, un son un peu fort, du vin, de la bouffe sĂ©rieuse, des produits de qualité⊠Bref, un lieu oĂč je pouvais avoir envie dây passer toute la soirĂ©e. »
Pour faire monter la sauce, Fabio a pensĂ© au moindre dĂ©tail. Le mobilier ? Des « mange-debouts » avec des tabourets (« tu vas plus facilement tâambiancer comme ça que si tu es sur installĂ© dans un fauteuil avec accoudoir »). Les plats ? Des petites assiettes dâune cuisine du sud, Ă la braise, Ă partager pour crĂ©er de la convivialitĂ© et picorer avant de se chauffer. Les boissons ? Des vins natures et des cocktails Ă©tonnants. « Dimension festive oblige, les gens veulent ĂȘtre servis assez vite. Du coup, on a mis en place un systĂšme de cocktail en pression dans des futs, poussĂ©s par de lâazote, que tu tires comme si tu tirais une biĂšre. » Bien entendu, tout cela ne pourrait pas fonctionner sans un systĂšme son puissant et une sĂ©lection musicale aux petits oignons. Et quand ce nâest pas Fabien qui sâamuse Ă jouer les selectors, dâautres passeurs de sons prennent le relais. « Maintenant quâon a peaufinĂ© le systĂšme dâinsonorisation pour envoyer du DB, on est en train de booker des gars dont câest le mĂ©tier. On a dĂ©jĂ eu Paulo de Superfly Records qui est un pote, Jovonn de la scĂšne deep house new-yorkaise, Betino du disquaire juste en face, qui va venir mixer tous les mois⊠» Fabio espĂšre aussi ramener bientĂŽt des artistes comme Rich Medina ou Antal pour permettre Ă Bambino de passer un cap⊠et ainsi inciter dâautres lieux Ă Paris et en France Ă se tourner vers cette tendance ? Cela ne serait pas pour dĂ©plaire Ă lâintĂ©ressĂ© qui confie ĂȘtre pote de longue date avec Louis du Montezuma et Mathieu de FrĂ©quence, ancien barman de lâEntrĂ©e des Artistes. « Si on aime la musique, câest que du bonheur ce genre de lieux ! Il faudrait quâil y en ait encore plus ! »
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Dâautres lieux audiophiles ou proches de lâesprit, Ă suivre de prĂšs en France et ailleurs :
- Jean Louis La Nuit (Paris 1er)
- Stéréo (Paris 9e)
- Facettes (Paris 11e)
- Terrain Vague (Paris 11e)
- LâEntrĂ©e des Artistes (Paris 9e)
- Discobar (Paris 19e)
- le Discobar du Sacré (Paris 2e)
- Le Mellotron (Paris 10e)
- Shelter (Tokyo)
- Phonobar (San Francisco)
- Stereobar (Montreal)
- Hidden Sounds (Londres)
- Vinyl Dream (San Francisco)
- Dynamic Range Music Bar (Zaandam)
- Hosoi (Stockholm)
- Rhinoçéros (Berlin)
- The Big Romance (Dublin)
- Curtis (Barcelone)
- …