đ The Hacker, Gesaffelstein, DJ Hell : Zone sort une monstrueuse compile de 16 bombes electro
Alors que sort aujourdâhui Interzone, la toute premiĂšre compilation de lâhistoire du label Zone, on sâest longuement entretenus avec son cofondateur Michel Amato, mieux connu sous son alias The Hacker.
Avoir en interview un artiste aussi passionnant et passionnĂ© â plus de 25 annĂ©es de carriĂšre dans la musique Ă©lectronique â câest forcĂ©ment sortir du cadre strict de la promo et digresser vers une conversation entre amoureux de musique. Si la sortie dâInterzone est au cĆur de son actu immĂ©diate, The Hacker revient aussi sur son vĂ©cu dâune crise sanitaire toujours en cours, ses rapports avec Gesaffelstein et DJ Hell ou encore sur sa vision de lâavenir immĂ©diat de lâEBM. En prime, il nous livre une exclu : le retour trĂšs attendu de son projet avec Kittin !
Interzone nâest ni une compilation anniversaire â les 10 ans du label sont dĂ©jĂ passĂ©s â ni une rĂ©trospective/best-of. Pourquoi la sortir maintenant sous la forme dâun recueil dâinĂ©dits ?
Ăa faisait un petit moment que jâavais en tĂȘte lâidĂ©e de sortir un multi-artistes sur Zone avec tous les gens qui font plus ou moins partie de la « famille ». Ăa sâest montĂ© trĂšs rapidement, en quelques mois. Lâun des rares cĂŽtĂ©s positifs de cette pĂ©riode de confinements câest que les artistes ont eu le temps de faire de la musique. Enfin surtout ceux qui savent. LĂ , on a pu voir ceux qui produisaient eux-mĂȘmes et ceux qui la faisaient faire par dâautres. Pas mal de compilations sont dĂ©jĂ sorties pendant cette crise et parfois on retrouvait 35/40 artistes. Je trouve que câest trop. Au bout de 10 ou 15 morceaux tu perds le fil. Câest pour ça quâon sâest limitĂ© Ă 16, on a dĂ» faire des choix câest sĂ»r, certains proches ne sont pas prĂ©sents cette fois-ci mais je nâexclus pas une suite.
Il nây a quasiment que des hommes au tracklisting, lâelectro-techno serait-il un genre dâessence masculine ?
Il y a bien Caroline â Kittin, ndr â mais câest la seule. On a demandĂ© Ă dâautres filles quâon avait invitĂ©es Ă jouer dans des soirĂ©es par le passĂ© mais elles ont refusĂ© poliment ou dit quâelles nâavaient pas le temps. Le fait que la sĂ©lection soit essentiellement masculine est plus subi que choisi en rĂ©alitĂ©. Jâaurais aimĂ© que cela en soit autrement. Donc je prĂ©fĂšre couper court aux polĂ©miques et quâon ne vienne pas mâemmerder avec ça.
Y aura-t-il une tournée de prévue autour de cette sortie ?
Quand tu vois le tracklisting de la compile ça ferait un joli plateau. Déjà avec la moitié des artistes présents ça serait énorme. Une soirée avec Kittin, DJ Hell, Kris Baha, Jensen Interceptor ça aurait de la gueule. On va voir comment la situation sanitaire évolue mais on aimerait faire au moins une date à Paris, une à Lyon et une à Grenoble.
« Un an et demi aprÚs les vacances, ça commence à faire long. On ne voit pas la lumiÚre au bout du tunnel. »
Justement comment as-tu vĂ©cu cette pĂ©riode de confinements et dâinterdiction de faire la « bamboche » ?
TrĂšs honnĂȘtement, le premier confinement je ne lâai pas trop mal vĂ©cu. Jâavais fait une grosse annĂ©e 2019 avec beaucoup de dates, de voyages, de musique donc jâĂ©tais crevĂ© physiquement. Jâai pris cela comme une opportunitĂ© pour me reposer, pour prendre du recul. Des vacances quoi. Mais un an et demi aprĂšs les vacances, ça commence Ă faire long. On ne voit pas la lumiĂšre au bout du tunnel. Jâen ai discutĂ© avec dâautres artistes et on a tous cette impression dâavoir perdu la notion du temps, de ne plus savoir quel jour on est. Il y a cette annĂ©e oĂč il ne sâest rien passĂ© pour nous, mais câest une annĂ©e qui a quand mĂȘme eu lieu et qui ne reviendra jamais. Aujourdâhui avec le retour des terrasses, il y a un peu dâespoir qui flotte dans lâair. Je commence Ă avoir de nouveaux des demandes pour des sets, notamment en Angleterre qui va rouvrir ses clubs.
Et au niveau de lâinspiration ?
Au dĂ©but je lâavais perdue, je ne faisais quasiment pas de musique. Cela commençait mĂȘme Ă mâinquiĂ©ter. Et puis lâhiver dernier câest revenu. Globalement ma musique nâa pas trop changĂ©, je ne me suis pas mis Ă lâambient (rires). Mais jâai rĂ©Ă©coutĂ© pas mal de trucs de Detroit que jâavais mis de cĂŽtĂ© pendant pas mal dâannĂ©es. Jâai rĂ©utilisĂ© des nappes, des accords dont je me servais plus. Jâai Ă©purĂ© un peu mon son. Je suis peut-ĂȘtre revenu Ă une forme de classicisme Ă©lectronique en essayant de me rapprocher de mes modĂšles absolus que sont Dopplereffekt et Kraftwerk.
Ces nouveaux morceaux vont sortir bientĂŽt ?
Oui. Tu as dĂ©jĂ un avant-goĂ»t avec « Nano Technology » qui est prĂ©sent sur Interzone. Les autres vont sortir Ă la rentrĂ©e sous forme de mini-LP sur Pinkman, un label hollandais oĂč jâai dĂ©jĂ publiĂ© un maxi sous mon alias Amato.
« Lâhiver prochain on retournera dans les sous-sols Ă©couter Nitzer Ebb et Front 242.«Â
Zone a bien profitĂ© du retour en grĂące des sons electro/EBM quâon observait ces derniĂšres annĂ©es. Ne penses-tu pas quâau sortir de la crise le public va ĂȘtre plus en attente de sons joyeux, insouciants ? La Covid nâa-t-elle pas mis un coup dâarrĂȘt – provisoire – Ă la techno « sombre » ?
Câest ce que je pense aussi. Mais jâessaie de voir le bon cĂŽtĂ© des choses. Si ce nâest plus Ă la mode, il restera toujours les vrais passionnĂ©s. Jâimagine que cet Ă©tĂ© il y aura beaucoup de house, de disco, mais aussi dâitalo-disco, donc je pourrai me rattraper de ce cĂŽtĂ©-lĂ . Et puis lâhiver prochain on retournera dans les sous-sols Ă©couter Nitzer Ebb et Front 242. Il y avait ces derniĂšres annĂ©es toute une tendance nĂ©o-EBM hyper rapide Ă 145 BPM que jâappelle « techno-goth », qui se rapprochait presque de la psytrance et que je nâaimais pas du tout. Si elle disparaĂźt, je ne mâen porterais pas plus mal.
Peux-tu nous rappeler dans quelles circonstances sâest crĂ©Ă© le label Zone en 2009 ?
Ă lâĂ©poque avec mon associĂ© Alexandre Reynaud, on avait arrĂȘtĂ© Goodlife, un prĂ©cĂ©dent label quâon avait montĂ© avec Oxia. MĂȘme si on est toujours proches aujourdâhui, on avait de plus en plus de divergences musicales, ça devenait compliquĂ© de sâentendre sur ce point. Donc avec Alex on avait dĂ©jĂ lâidĂ©e de remonter une autre structure et entre temps on a rencontrĂ© Mike – Gesaffelstein – qui Ă©tait Ă ses tout dĂ©buts ainsi que son meilleur pote David. On a lancĂ© Zone Ă quatre, les deux jeunes et les deux vieux (rires). Un label qui tournerait autour de lâelectro au vrai sens du terme, avec Dopplereffekt comme influence majeure, mais aussi lâEBM old-school comme DAF, Front 242, Liaisons Dangereuses. Et lâitalo-disco, un peu.
Pourquoi ce nom « Zone » dâailleurs ?
Câest venu naturellement. Câest un mot quâon employait souvent « câest la zone ». On Ă©tait aussi tous fascinĂ©s par le cinĂ©ma français de la fin des annĂ©es 70, « Buffet Froid » de Bertrand Blier ou « SĂ©rie Noire » avec Patrick Dewaere. Des films trĂšs « zone ».
« DJ Hell mâavait dit : « Michel, câest trĂšs bien tes trucs, mais Jeff Mills existe dĂ©jĂ . » »
Au dĂ©but, le label Ă©tait dâailleurs Ă©trangement associĂ© Ă la French Touch 2.0 ?
Oui, alors quâon Ă©tait complĂštement Ă contre-courant de la turbine avec notre son electro-tech. Câest le fait dâavoir une rĂ©sidence au Social Club qui nous a un peu mis lĂ -dedans, mĂȘme si musicalement on nâavait rien Ă voir. Je crois aussi que les kids accrochaient bien Ă lâĂ©nergie dĂ©gagĂ©e par la musique de Gesaffelstein, mĂȘme sâils nâen captaient pas toutes les rĂ©fĂ©rences.
Gesaffelstein qui a depuis pris un virage plus pop avec son album Hyperion et collaborĂ© avec The Weeknd ou Pharell Williams. Il est toutefois prĂ©sent sur Interzone. Quels sont ses rapports avec le label aujourdâhui ?
Il reste en contact, câest avant tout un ami. Il mĂšne sa barque de son cĂŽtĂ© mais sâintĂ©resse toujours Ă ce quâon sort. Quand on lui a parlĂ© de la compile, il a tout de suite proposĂ© un morceau. Il est prĂ©sent en mode « low profile ». On ne veut pas le mettre plus en avant que les autres artistes. Il est avec nous, avec les autres et câest trĂšs bien.
Un autre personnage prĂ©sent sur la compilation est DJ Hell. Quelquâun de trĂšs important pour ta carriĂšre ?
Oui. Au dĂ©but jâessayais un peu de copier Jeff Mills musicalement. Et DJ Hell mâavait dit : « Michel, câest trĂšs bien tes trucs, mais Jeff Mills existe dĂ©jĂ . Par contre, tes morceaux un peu hybrides entre new-wave, techno et italo-disco, personne ne le fait vraiment et câest super bien. Tu devrais aller plus dans cette direction ». Ses propos ont Ă©tĂ© dĂ©terminants pour la suite.
Ta complice de toujours Caroline alias Kittin est aussi présente au tracklisting. La question que tout le monde se pose : à quand le retour de votre projet commun ?
Je peux vous annoncer quâon a retravaillĂ© ensemble et quâon a mĂȘme produit un nouvel album. Il est terminĂ© et jâen suis trĂšs satisfait. Sa sortie est un peu conditionnĂ©e par la situation sanitaire car on aimerait vraiment le dĂ©fendre sur scĂšne. Donc on lâespĂšre pour cet hiver. Un premier single sortira Ă la rentrĂ©e. Ăa sâappellera Kittin/Hacker car Caro sâest dĂ©barrassĂ© de son « Miss », donc ça fait plus Ă©quilibrĂ©.
Tu nous tiendras au courant ?
Evidemment !
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