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©Anthony Ghnassia
19 février 2020

Toute-puissance du rap : comment en est-on arrivé là ? (épisode 2)

par Tsugi

Comme un écho à l’un de nos précédents articles sur l’hégémonie actuelle du rap dans les charts en France, il nous a semblé intéressant de mettre en ligne un passage sur ce sujet, abordé lors d’un débat entre plusieurs professionnels de l’industrie de la musique, que nous publiions dans le Tsugi 128 (Caribou) de décembre 2019.

Vous l’attendiez toutes et tous, le voici. Le grand débat 2019. L’occasion pour quatre artistes, des professionnels de l’industrie de la musique, de s’écharper, de se congratuler, de pleurer ou de rire ensemble ou séparément sur les sujets qui ont agité l’univers musical au cours des douze derniers mois. Le nom des heureux et heureuses élu.e.s ? La talentueuse productrice techno Calling Marian, lauréate des Prix des Inouïs du dernier Printemps de Bourges, l’audacieuse manageuse de Thylacine et label manager de Yotanka, Clarisse Arnou, l’efficient Thierry Langlois, fondateur du tourneur et agent d’artistes Uni-T et programmateur de nombreux festivals, et enfin l’électron libre et pop Chaton. Avec comme munitions, des gâteaux bios, quelques bonbons gélifiés transgéniques, des cafés équitables et des verres d’eau à la pompe. Le vin blanc sera pour plus tard.

« Pour un adolescent, les rappeurs sont les bad boys d’aujourd’hui. »

Comment expliquez-vous l’hégémonie actuelle du rap dans les charts en France ?

Chaton : Parce que c’est la musique la plus créative en ce moment.

Oui, mais cela suffit-il à expliquer une domination aussi écrasante, qui, quand on détaille les chiffres, n’a aucun équivalent dans l’histoire ni dans aucun pays ?

Thierry : Pour un adolescent, les rappeurs sont les bad boys d’aujourd’hui, ils sont l’équivalent des rockers des années 60. Ils sont attirés par le côté sulfureux.

Marianne : Peut-être, mais le rap qui marche le mieux aujourd’hui n’est pas toujours celui des bad boys.

Clarisse : La scène est très diversifiée et globalement extrêmement créative.

Clarisse Arnou

Chaton : Le niveau de créativité du rap actuel est très élevé et contrairement à une idée reçue, ce n’est pas une musique uniquement écoutée par des jeunes qui vont s’en lasser demain.

Marianne : Enfin moi, j’ai l’impression que ceux qui ont plus de 40 ans et qui écoutent du rap, c’est parce qu’ils travaillent dans l’industrie de la musique et qu’ils n’ont pas le choix.

Thierry : Ce n’est pas vrai, n’oublie pas qu’il y a eu NTM ou IAM, pleins de gens de plus de 40 ans écoutent du rap. Je crois aussi beaucoup à l’importance du texte en France. Et pas seulement dans le rap. Je produis les concerts de Pépite et c’est fascinant de voir le public chanter durant leur concert. Aujourd’hui, et c’est vraiment nouveau, dans les concerts, les gens viennent chanter ensemble. C’est aussi ce qui explique à mon sens le succès du rap, qui est basé sur le texte.

Marianne : C’est vrai que côté textes, le rap d’aujourd’hui est vraiment très efficace. Ce sont les prod trop calibrées qui me gênent.

« Aujourd’hui, et c’est vraiment nouveau, dans les concerts, les gens viennent chanter ensemble. C’est aussi ce qui explique à mon sens le succès du rap, qui est basé sur le texte. »

Chaton

Thierry : Ce qui est fascinant aussi avec le rap d’aujourd’hui, c’est la manière dont ils ont accéléré les circuits de productions. Il y a des beatmakers qui écrivent toute la journée et chaque artiste est capable de produire au moins deux albums par an. Ce qui prend beaucoup de place. On en arrive vite à une situation où tout le monde écoute ça.

Clarisse : C’est un effet boule de neige qui n’est sans doute pas sans danger. Plus la production est grosse, plus les gens l’écoutent, plus elle est exposée sur les plateformes et plus les gens passent d’un artiste à un autre tout en restant dans le même univers.

Thierry : On peut regretter aussi que malgré sa créativité, le rap ait encore du mal à livrer de véritable performance sur scène. Cela me manque vraiment.

Chaton : C’est aussi parce que les choses vont trop vite, des artistes qui n’ont jamais fait de scène de leur vie se retrouvent à remplir des Zéniths. C’est compliqué. Il ne faut pas oublier qu’Orelsan, que tout le monde adore, a quinze ans de carrière.

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