Turquie : DJ Mabbas parmi les 106 opposants arrêtés
La rue se soulève en Turquie, pour ne pas vivre une nouvelle dystopique. DJ Mabbas, chef du département culture de la municipalité d’Istanbul, est arrêté avec 106 opposants de Reçep Tayyip Erdoğan. Ces arrestations suivent celle du 19 mars inculpant Ekrem İmamoğlu, chef de l’opposition, pour « organisation et gestion d’un groupe criminel » et également « corruption ».
On pensait avoir tout vu. Que la musique pouvait survivre à tout. Les ravages du streaming, la gentrification des clubs, la mainmise des algorithmes sur les tendances musicales, et même un virus mondial qui a cloué les dancefloors au sol pendant deux ans. Mais il fallait encore compter sur un ennemi que l’on oublie trop souvent : un pouvoir autoritaire qui décide de couper le son. Murat Abbas, alias DJ Mabbas, directeur à la culture de la ville d’Istanbul, vient de se faire cueillir ce 19 mars.
DJ Mabbas, ce n’est pas qu’un selector alignant des tracks entre deux tasses de thé. C’est surtout en Turquie un homme politique qui a tenu la Culture. Depuis 2020, il dirigeait le département culturel de la municipalité d’Istanbul sous l’impulsion du maire Ekrem Imamoğlu, lui aussi incarcéré. Son crime : avoir soutenu une scène musicale souffrante, aidé des artistes pendant la pandémie, osé imaginer que la musique pouvait être autre chose qu’un décor sonore aseptisé pour les lounges des hôtels cinq étoiles. Aujourd’hui, il se retrouve enfermé comme 106 personnes proches du candidat de l’opposition au régime de Reçep Tayyip Erdoğan pour « corruption » et « terrorisme ».
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Depuis l’arrestation de DJ Mabbas et d’Imamoğlu, c’est tout un pays qui vibre sur un bruit sourd. Depuis plusieurs jours, les manifestations enflent pour atteindre près de centaines de milliers de personnes dans les rues. Plus de 1 400 personnes ont déjà été arrêtés, des journalistes sont sous le verrou et le régime à pousser le gain dans le rouge, fait saturer la démocratie.
L’histoire récente nous l’a montré : la musique underground, bien mixée avec la politique, peut devenir une force. De la techno de Détroit au punk londonien, des soundsystems de Kingston aux beats électroniques de la jeunesse iranienne, il y a toujours eu un son pour défier le pouvoir. La Turquie ne devrait pas faire exception. Parce qu’elle porte cette force presque magique : même quand on tente de la faire taire, elle finit un jour ou l’autre par revenir.
Un break. Un drop. Et ça repart. Reste à savoir qui chantera sur le prochain refrain.
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