© Jacob Khrist

Une nuit à Ibiza avec Sama’ Abdulhadi

Et si tout avait démar­ré à Ibiza en 2019 pour la DJ pales­tini­enne Sama’ Abdul­ha­di, incar­na­tion d’une tech­no engagée et ouverte sur le monde ? Elle nous raconte.

Arti­cle issu du Tsu­gi 156 : 100 per­son­nal­ités qui font bouger la musique 

Mon his­toire se déroule lors de l’IMS (Inter­na­tion­al Music Sum­mit) à Ibiza le 24 mai 2019. Cela a été une étape vrai­ment très impor­tante de ma vie. Les gens com­mençaient tout juste à enten­dre par­ler de moi et je ne com­pre­nais pas tou­jours ce qui se pas­sait à mon sujet. Je venais de ren­con­tr­er Ben Turn­er, celui qui allait devenir mon man­ag­er (qui s’occupe égale­ment de Richie Hawtin, ndr). Comme cadeau de bien­v­enue, il m’a offert un back-to-back avec Nicole Moud­aber. Sur le moment, j’ai pen­sé : “Ah oui c’est génial, je vais le faire.” Mais plus la date fatidique se rap­proche et plus je com­mence à stresser.

Trois jours avant le set, à l’hôtel à Ibiza, je suis prise d’attaques de panique et je n’arrive plus à dormir. Je suis avec mes deux meilleurs amis, je leur explique que je risque de ruin­er ma car­rière. Ils font ce qu’ils peu­vent pour m’aider à pass­er ce moment vrai­ment dif­fi­cile. Ils me sec­ouent : “Allez, bats-toi, tu en es large­ment capa­ble.” Toutes les heures, je télé­phone à Nicole en lui deman­dant : “Que va-t-on faire ? Que va-t-on jouer ?” Je suis totale­ment sub­mergée par mes émotions.

Arrive le grand jour. Je me con­cen­tre sur la musique que je vais pass­er. Puis je pars de l’hôtel pour me ren­dre à un shoot­ing, car je dois réalis­er des pho­tos de presse. Ensuite, on marche jusqu’à Dalt Vila, la ville haute d’Ibiza, un peu son cen­tre his­torique, où va se dérouler le set en plein air entre 20 h et 21 h. Mais il com­mence à pleu­voir très fort.

J’arrive trem­pée comme une soupe. C’est ma pre­mière ren­con­tre avec Nicole. Elle me dit : “Enlève ton blou­son sinon tu vas tomber malade.” C’est pour cela que sur la vidéo, on voit que je porte un blou­son rouge que m’a prêté un de mes potes. D’ailleurs, c’est devenu pour moi un vête­ment fétiche. Nicole, c’est ma DJ préférée et même avant que je fasse ce méti­er. En tant que raveuse, c’est la DJ que j’ai le plus sou­vent été voir jouer. Donc c’était très spé­cial pour moi quand Ben m’a pro­posé de jouer avec elle.

Avant le set, on com­mence par répon­dre à des inter­views ensem­ble. Elle est trop sym­pa avec moi, et je me sens un peu idiote comme une enfant le jour de Noël. Je suis telle­ment excitée. Le back-to-back est un exer­ci­ce que Nicole a beau­coup fait, mais jamais avec une incon­nue. Elle a écouté tous mes sets et elle a été tout de suite d’accord. Mais c’est une per­fec­tion­niste, il faut donc que je sois vrai­ment à la hau­teur, j’ai pré­paré toutes sortes de tracks. Sauf que j’ai l’habitude de jouer en B2B en util­isant des platines CDJ, mais là c’est via un con­trôleur par ordi­na­teur et je n’ai jamais fait ça ! Cela demande une autre con­cen­tra­tion. Je suis au max­i­mum du stress.

 

 

Finale­ment, on monte sur scène. La pluie s’arrête de tomber, le ciel est rose (tiens, on dirait le titre d’une chan­son, ndr). Et là, dou­ble attaque de panique, car je me rends compte que non seule­ment il faut que j’impressionne Nicole, mais je décou­vre devant moi Pete Tong, Adam Bey­er, Luciano, Mar­co Car­o­la, Ago­ria, Joseph Capriati et j’en oublie. C’est un peu comme si j’avais les Rolling Stones en face de moi. J’ai pen­sé : “Si ça marche, dans le futur, je pour­rai jouer avec toutes ces stars. Mais si je me plante, c’est ter­miné pour moi les gross­es scènes.” Deux sec­on­des avant de met­tre mon pre­mier track, tout mon stress s’en va, ter­minées les attaques de panique et cette sorte de syn­drome de l’imposteur que je peux ressentir.

Finale­ment, ce fut un moment extra­or­di­naire, d’ailleurs j’écoute encore tout le temps ce set, notam­ment si je me sens déprimée. Cela m’a con­nec­tée avec énor­mé­ment de DJs et je suis dev­enue vrai­ment très amie avec Nicole et d’autres comme Adam Bey­er. Pour la pre­mière fois, j’ai partagé la scène avec des dieux de la tech­no. Je dois aus­si avouer quelque chose : depuis un an et demi, j’ai un tatouage du logo Plas­tik­man dans le dos. Richie Hawtin est la pre­mière per­son­ne dans le milieu qui m’a soutenue, il m’a invitée partout. Donc main­tenant, quand je suis stressée de jouer, je regarde der­rière moi et je me dis : “Calme-toi, Richie Hawtin croit en toi.”

 

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