20 ans cette année : “Is This Desire?”, les multi-facettes électroniques de PJ Harvey

Automne 1998. On se remet gen­ti­ment du pre­mier album de Air et, alors que Lau­ryn Hill et “La Tribu de Dana” domi­nent les charts, PJ Har­vey fait son retour avec un qua­trième album, Is This Desire? Retour, oui, car plus de trois ans — 43 mois, pour être exact — ont passé depuis sa dernière sor­tie, l’ex­cel­lent To Bring You My Love. Un nou­veau pro­jet qui met du temps à voir le jour car la chanteuse bri­tan­nique s’y met à 100% : “Ça a peut-être été néfaste pour ma san­té” confie-t-elle à The Tele­graph.

La rou­tine ? Jamais. “Quand je tra­vaille sur un nou­v­el album, la chose la plus impor­tante est que je ne me répète pas” expli­quait PJ Har­vey à Rolling Stone en 2004, quelques mois après la sor­tie de son album Uh Huh Her. Si Pol­ly Jean Har­vey con­fie ne pas être sûre de réus­sir à chaque fois, elle l’a pour­tant bel et bien fait avec Is This Desire? six ans plus tôt.

Plus expéri­men­tal et élec­tron­ique grâce à son pro­duc­teur Flood, Is This Desire? est loin de faire l’u­na­nim­ité auprès des fans de la pre­mière heure. “No Girl So Sweet” est l’ex­em­ple par­fait de ces nou­veaux apports dès les pre­mières sec­on­des, tout comme les mélodies sat­urées du sin­gle prin­ci­pal “A Per­fect Day Elise” et le très som­bre “Cather­ine”. Au fil des titres, des touch­es élec­tro s’a­joutent aux riffs de gui­tare habituels, pour un résul­tat authen­tique et auda­cieux sub­limé par la voix de la chanteuse, entre chu­chote­ments à la “Down By The Water” et envolées aiguës.

Un fleuve, des nénuphars, des roseaux mais surtout une Pol­ly Jean dédou­blée : la pochette de Is This Desire? illus­tre bien cet album si par­ti­c­uli­er. A la lim­ite du concept-album, il dépeint une mul­ti­tude de por­traits de femmes. Dans chaque morceau, ou presque, la chanteuse prend la place d’une femme dif­férente, aus­si bien tor­turée que pleine de con­fi­ance. Une manière d’évo­quer dif­férentes par­ties de sa per­son­nal­ité ou un moyen d’ap­porter de l’empathie à des femmes qui n’y auraient pas for­cé­ment eu droit.

En effet, dès le pre­mier morceau, PJ Har­vey racon­te l’his­toire d’ ”Ange­lene”, une pros­ti­tuée faisant le réc­it de sa vie : “Love for mon­ey is my sin, any man calls I’ll let him in”. Les por­traits défi­lent, d’une “Cather­ine” soli­taire et isolée à son con­traire, assoif­fée d’am­bi­tions (“Shine on my own beau­ti­ful prayer, shin­ing on my own beau­ti­ful love”) dans “The Sky Lit Up”, au bijou d’é­mo­tion et d’in­ten­sité “The Riv­er” — encore plus mag­nifique en live — jusqu’aux des­tins funestes de “Joy” et Joe — qui se sui­cide dans sa cham­bre d’hô­tel — à la fin de “A Per­fect Day Elise”. Un jour par­fait, oui…

La mort se révèle être le thème récur­rent de l’o­pus : Is This Desire? Et si la mort était le désir ? Avec ces paroles d’une richesse et intim­ité incroy­ables, cette ambiance morose et noirâtre et ces instru­men­tales auda­cieuses sub­limées par une voix pure, on com­prend vite pourquoi PJ Har­vey qual­i­fi­ait cet album comme son préféré à sa sortie.

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Lire aus­si les autres épisodes de notre série “20 ans cette année” : Moon Safari de Air et Mez­za­nine de Mas­sive Attack.