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16 août 2018

20 ans cette année : « Ray Of Light », la transformation spirituelle et électronique de Madonna

par Simon Brazeilles

1998… L’époque où le streaming ne régulait pas encore le monde de la musique. Ainsi, après avoir débarqué sur les contrées nippones le 22 février, le nouvel album de Madonna – fêtant ses 60 ans aujourd’hui – baptisé Ray Of Light arrivait chez nous le 2 mars, avant une sortie américaine finalisée le lendemain.

Les paroles « J’ai échangé la célébrité contre l’amour sans arrière pensée, tout est devenu un jeu stupide, certaines choses ne peuvent pas être achetées » ouvrent l’album. Dans le clip de ce premier morceau « Drowned World/Subtitute For Love » – inspiré par le livre Le Monde englouti (The Drowned World) de James G. Ballard -, la superstar fuit les paparazzis. Passons outre la polémique entourant les similitudes avec l’accident de la princesse Diana, quelques mois après les faits, et concentrons-nous sur la dernière minute. La chanteuse rentre dans sa chambre d’hôtel, prend sa fille dans ses bras avant d’affirmer « Maintenant je constate que j’ai changé d’avis, c‘est ma religion ». Madonna Louise Ciccone fixe la caméra et tout prend sens. Après la naissance de sa fille Lourdes à la fin de l’année 1996, elle change de cap dans une démarche plus mature, plus affirmée. Sa voix plus grave, due à ses cours de chant pendant le tournage d’Evita la même année, renforce cet effet. Outre sa récente maternité, ses nouvelles pratiques de l’époque – son intégration au mouvement Kabbalah, ses études des religions hindoues et bouddhistes et sa pratique du Yoga Ashtanga – amèneront à appeler cet album celui de la « transformation spirituelle ».

Mais pour enregistrer ce disque unique de sa discographie, Madonna a eu recours à plusieurs producteurs, tous aussi différents que les autres. Elle commence tout d’abord par écrire avec ses anciens producteurs Babyface et Peter Leonard puis avec Rick Nowels – aujourd’hui principal collaborateur de Lana Del Rey. Le résultat est fructueux textuellement mais pas musicalement : elle se tourne alors vers le musicien anglais William Orbit, qui sera celui qui apportera le son électronique propre à l’opus. Connu pour ses tracks sombres entre ambient et trance sur sa série d’albums Strange Cargo, il est directement appelé par la chanteuse pour produire Ray Of Light. Le changement recherché est immédiat : l’Anglais pose sa patte sur la voix de la Madone, pour un rendu plus obscur et moins calibré pour les radios.

Après les sommets atteints dans les années 80 avec les classiques « Like A Virgin », « La Isla Bonita » et « Like A Prayer » entre autres, Ray Of Light est l’album qui ramène sa couronne à la reine de la pop. Alors que tout le monde s’attendait à un essoufflement et une fin de carrière en tant que mère de famille rangée, le premier single « Frozen » crée la surprise. Telle une sombre incantation spirituelle, il marque par son renouveau et par son clip montrant Madonna en sorcière vêtue de noir, réalisé par Chris Cunningham, alors connu pour ses collaborations sulfureuses avec Aphex Twin. Cependant, malgré son succès, « Frozen » n’arrivera jamais à la première place des charts, campée pendant des mois par « My Heart Will Go On » de Céline Dion.

Marquants pour leurs clips et significations, ces deux singles cachent une flopée de morceaux sous-estimés. Tout d’abord, les trois autres singles marquent tout autant, de l’émouvante ballade expérimentale « The Power Of Good-Bye » au brillant « Nothing Really Matters » taillé pour les dancefloors en passant par « Ray Of Light » et son rock électrique. Sur le reste de l’album, les thèmes familiaux forts s’enchaînent : la mort de sa mère (« J’ai senti sa chair brûlante, ses os pourris, sa décomposition, j’ai couru et j’ai couru, je fuis encore ») dans « Mer Child », son frère, mort d’une overdose d’héroïne en 1996 dans « Candy Perfume Girl » et sa fille dans « Sky Fits Heaven » et « Little Star ». L’apogée de la transformation spirituelle – ou plutôt, renaissance ? – arrivera pendant la prière hindoue « Shanti/Ashtangi », sur fond de techno vibrante. En même temps que sa fille, une nouvelle Madonna est née.

Ray Of Light sera d’ailleurs le premier album à offrir à Madonna un Grammy. En 1999, il remporte le prix de meilleur album pop, tout comme le titre éponyme est sacré meilleur enregistrement de dance et meilleur clip. Et bizarrement, après 16 ans de carrière, c’est cette année que Madonna joue pour la première fois à la cérémonie. Comme une prémonition. Vêtue du fameux kimono rouge Jean-Paul Gaultier du clip, elle se livre à une performance de « Nothing Really Matters ». Soyons honnêtes, c’est bien plus beau que son show à la mi-temps du Super Bowl en 2012.

Vendu à 20 millions d’exemplaires, ce septième album a été source d’inspiration pour beaucoup d’artistes. D’Iggy Pop à Snow Patrol, ils sont nombreux à avoir effectué des reprises à l’occasion de divers événements. De son côté, Adele a récemment avoué « Vous savez ce que j’ai trouvé génial avec ce disque ? C’est celui que Madonna a écrit après avoir eu son premier enfant, et pour moi, c’est le meilleur. Moi je partais dans tous les sens après avoir eu mon bébé, juste parce que mes hormones étaient au max ou des trucs comme ça… Je partais à la dérive, et je n’arrivais pas à trouver des exemples d’artistes où je me disais « Putain, elles sont vraiment redevenues elles-mêmes » jusqu’à ce que quelqu’un me dise « Si, évidemment, Ray of Light« . La preuve que, vingt ans après, Ray Of Light brille encore. Évidemment.

En écoute :

Lire aussi les autres épisodes de notre série “20 ans cette année” : Moon Safari de Air, Mezzanine de Massive Attack, Is This Desire? de PJ Harvey, Moon Pix de Cat Power et Aquemini d’OutKast.

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