Profitez-en, car cette semaine est placée sous le signe de la quantité. On s’est dit qu’il fallait vous partager le plus de musique possible. Alors on a préparé nos oreilles, appuyé sur « play » et passé de -plus ou moins bons- moments avec André 3000, Eddy de Pretto, ANGILINAZULI, Charlotte Cardin, BLANCO VERDE, EG, Jaakko Eino Kalevi, Waajeed, Structures et Trunkline.
André 3000 – New Blue Sun
C’est le retour du gémeau originel. Certains ont pu être surpris de voir que la moitié du légendaire Outkast allait sortir un album, 17 ans après, son premier en solo. Dans le même temps, tous ont été étonnés de voir qu’il s’agirait d’un album d’instruments à vent. Reste à comprendre qu’il s’agit de bien plus. Déjà responsable de l’instrument pour la BO du film A24 Showing Up (dans lequel il joue également) en 2022, André 3000 invite ici à découvrir la continuité de son existence artistique. Les titres de la tracklist ne sont pas là pour aider, mais ils représentent les seuls mots de l’artiste à propos de son état d’esprit. « I swear, I Really Wanted To Make A « Rap » Album But This Is Literally The Way The Wind Blew Me This Time » dit-il, seulement pour le premier morceau. Le reste n’est qu’un jeu de textures surprenant, au sein duquel les mélodies sont innombrables et évoluent continuellement. C’est naturellement qu’elles en deviennent des paysages de relaxation pure, allongées par les souffles.
Mais il ne s’agit pas seulement de flûte : André 3000 est ici accompagné d’un spectre de musiciens, des percussions aux synthés. New Blue Sun est ce genre de choix qu’on n’a pas décidé, mais qui nous fait finalement adorer un certain altruisme. Même après près de 20 ans d’ »absence ». Même si nouveau dans son propre registre, il rejoint les prises de parole personnelles des plus importants musiciens de notre génération. À la manière d’un 4:20 de Mike Dean, ou d’un Mythologies de Thomas Bangalter. Aujourd’hui, vous n’aurez pas rêvé meilleure nature. Plongeons ensemble.
Eddy de Pretto – Crash Coeur
Dis-moi comment tu aimes, je te dirais qui tu es. C’est d’un air purement déterminé qu’Eddy de Pretto, personnage bloqué entre vitesse et tendresse, raconte sa vision de l’amour sur son dernier album. Malgré la complexité du sentiment, c’est peut-être l’un des exercices les plus simples pour le docteur en sciences humaines, qui cite les meilleurs architectes de sa personnalité sur l’introduction « R + V » : Verlaine, Rimbaud, RuPaul… Il le fait avec le recul qu’il faut, sans tomber dans une naïveté mièvre. Un éventail large qui n’ouvre ses portes électro, funk, pop, chanson française, parfois rap, qu’à Juliette Armanet pour le long baiser de « eau de vie ».
ANGILINAZULI – ANGILINAZULI
Imaginez faire les scènes de festivals comme le Printemps de Bourges ou We Love Green, et en arriver à construire le premier projet commun entre deux rappeuses françaises depuis l’émergence de ce style. C’est ce qu’Angie, fille du rap et du RnB, et Lazuli, maîtresse d’une esthétique club baile funk, reggaeton et trap, ont fait. ANGILINAZULI se trouve être un beau terrain de jeu pour les deux artistes, qui s’essayent à des expériences drill, reggaeton et rap. Un EP unique où le duo ne prétend rien de plus que le fait de s’amuser, et ça kicke vraiment bien. ANGILINAZULI ne refait pas le monde, mais leurs histoires personnelles et leurs messages positifs font de ce projet bien plus qu’une simple expérience musicale. C’est un premier pas.
Charlotte Cardin – 99 Nights (Edition Deluxe)
Changement d’environnement pour Charlotte Cardin, qui prend désormais le soleil et profite de l’occasion pour sortir la version deluxe de son dernier album, 99 Nights (dont on a fait la chronique originale). La grosse surprise, c’est qu’on y retrouve Laylow pour « Real Love » : un morceau à la production énigmatique qui, paradoxalement, nous procure un goût d’achevé vis-à-vis du disque. Mais aussi une d’autant plus grande attente quant au retour du rappeur technologique.
BLANCO VERDE – People Places Feelings
Corps en France, esprit au Royaume-Uni. C’est de là-bas que, pour sa nouvelle odyssée hors du temps, l’artiste tire sa création. People Places Feelings est plein de bonnes idées. Prenez-le comme un hommage à la création musicale : celle qui voit le UK Garage, la techno, le UK breaks, la house, l’ambient et la bass music se confronter dans une atmosphère club à laquelle il est dur de résister.
EG – Unexpected Journey
Il est vrai que ce voyage était assez inattendu, autant pour nous, auditeurs, que pour EG. Cette architecte de formation en est venue à dessiner les traits de ses découvertes personnelles. Décidé comme tel, chaque morceau de ce projet emmène la productrice à explorer un tournant précis de sa vie. « Right From Wrong » nous projette dans son enfance avec des éléments hip-hop et une touche de deep house old-school, quand « Interlude » crée le lien entre les deux carrières que la désormais DJ et productrice a pu vivre.
Jaakko Eino Kalevi – Chaos Magic
Le Sébastien Tellier finlandais. La comparaison, comme toutes celles de cet acabit, est forcément réductrice, paresseuse, sujette à caution, mais pas totalement absurde. Ils furent quelques-uns à l’écrire il y a huit ans, au moment où sortit chez Domino le premier album de Jaakko Eino Kalevi, ancien chauffeur de tram à Helsinki lancé dans la musique sur le tard, à 31 ans. Un dandy à cheveux longs, à la voix grave et au charisme singulier, produisant une musique pop analogique avec du groove, facile mais exigeante : il y avait de quoi trouver des liens, d’autant plus que l’intéressé citait le Français comme une référence. Huit ans et un autre album plus tard, ces similitudes sont toujours d’actualité, mais plus que le look ou le style musical, le point commun le plus intéressant entre les deux artistes est sans doute l’aspect un peu hors du temps de leur musique, qui puise son inspiration de façon assez évidente dans les années 1970-1980 (plus 70s pour Tellier, plus 80s pour Jaakko), sans pour autant sonner rétro, passéiste ni donner l’impression d’être dans une volonté de remise au goût du jour […]
Suite de la chronique de l’album du mois à découvrir dans le nouveau Tsugi 165.
Gérome Darmendrail
Waajeed – Memoirs Of Hi-Tech Jazz – Remixes
Lettre d’amour à la ville de Detroit, Memoirs Of Hi-Tech Jazz, troisième album de Waajeed, résonnait des influences de la ville, de Motown au jazz, en passant par la techno et le hip-hop de J Dilla. Surprise, son EP de remixes gomme tout Groove un peu chaloupé : Mark Broom déroule une techno solide, Jensen Intercepter & Assembler Code coulent un bloc de béton électro, quand le Ghanéen Yazzus envoie une house en surdose de stéroïdes. Costaud.
Structures – A Place For My Hate
Passé par le tremplin de Rock en Seine (Club Avant Seine) en 2020, après avoir fait du bruit avec un premier EP, Structures revient de mauvaise humeur. Il faut dire que le duo amiénois, dont les références (Nine Inch Nails, Deftones, Nirvana), comme les chansons, sentent les années 1990 et le punk-indus, annonce la couleur avec un album intitulé A Place For My Hate. Inspirés par l’adolescence de ses deux membres, Pierre Seguin et Marvin Borges-Soares, les titres y dévoilent une chair à vif, évoquant les ruptures (« Cold Touch ») et un mal-être (« Attitude ») dans la droite lignée du mythe du poète maudit […]
Suite de la chronique à découvrir à la dans le nouveau Tsugi 165, et interview à retrouver ICI.
Valentin Allain
Trunkline – Work Dat Ass EP
Pas besoin d’affoler le compteur de BPM, de monter à 180 et de donner dans la fast techno pour impressionner son auditoire. Madben et Yann Lean, aux commandes du projet Trunkline, l’ont bien compris. Un an après l’album Mercy, les deux compères estomaquent avec les quatre titres de l’impressionnant Work Dat Ass EP, entre breaks massifs (« Break »), électro énervée (« New Place »), indus (« Mega ») et ghetto-tech de rave (l’étonnant « Work Dat Ass »). Lourd.