Olkan & La Vipère Rouge, vibrations méditerranéennes | INTERVIEW
On les a pris en pleine face à La Clusaz, sur la scène survoltée du Radio Meuh Circus Festival. Le duo Olkan & La Vipère Rouge balance une musique électronico-méditerranéenne aussi intense que poétique. Saz branché, grosses basses, souvenirs d’enfance et deuxième EP : leur musique fait danser les corps autant qu’elle remue les mémoires. Interview (en bas des pistes).
D’où vient le nom ‘Olkan & La Vipère Rouge’ ?
Olkan : Olkan, c’est mon prénom, que j’ai utilisé dans un ancien duo électronique. J’ai décidé de le garder pour une forme de continuité, une manière de garder une identité reconnaissable. Surtout pour ceux qui m’ont suivi depuis ce temps-là.
La Vipère Rouge (Mattis) : Pour ‘La Vipère rouge’, c’est un clin d’œil à un ancien groupe punk qu’on avait ensemble qui s’appelait ‘Vipères Sucrées Salées‘. On délirait à l’époque en s’inventant des noms d’animaux sur une île imaginaire… et ‘Vipère Rouge’ est resté. Il n’y a pas de signification profonde, mais c’est un clin d’œil affectif à notre parcours commun et à nos délires passés.
Comment est né le duo ?
Olkan : On se connaît depuis le lycée. On a commencé à faire de la musique ensemble à cette époque-là.
Après avoir bossé avec Jarl Flamar, DJ et multi-instrumentiste, j’avais envie de refaire un duo. C’est tombé au moment où Mattis était dispo. J’apportais mes influences du Maghreb et de Turquie, lui venait avec son énergie de chanteur et son bagage punk. Le mélange a pris naturellement, par hasard au début, mais on a très vite senti qu’il y avait un truc fort.
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Vous décrivez votre musique comme de la ‘musique électronique méditerranéenne’. Qu’est-ce que ça signifie pour vous ?
Olkan : On a surtout utilisé ces termes pour les programmateurs-trices (rires). Car il est assez large pour englober notre approche musicale, qui mêle plusieurs cultures. On s’inspire beaucoup des musiques traditionnelles turques, kurdes, maghrébines ou encore syriennes. Et on y injecte des sonorités électroniques, tout en gardant une manière très française de chanter.
La Vipère Rouge : On utilise des instruments comme le saz (turc) ou le bouzouki (grec), très connotés culturellement, en les sortant de leur contexte traditionnel. C’est cette fusion qui fait notre identité.
Quelles sont vos influences musicales ?
Olkan : On écoute beaucoup de choses, mais je citerais Walter Astral : surtout pour l’approche live et le mélange électronique/instruments. Et niveau saz, je m’inspire beaucoup de la musique turque des années 1980.

© Gwen Gaudy
Justement, le saz électrique est central dans vos productions. Qu’est-ce qui vous a mené vers cet instrument ?
Olkan : Le saz est un instrument qui a une identité sonore, une résonance presque hypnotique. Il se marie super bien avec des textures électroniques parce qu’il est très rythmique et peu chargé harmoniquement, ce qui laisse de la place pour les basses. C’est un pont entre l’acoustique et l’électronique, entre tradition et modernité.
Votre premier EP Basse Ville rend hommage à votre quartier à Romans-sur-Isère. En quoi cet endroit vous a-t-il marqué ?
Olkan : Basse Ville, c’est le quartier historique de Romans, là où on a grandi. C’est là qu’on a passé nos journées, nos nuits, nos délires entre potes. C’était important pour nous de lui rendre hommage. On a intégré une carte médiévale de la ville dans le projet, pour créer un pont entre nos souvenirs et nos origines. Ce mélange nous résume bien.
Votre deuxième EP Hyper Moknech, est présenté comme un road trip à bord d’une ‘Renault Gordini‘. Qu’est-ce que ça raconte ?
La Vipère Rouge : Hyper Moknech, c’est un voyage intime à travers notre ville et nos souvenirs. On y met plein de clins d’œil personnels : des noms de morceaux comme ‘Najib‘, ‘Souleymane‘ ou ‘Moknech Airlines‘ correspondent à des gens qu’on connaît, des histoires qu’on a vécues. La Renault Gordini, c’est une référence à une vieille blague de mon père. C’est un fil rouge à travers l’EP, comme si on traversait Romans en voiture, avec tous nos souvenirs en bande-son.
De nouveaux instruments font leur apparition sur cet EP. Pourquoi maintenant ?
Olkan : On a intégré le bouzouki sur ‘Renault Gordini’. C’est un instrument que j’avais envie d’essayer depuis un moment, notamment après l’avoir découvert via Johan Papaconstantino. Il y avait un potentiel de créer une passerelle entre son univers et le nôtre, avec ce mélange de chanson française, d’électronique et d’instruments traditionnels. J’ai appris à en jouer et on l’a intégré naturellement dans la production.
Comment se passe votre processus de création en studio ?
La Vipère Rouge : On bosse principalement à distance : Olkan vit à Marseille et moi à Lyon. Chacun fait des démos de son côté. C’est souvent lui qui propose une base, et j’écris rapidement un texte dessus pour voir ce que ça donne. Puis on affine ensemble et quand on sent que ça tient la route, on se retrouve pour des sessions de répétition et de finalisation. Ce n’est pas évident, mais ça fonctionne bien pour nous !
Vos textes oscillent entre poésie urbaine et imagerie onirique. Comment écrivez-vous ?
La Vipère Rouge : Ça dépend beaucoup des morceaux. C’est parfois très instinctif, comme une écriture automatique presque intuitive, pour trouver une phrase qui sonne bien. D’autres fois, je prends le temps de construire une histoire, comme dans ‘Renault Gordini’ ou ‘Crocodile Logo‘, où il y a un vrai fil narratif. Je pense que l’un des moteurs est d’installer un décor et de faire vivre des situations, que ce soit très imagé ou plus brut.
Est-ce que vous vous verriez aborder des thèmes plus politiques, engagés dans vos textes ?
La Vipère Rouge : On est engagés dans nos vies, mais la musique n’a pas encore été notre espace pour ça. Ce n’est pas un choix délibéré de rester en retrait mais, jusqu’ici les morceaux sont plus centrés sur nos histoires : nos potes, nos galères. Ceci dit, le simple fait de mêler des cultures, de parler de migration, de quartiers, peut déjà être perçu comme une forme d’engagement. « Crocodile Logo » par exemple, parle d’un personnage qui arrive en France, donc ça dit des choses.
Olkan : Les textes représentent nos réalités. Quand je parle de Najib ou Souleymane, c’est un hommage sincère à des gens qu’on aime. C’est une forme de récit engagé, mais dans une approche personnelle.
Certains morceaux laissent beaucoup de place à l’instrumental. Est-ce une volonté ?
Olkan : Oui. Le live est pensé comme un vrai set électronique, avec des montées, des moments de tension, des drops. On veut garder ce côté très sensoriel, immersif. Il y a peu de pauses, comme en club, même si on laisse aussi de la place à la voix.
La Vipère Rouge : Au départ, c’était un projet de basse, d’électronique et j’ai ajouté de la voix dessus. Entre les deux EP on a compris que ce qui marchait bien, c’était les morceaux plus structurés, plus pop parfois. Alors on a retravaillé notre formule dans ce sens, sans perdre notre identité électronique avec les influences méditerranéennes.
Comment définiriez-vous votre identité artistique aujourd’hui ?
La Vipère Rouge : On veut faire danser les gens, les faire vibrer, mais aussi raconter des histoires. Parfois drôles, parfois touchantes, toujours ancrées dans notre réalité. C’est une musique de fête, mais avec un fond plus intime, plus quotidien. On vient de milieux simples, et on veut transmettre ça avec humour, poésie, et énergie.
Justement à La Clusaz, le public était à fond. Comment préparez-vous vos lives ?
La Vipère Rouge : On travaille les transitions, le rythme du live. On réfléchit même à nos interventions au micro, même si beaucoup de choses restent spontanées. Les blagues entre nous, c’est naturel, ça vient de notre complicité. Les gens le sentent et ça crée une belle énergie.
Olkan : Parfois c’est aussi un moyen de masquer les galères techniques (rires). À La Clusaz, on ne s’entendait pas du tout sur scène, alors on blaguait non-stop. Ça a mis tout le monde à l’aise. On apprend à mieux structurer nos sets, à garder l’énergie sans partir dans tous les sens. C’est un vrai apprentissage.
Des projets à venir ? Un troisième EP, un album ?
Olkan : L’idée, c’est de sortir un album. Ce serait la prochaine grosse étape, mais pas pour tout de suite : on vise plutôt 2026. Là, on veut prendre le temps, tourner, peaufiner le live. On a sorti deux EP en deux ans, donc c’est bien aussi de ralentir un peu. Mais on prévoit de balancer quelques singles avant l’été.
Et des collaborations rêvées ?
La Vipère Rouge : Lacrim et Vianney (rires)
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