Nick León, Surusinghe, Le Diouck… les sorties de la semaine

par | 28 06 2025 | chronique

Un vendredi et une nouvelle salve de « sorties ». On avait hâte. Alors pour célébrer tout ça, on retrouve au programme : Nick León, Hologram Lo’ x Jungle Jack, Le Diouck, Durand Jones & The Indications, Surusinghe, late night drive home, Iris2000, La Nuit Américaine, Bruce Springsteen… et un peu de Patrice Bardot.

Nick León – A Tropical Entropy

Sur les ondes moites et lumineuses de Miami, Nick León débarque avec A Tropical Entropy, son premier album solo, aussi torride que tordu. En 33 minutes, le producteur de Broward County pose un miroir tremblotant devant sa ville natale, faite de béton qui respire et de nuits qui transpirent. Entre dembow mutant, pop brumeuse et rythmiques qui fondent comme du bitume sous le soleil, León capture l’essence trouble d’un paradis artificiel.

A Tropical Entropy, c’est la bande-son d’un club fantôme où l’euphorie flirte avec l’anxiété. « R.I.P. Current » percute comme une vague en pleine nuit, « Metromover » glisse sous l’eau, et « Product of Attraction » te laisse « ivre mort » en transe au petit matin, regard flou et cœur qui saigne. Chaque morceau surgit, se dérobe, se transforme, comme les reflets sur les façades vitrées d’un Miami en transe.

Pas vraiment un disque de fête, pas tout à fait un disque de chambre : Nick León fait danser les paradoxes avec une élégance nerveuse. A Tropical Entropy est un baiser humide entre la chaleur, le vertige, et le besoin urgent de s’échapper.

Hologram Lo’ & Jungle Jack – CREAMLAND

Hologram Lo’, producteur insaisissable du paysage rap français, artisan des disques d’Alpha Wann ou de Nekfeu, s’associe ici à Jungle Jack remarqué en 2021 par son album JUNGLE DES ILLUSIONS VOL.1. Ensemble, il nous ouvre les portes de CREAMLAND. Dans cet univers, le boom bap règne avec flegme et nonchalance alors que chaque titre semble vouloir changer les règles du jeu sans prévenir.

Le duo se plie à l’exigence de cet endroit à « LA CRÈME DE LA CRÈME ». Hologram Lo’ y étire ses textures, déconstruit ses beats, convoque des samples pour construire des paysages instables. Jungle Jack, lui, y promène son goût des bonnes choses — cognac, plats raffinés, rimes soyeuses. C’est du rap de flâneur exigeant, où le luxe devient un mot. On croise des figures familières : Alpha Wann, Huntrill, Lesram, Nucky Thompson, comme des personnages secondaires de cet open world. CREAMLAND ne cherche pas à séduire, il impose son monde. Et ça vaut le coup d’y faire un détour.

Le Diouck – Grace Joke

Le Diouck débarque solo avec Grace Joke et autant vous dire : c’est pas une blague, c’est un uppercut. Quatre ans à mûrir un album comme on distille un élixir, et le résultat ? Une potion sonore afro-rock-funk, un feu d’artifice multilingue où le wolof flirte avec l’anglais et le français dans un souffle brut. Plus qu’un disque, Grace Joke est une catharsis, un coming out émotionnel, une traversée intime rythmée par des beats qui transpirent la scène.

On y entend les cicatrices, les mentors (salut Bonnie Banane), les potes de galère et d’extase (Lala &ce, Lewis OfMan…), et surtout l’élan, ce mot-fusée qui l’anime depuis toujours. Grace Joke, c’est l’album d’un mec qui a tout lâché : le dessin, les faux-semblants, les freins intérieurs. Sur Grace Joke, on le retrouve en wolof, en français, en larmes parfois, mais toujours avec panache. Performeur dans l’âme, Le Diouck livre ici un projet qui palpite, qui vit, qui saigne. Bref, de la grâce et de la blague – c’est libre, habité et perforant.

Durand Jones & The Indications – Flowers

Fleurs, mais pas fanées ! Avec Flowers, Durand Jones & The Indications nous baladent entre le bar crooner et le verger, un pied dans la soul rugueuse des racines, l’autre dans le groove soyeux des pistes disco. Ça sent le cuir vieilli, la sueur des ballrooms et le parfum d’un slow moite à minuit. Exit les paillettes trop lisses de Private Space, sorti en 2021. Ici, c’est le cœur qui parle, la vibe qui transpire.

Le falsetto d’Aaron Frazer caresse, pendant que Durand Jones cogne au plexus. Une soul qui a vécu, qui aime, qui doute, mais qui danse encore. Comment de pas succomber à l’écoute de « Been So Long » ou l’art de faire rimer retrouvailles et mélancolie funky ? Les paris sont lancés !

Surusinghe – i can’t remember the name of this, but that’s ok

Surusinghe confirme avec i can’t remember the name of this, but that’s ok qu’elle est un nom à ne pas oublier de la scène club UK. Cofondatrice de la plateforme Drifting, sa musique défend une approche engagée du clubbing. Avec pour moto la « diversité musicale », l’EP passe avec aisance d’une techno tendue et à une bass music incisive, du groove mécanique et tranchant de « FTRW! » à la profondeur mentale et tortueuse de « Wolfgang ».

Les collaborations, notamment avec Rhyw et Kassie Krut, apportent des textures scintillantes et un flow envoûtant qui renforcent la richesse du projet. Co-produit avec Cameo Blush, ce disque est pensé pour les dancefloors, mais dévoile aussi une subtilité rare, évitant les clichés faciles du son de club.

La Nuit Américaine – Nuit Américaine

La Nuit Américaine, c’est un duo français qui réussit à créer l’illusion d’une nuit en plein jour — littéralement. Entre sonorités électroniques, new wave sentimentale, Louise et Gauthier se lancent dans un voyage pop et spatial, là où les fêlures brillent plus que les certitudes. Leur premier EP, Nuit Américaine, est un cosmos suspendu : cinq morceaux traversés de synthés brumeux et de mélodies qui donnent envie de lâcher tout ce qu’il y a sur son cœur. Fan de musique de film — ou qui sait, producteur — Nuit Américaine est peut-être la BO pour rentrer seul·e, danser doucement ou disparaître dans le flou. Un beau film français, finalement. Et celui-là est signé La Nuit Américaine.

late night drive home – as i watch my life online

Comment vous regardez votre vie en ligne ? late night drive home l’écoute maintenant et en streaming grâce à son premier album : as i watch my life online. Ces gamins biberonnés à l’ère numérique, dissèquent avec une audace rafraîchissante notre aliénation aux écrans. Entre hymnes indé d’un autre temps et explorations psychédéliques, le quatuor d’El Paso ne se contente pas de poser un diagnostic : il nous plonge au cœur de la folie numérique d’une génération et de ses tourments.

La bande débranche tout pour plugger amplis et guitares. Le reste se fait au rythme d’entêtants riffs. Quoi de mieux pour se reconnecter à nous-mêmes, au-delà des profils parfaits et des vies fantasmées ? Rien d’autre, peut-être as i watch my life online qui nous convaincrait d’échanger nos ordis et nos smartphones pour un bon vieux téléphone à clapet.

Iris2000 – Jouer au paradis

Iris2000 fait partie du girls club de la pop/variété francophone. Pourquoi se risquer à une « autre » alors qu’on pourrait écouter iliona ou Yoa ? Parce que Iris2000 apporte au genre une fraicheur nouvelle. L’expérimentation est là. Elle n’hésite pas à distordre sa voix pourtant si feutrée. La prod n’attend pas une envolée lyrique pour prendre toute sa place.

L’attention au son et les thématiques se démarquent. Virginie Despentes, jeux vidéo et anime : tout un programme teinté d’humour et de sensibilité. Pour, pourquoi pas, Jouer au paradis avec comme soundtrack « Rooftop » ou « Jam West ».

Bruce Springsteen – Tracks II : The Lost Album

Ce jeudi 26 juin, Tsugi fêtait au Trabendo le départ à la retraite de Patrice Bardot, rédacteur en chef de Tsugi Magazine. Musiques, sourires et discours étaient de la partie. Au cours de la soirée, on a découvert une passion secrete de notre directeur des rédactions : Bruce Springsteen. Et oui pourquoi pas.

À croire qu’ils étaient de mèches. Bruce exhume aujourd’hui sept albums perdus, enregistrés depuis les années 1980. En tout 4h45 d’écoutes, de quoi bien occuper Patrice pour récupérer de cette folle soirée.