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© Illustration : Marc Poitvin pour Tsugi
9 novembre 2022

🌿 Plus verte la free : comment faire une teuf écolo ?

par Antoine Gailhanou

Comment faire une teuf écolo ? Si la conscience écologique semble largement partagée dans le mouvement des free parties, l’attention à l’environnement reste variable d’une teuf à l’autre. L’impact nul n’existant pas, le plus important reste encore de savoir trouver le bon lieu.

Les annĂ©es passent, l’image reste. Après plus de trente ans, les raves ont toujours mauvaise presse. Et aux reproches habituels de nuisance sonore ou de dĂ©gradation de lieux s’en ajoute un, plus contemporain : les free parties menacent la biodiversitĂ© locale. Un reproche lĂ©gitime ? C’est notamment ce que semble suggĂ©rer un communiquĂ© publiĂ© le 27 juillet 2021 par les associations Bretagne Vivante et le Parc Naturel RĂ©gional d’Armorique. En plein Ă©tĂ© et avec le recul de la pandĂ©mie, la fĂŞte battait son plein en Bretagne. Y compris dans des lieux protĂ©gĂ©s, comme les bords du lac de Brennilis dans le Finistère, oĂą nichent « les dernières populations de la rĂ©gion de courlis cendrĂ©s, de busards Saint-Martin ou encore de busards cendrĂ©s Â». Des espèces menacĂ©es, et dont la nidification au sol a Ă©tĂ© dĂ©rangĂ©e par des fĂŞtes rĂ©pĂ©tĂ©es, soulignent les associations. Celles-ci « demandent conjointement Ă  l’État de prendre les mesures qui s’imposent Â». Un ton dur, tempĂ©rĂ© lorsque nous contactons l’association Bretagne Vivante : « On n’a rien contre les gens qui viennent taper du pied en rave party, mais c’est toujours frustrant de voir des efforts de plusieurs annĂ©es effondrĂ©s en un week-end. Â» Avant de poursuivre: « Notre but n’est pas tant de montrer du doigt les raves, mais de dire que la frĂ©quentation de sites protĂ©gĂ©s a un impact. Â» Cela n’empĂŞche pas l’association d’attendre des organisateurs de free parties qu’ils prennent leurs responsabilitĂ©s : « La plupart sont du secteur, ils savent que ce sont des sites protĂ©gĂ©s. Â»

 

Nettoyer, encore et encore

Repris par l’AFP, ce communiquĂ© n’a pas manquĂ© de faire rĂ©agir les mĂ©dias locaux. Mais cette stigmatisation facile, Ă  laquelle les teufeurs sont habituĂ©s, n’attĂ©nue pas le fond de cette critique. Robin DK, organisateur de free depuis cinq ans, l’assure: « Il ne faut surtout pas entrer dans le face-Ă -face avec les associations Ă©cologistes, parce qu’on dĂ©fend les mĂŞmes idĂ©es. Â» Pour lui, la conscience Ă©cologique est forte parmi les teufeurs. Il y a, forcĂ©ment, toujours un impact, mais selon lui, « s’il y a quelqu’un Ă  blâmer, ce ne sont ni les teufeurs ni ces assos, mais le fait qu’il n’y a pas assez de lieux pour faire des fĂŞtes en toute sĂ©curitĂ© Â». Il estime Ă©galement que ces critiques restent marginales « par rapport au nombre de fĂŞtes qui se tiennent Ă  l’annĂ©e en France Â». La bonne volontĂ© des participants ne fait aucun doute Ă  ses yeux. Il en veut notamment pour preuve cette règle ancestrale de « laisser le site encore plus propre qu’en arrivant Â». Certes, elle existe Ă©galement pour des questions d’image, notamment auprès des propriĂ©taires des lieux. Il n’empĂŞche que cet Ă©tat d’esprit est connu de tous, y compris de l’association Bretagne Vivante, qui estime ainsi : « Si on peut mettre des sacs-poubelles partout, on peut probablement donner d’autres consignes Â», plus poussĂ©es.

 

« Il y a une envie de limiter l’impact sur l’environnement, mais il y a avant ça la volontĂ© d’éviter d’être saisi Â»

 

C’est au fond ce que pense Ă©galement la jeune association Unisonord, active sur la prĂ©vention des risques en teuf (sur le modèle de l’historique Techno+). L’organisme sensibilise tant sur l’usage de drogues ou les violences sexuelles que l’environnement. Ainsi, le 25 juin, elle organisait une journĂ©e de nettoyage des terrils (ces collines de charbons nĂ©es des mines, considĂ©rĂ©es comme patrimoine local) d’HĂ©nin-Beaumont, rĂ©gulièrement salis par les passants. « On stocke notre matĂ©riel pas loin, explique Antonio, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral, donc ça nous semblait naturel de faire cet Ă©vènement. Â» La journĂ©e a rĂ©uni une centaine de personnes pour ramasser, en musique, environ 150 kilos de dĂ©chets. Fuir les sites protĂ©gĂ©s L’association Unisonord tente de prolonger cette mentalitĂ© dans ses fĂŞtes, par la distribution de sacs-poubelles, l’installation de cendriers, et surtout une grande attention au site choisi. « On utilise GĂ©oportail, une carte en ligne indiquant tous les sites protĂ©gĂ©s de France, qu’on Ă©limine ainsi d’emblĂ©e Â», quitte Ă  repousser une fĂŞte le temps de trouver un lieu propice. Antonio regrette que tout le monde ne fasse pas ces efforts. « Il faut bien comprendre qu’il y a Ă©normĂ©ment de sound systems en France, de tailles très diverses Â», et avec plus ou moins d’expĂ©rience dans l’organisation. Un constat partagĂ© par Robin, qui insiste sur l’importance de « la communication entre nous, la transmission d’informations, la formation Â». L’association Bretagne Vivante abonde : « Ă‡a ne coĂ»te rien de se renseigner, et les associations locales sont aussi lĂ  pour ça. Â»

 

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Mais au-delĂ  des limites internes au mouvement, ce type de bonne volontĂ© subit un important frein: la rĂ©pression policière. « Il y a une envie de limiter l’impact environnemental, mais il y a avant ça la volontĂ© d’éviter d’être saisi Â», explique Robin. Car si organiser une teuf sur un site protĂ©gĂ© peut donner lieu Ă  une forte amende, celle-ci pèse bien peu face Ă  la perte de matĂ©riel, voire les violences graves comme Ă  Redon ou Nantes. Pour Robin, « si la rĂ©pression cessait, les organisateurs pourraient mieux se prĂ©occuper du choix du lieu Â». Un souci Ă©galement bien compris par l’association Bretagne Vivante, qui souhaite surtout « que les organisateurs puissent avoir des lieux vraiment adaptĂ©s Â». Robin se montre mĂŞme très optimiste, la free reprĂ©sentant pour lui un modèle alternatif, pouvant incarner une forme de dĂ©croissance. Lui qui est par ailleurs technicien dans le monde du spectacle affirme que « mĂŞme s’il y a beaucoup Ă  redire sur les vĂ©hicules ou les gĂ©nĂ©rateurs, je vois bien qu’à frĂ©quentation Ă©quivalente, une free consomme largement moins qu’un concert classique Â», bien qu’il n’ait pas de chiffres pour le certifier. La free party Ă  l’avant-garde de l’écologie ? Cela reste plus facile Ă  dire qu’à faire.

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