Ce sont quatre jeunes gens dans le vent qui proposent une power pop aux accents rock. After Geography a dévoilé son album A Hundred Mixed Emotions, fait de dix chansons aussi tendres que terriblement efficaces. L’occasion pour Tsugi de leur poser quelques questions, histoire d’en savoir un peu plus sur le quatuor lyonnais.
Il y a dans les chansons de A Hundred Mixed Emotions une approche directe, des harmonies vocales quasi-irrésistibles, mais aussi de l’orfèvrerie dans la production. La filiation semble évidente dès qu’on écoute leurs premières chansons : on entend l’influences des Beatles. Bien que flattés par la comparaison, ils plaisantent quand on leur parle de cet article qui les présentait comme les « futurs nouveaux Beatles ».
« On ne va pas parler de foot, mais c’est comme la presse qui cherchait ses ‘nouveaux Zidane’ avec Gourcuff, Meghni ou Marvin Martin ». Les refs sont belles. De quoi nous donner encore plus hâte de poser quelques questions à la bande d’After Geography.
- Comment et quand est né After Geography ? C’était quoi le moteur, le point de départ du groupe ?
Julien : C’était pendant le Covid. Avec Nico, on échangeait des idées pour soit reformer un ancien groupe, soit partir sur autre chose. C’est vraiment né comme ça, d’une envie de refaire quelque chose d’assez simple, et faire ce qu’on aime à 300%.
Ne pas vraiment se poser de questions, mais juste échanger des sons, et compléter la chanson de l’un ou de l’autre.
- Pourquoi vous orienter vers ce style de musique ?
Nicolas : Pendant le Covid, on s’est retrouvés seuls chacun chez soi. On s’envoyait beaucoup de chansons, Liam Gallagher venait de sortir un album solo… Il y avait tout cet engouement-là. Ça nous a donné envie de refaire des trucs ensemble. On s’est foutu derrière un ordi. Le ‘son’ After Geography est arrivé au fur et à mesure de l’écriture des chansons.
C’est né d’un moment où on a retrouvé une naïveté dans l’écoute et dans l’écriture de la musique. Ça nous a fait beaucoup de bien.
- Le duo, c’était une base solide. Comment ça s’est passé de rejoindre le groupe pour faire un projet à quatre ? Est-ce qu’on se sent vite partie intégrante du projet ?
Arthur : J’avais découvert After Geography quand on les avait faits au Transfer avec le festival la Messe de Minuit (en 2021, ndlr). Jean-Noel Scherrer (chanteur et guitariste de Last Train, qui organisent le festival) m’a dit que j’allais les adorer. Après, j’ai rencontré Julien. Moi, je faisais du booking pour Cold Fame. On a commencé une relation plutôt centrale autour du booking, on se filait des coups de mains, des tuyaux. Et en 2023, il m’a proposé de rejoindre After Geography.
Lalie : Pour moi c’était il y a un an, tout juste. C’est eux qui m’ont trouvée, qui m’ont dégotée. L’intégration se fait progressivement, elle se fait très bien. J’ai accroché au projet, de jouer leur belle musique… Je suis arrivée juste après l’enregistrement de l’album, je l’ai découvert à ce moment-là ! C’est très chouette de rentrer dans cette tournée avec ces nouveaux morceaux.
- Julien et Nicolas, vous étiez déjà dans un projet commun il y a quelques années, The Socks, puis Sunder. C’était plus ‘heavy’ que After Geography. Est-ce qu’il y a eu un événement particulier ou est-ce que c’est une construction sur un temps long ?
Julien : C’est un peu des deux. Le groupe (Sunder) s’est séparé parce qu’il y avait beaucoup d’épuisement. Chacun est parti dans sa direction.
Il fallait du temps pour retrouver une naïveté pure à l’écriture des morceaux. Juste partir d’un postulat naïf pour écrire. Peu importe la complexité du morceau, mais d’aller dans quelque chose d’assez spontané.
Nicolas : Dans les projets précédents, on était identifié sur une scène heavy. On s’en est un peu affranchi. C’est plus facile quand tu repars sur un projet neuf de rechercher un son nouveau, de ce que tu veux faire à l’instant T.
- Comment avez-vous composé A Hundred Mixed Emotions ?
Nicolas : On l’a composé comme tout ce qu’on a écrit avec Julien depuis le début. Ça vient d’une première ébauche, d’une idée de mélodie, d’un couplet-refrain. Ensuite, on met en commun avec Julien et on fait des pré-prods, des pré-maquettes sur Logic. Ça nous donne une structure, une direction. Savoir si on va faire un piano-voix, mettre en avant les guitares électriques, les riffs etc. On commence à construire les harmonies, les idées d’arrangements autour.
On a fait tout ça chez nous, dans le studio d’un pote, un peu à la campagne… On a varié les lieux, pour changer d’atmosphères.

- Comment se passe la gestion des choix à quatre ? Autant dans la composition que sur la création du live
Arthur : Pour le live on est en salle de répétition, on pense les morceaux d’une autre manière. On essaie de se mettre à la place du public : qu’est-ce qu’il aimerait voir comme show, sur une heure de set ? Chacun propose des modifications sur l’ordre des chansons, les nuances, les dynamiques. Tout le monde donne son avis. On est tous les quatre à le faire, tandis que pour les compos, c’est vraiment vous deux (Julien et Nicolas) qui avez tout amené.
Nicolas : On avait déjà maquetté les compos. On a deux façons de faire les morceaux : pour le live et pour le studio. C’est un peu comme une recette où tu rajoutes des trucs, mais il y a forcément des fois où il faut enlever des ingrédients. Si on se figeait sur le live pour faire ça, on se tromperait, je pense. Il y a beaucoup de détails sur des arrangements qui méritent vraiment de la précision.
- Quel est le point commun entre les morceaux de ce nouveau disque ?
Nicolas : Il y a quand même une certaine patte dans la musique qu’on fait, qu’on retrouve dans tous les morceaux. Les harmonies vocales, les arrangements cordes-guitares, il y a une production précise sur le son général qu’on a voulu donner. Un peu mat et fat.
Julien : Oui, je pense que c’est le fil conducteur. Et sur ce qui est des ambiances, des textes, je dirais que si chaque morceau a une identité propre, on parle toujours de la même chose : on part de constats plus ou moins dramatiques pour évoluer vers quelque chose de l’ordre de l’espoir.
- Parmi l’album, quelle chanson vous avez le plus hâte de défendre en live ?
Nicolas : La semaine dernière, on a fait notre tout premier live où on jouait l’intégralité de l’album. Perso j’ai pris beaucoup de plaisir parce que c’est quand même assez varié sur les énergies et sur le feeling qu’on a sur scène.
Et franchement, je saurais pas trancher sur un morceau, je trouve qu’ils s’enchaînent plutôt bien, qu’ils sont complémentaires.
Lali : C’est ce qui est ressorti entre nous après le concert. On s’est vraiment dit qu’on prenait plaisir à le jouer cet album. Personnellement, je dirais que c’est « Certain Elation ». C’est vraiment très chouette à jouer, je me fais vraiment plaisir sur la partie batterie avec la progression jusqu’à la fin du titre. Mais c’est sûr qu’il y en a plein d’autres.
Julien : Moi, je crois que c’est « Gemma ». C’est un morceau en plusieurs mouvements. Et le texte parle d’une de mes voisines qui vivait en face de chez moi, une meuf très vieille. Quand on a joué la première fois en live à Lille, ça m’a touché avec en même temps un petit rictus, c’est marrant de se dire qu’on chante sur une personne qui ne m’a jamais rencontré, ma voisine d’en face.
Arthur : Attends, parce qu’on avait dit qu’on allait essayer de l’inviter à un concert, mais peut-être qu’elle lit Tsugi ! Y’a peut etre moyen de lui passer un message.
Julien : Faut qu’elle soit encore en vie, Arthur. J’espère qu’elle est encore en vie.
Nicolas : Si ça se trouve, elle est sous tutelle.
((Entre deux questions, Julien reçoit un appel de Vera Daisies (qu’on a interviewé il y a peu) : les connexions lyonnaises se font visiblement naturellement. Et le monde du rock français est visiblement tout petit))
- C’était important d’avoir cette diversité dans le disque ?
Julien : On voulait faire un album, et donc un live, assez varié. Nous quand on écoute un album, on a besoin de variété. Parce qu’on se fait vite chier si tout est homogène. On a voulu faire quelque chose de varié pour que l’auditeur ne s’ennuie pas.
Il y a eu un rôle très important joué par Julien Jussey, le réalisateur-producteur de l’album, qui a apporté sa petite touche de génie sur les arrangements. On a passé des moments assez incroyables.
Nicolas : Quand tu repenses au moment où tu écris la chanson chez toi, tout seul avec une guitare, puis que tu te retrouves dans un studio avec des cordes qui jouent ton morceau, c’est assez dingue. C’est un album qui te permet de vivre des moments comme ça.
- Vous en parliez un peu, mais pourquoi ce nom pour l’album, à part le fait que ce soit un des titres ?
Julien : On l’a choisi comme titre de l’album, parce que ça représentait bien ce qu’on vivait d’une part, en tant que musicien-musicienne, artiste dans la musique. Beaucoup de hauts et de bas, des super nouvelles, des moments intenses, et des moments un peu down. Et d’une autre part, le vrai sens du titre, c’est l’idée qu’on a besoin de ressentir fortement les choses, intensément, pour les vivre pleinement, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Voilà, sinon on se fait un peu chier.
Nicolas : Il y a une connexion, quand même, entre ce titre et toutes les chansons de l’album. Elles peuvent toutes s’y retrouver. Alors le titre de la chanson prend un sens nouveau en titre d’album.

- Sur vos réseaux sociaux, au fil des semaines, vous avez posté des reprises : Julian Casablancas, Crosby, Stills & Nash, Lana Del Rey… Y a-t-il des groupes ou des artistes qui vous mettent tous d’accord ?
Lalie : Oui, il y en a plein !
(silence)
Arthur : Tout le monde a peur de le dire, mais… les Beatles.
Nicolas : Toute la scène anglo-saxonne… Je prends large, mais c’est la vérité des 40-50 dernières années. Des groupes avec des chansons, des harmonies de voix, un son typé, avec des guitares.
Julien : Je pense qu’on a les Beatles, Simon & Garfunkel, Eagles, Fleetwood Mac, et puis les Strokes, War on Drugs... Ça rassemble plein de choses sur lesquelles on s’entend. Un mood assez solaire.
Nicolas : Finalement, c’est presque plus 70’s que 60’s. On parle beaucoup des Beatles, mais on est peut-être plus dans une approche comme Fleetwood Mac, ou les Wings.
Julien : On ne voulait pas recréer les Beatles mais amener un truc neuf, le notre. On sait très bien qu’on ne révolutionne la musique, mais on avait envie de le faire à notre sauce. Avec des méthodes quand même modernes, sans s’enfermer dans un coté trop retro.
- Au fil du disque, on trouve des chansons très personnelles, intimes. Je pense à « Over the Trees » qui parle de la perte d’un être cher. C’était important de l’avoir dans l’album, puis de la défendre en groupe ?
Nicolas : Je veux bien répondre d’un point de vue extérieur, parce que c’est une chanson de Julien. Déjà, c’est une chanson que je trouve magnifique. C’était un micro, une guitare, une voix. C’est aussi un des luxes de faire un album. T’as moins besoin, comme par exemple pour un EP, d’être super efficace sur cinq chansons. L’album te permet de digresser.
Julien : On s’est demandé comment faire ce morceau, et même s’il fallait le mettre dans l’album. C’était une vraie question. C’est un morceau qui parle de la perte d’un ami très très proche. Pas longtemps avant le studio, j’ai écrit un truc assez simple et direct. Je n’ai pas de gêne avec ça, mais il fallait garder la fragilité du morceau, non-maitrisée. C’est fort pour moi, d’avoir pu le mettre dans le premier album.
Nicolas : On avait commencé à mettre des voix par-dessus, une deuxième guitare… Et en fait on perdait l’essence du morceau, toute la vérité de la chanson. Ce sont de vrais choix de production.
- Qu’est-ce qui fait une bonne chanson ? Quand est-ce qu’on sent qu’on a fait une bonne chanson ?
Nicolas : Nous on n’en a jamais fait, donc on ne peut pas te dire !
Julien : Par exemple, quand on a fait « Hear Me Out », j’avais l’impression que c’était une bonne chanson, qu’il y avait un truc. On s’est dit « Mec, je pense que c’est un single. »
Nicolas : Je me souviens quand tu me l’as montrée, ça a tout de suite marché. On avait déjà des idées d’harmonies vocales, la direction du morceau… Et puis on l’a faite écouter au réal qui a dit « mouais« . En fait ça dépend de nos sensibilités ! Je pense qu’une bonne chanson, c’est quand tu la montres à ton pote avec une guitare, même en faisant du yaourt, sans paroles, ça marche direct.
Lalie : Pour moi une bonne chanson, c’est quand elle te fait vibrer toi-même, déjà. Parce qu’on a tendance à être plus exigeants avec soi-même qu’avec les autres. Du coup, avant d’être vraiment content d’une chanson, ça peut prendre du temps. Même si les autres peuvent, par gentillesse ou par honnêteté, dire « Non, c’est bien ». Mais dès qu’on la réécoute tout seul et qu’on trouve ça toujours bien, ça sent bon.
Poncez l’album A Hundred Mixed Emotions et courez voir After Geography en live : à Nantes fin octobre, à Lyon en novembre ou à Paris en mars : retrouvez toutes les dates dans le post ci-dessous :