Yoa, YMNK, Mezerg, Last Train… Les sorties de la semaine
Maribou State – Hallucinating Love
Maribou State, c’est un coucher de soleil en musique : doux, vibrant, toujours plein de surprises. Depuis Portraits (2015) le duo britannique fait planer sur des mélodies qui sentent l’évasion. Le duo revient avec Hallucinating Love, album chargé d’émotions et de belles collaborations. ‘Blackoak‘ met tout de suite dans l’ambiance avec ses beats ciselés, pendant que ‘Otherside‘ et la voix magique de Holly Walker nous emmènent loin, très loin.
Et puis, il y a ‘All I Need‘, où Andreya Triana brille dans un trip-hop rêveur à souhait, porté par un groove subtil mêlant influences garage et textures ambient. Chaque morceau raconte un bout d’histoire avec une ambiance entre nostalgie et espoir, avec des arrangements qui respirent la spontanéité et la maîtrise. Les percussions s’inspirent du broken beat et du glitch, flirtant parfois avec les sonorités UK garage et IDM, tandis que les guitares réverbérées et les field recordings ajoutent une touche cinématographique et immersive. Un disque à écouter au casque, en voiture ou sous un ciel étoilé.
YMNK – Aventures
YMNK, musicien et bidouilleur sonore venu du nord de la France, façonne une musique hybride où l’électronique rencontre le rock et les sonorités 8-bit. Aventures, son nouvel album dessinent une odyssée électro-rock ludique et imprévisible. Entre clins d’œil French Touch, envolées techno et textures 8-bit, chaque morceau explore un territoire musical nouveau. L’album joue avec les styles comme un enfant curieux, passant de grooves chaleureux à des crescendos épiques sans jamais perdre son fil narratif. YMNK transforme ses expérimentations en une bande-son immersive, où l’émotion prime sur les codes. Déclaration d’amour à la musique sous toutes ses formes, libre et inventive.
Aupinard – aupitape 2 : pluie, montages et soleil (EP)
Pluie. Montagnes. Soleil. Trois images, trois humeurs, trois atmosphères. aupinard balance son deuxième carnet de bord en musique, carte postale écrite à l’encre des émotions. aupitape 2, c’est un EP mais aussi un état d’âme, un décor qui change à chaque piste, entre creux de vagues et éclats de lumière.
Côté musique l’artiste tisse un patchwork où guitares rêveuses flirtent avec des pulsation éthérée. Les guitares réverbérées flottent dans l’air, des synthés errent dans l’ombre, et les voix, tantôt feutrées, tantôt percutantes, se confient sans fard. Chaque morceau est une humeur, une météo intérieure qui brouille les certitudes.
Last Train – III
Aïta Mon Amour – Abda
L’Aïta, chant ancestral du Maroc, porte la voix des ‘Chikhates’, femmes puissantes qui transmettent l’histoire et les luttes d’un peuple. Né dans les plaines de l’Abda, ce style musical mêle poésie, rythmes envoûtants et ferveur populaire. Avec ABDA, Aïta Mon Amour réinvente cette tradition. Widad Mjama et Khalil Epi fusionnent sonorités électroniques et chants séculaires pour une relecture audacieuse. Chaque morceau est une transe, un dialogue entre passé et futur. Mention spéciale pour le track ‘Hdawiyet’ qui illustre la une quête d’émancipation féminine : une femme en fuite, un cri de liberté, un écho mystique entre oud, percussions et basses vibrantes. ABDA est un voyage dans l’âme de l’Aïta, une passerelle entre héritage et modernité.
Yoa – La Favorite
De la post-adolescente sous paroxetine à la bad bitch, Yoa s’est cherchée en explorant les genres, titre après titre depuis l’EP Chansons Tristes sorti en 2022, avant d’imposer son ton. La Parisienne aux origines camerounaises et suisses vogue sur des chansons pop en français -mais pas que-, des textes directs, des productions qui tendent parfois vers l’hyperpop et l’électronique. Kicks lourds, rythmes chaloupés ou tendres pianos, le théâtre et la danse ne sont jamais loin. Le charme opère vite auprès du public.Vient alors l’album attendu : La Favorite, du nom de celle qui lutte pour sa place, qui se montre pleine d’assurance le jour avant de douter la nuit venue. Celle qui change sans jamais se trahir.
Yoa et son album portent les paradoxes qui parlent à toute une génération, via une belle quinzaine de chansons simples mais jamais simplistes. Ça parle de déprime, d’assurance, de cul, de luttes et d’amitiés, de vulnérabilité, de craquage, de viol, d’éternité. Tout cela sur des mélodies efficaces, des défouloirs libérateurs, écrits avec une facilité et une maturité assez déroutantes.On comprend aisément comment Yoa a rempli d’abord la Maroquinerie, puis le Trianon un an plus tard. Place maintenant à la conquête de l’Olympia. Fondez pour La Favorite : un disque moins cher et tout aussi efficace qu’une thérapie.
Par Corentin Fraisse
Voyou – Henri Salvador est un voyou
Après le succès de son album Les Royaumes minuscules (2023), l’étape de l’Hyper Weekend Festival était obligatoire. Pour fêter ça, Thibault célèbre un chanteur de légende en un album de reprises : Henri Salvador est un Voyou. Comme une évidence. D’un naturel saisissant, entre tendresse et espièglerie, ce projet rend hommage à Salvador tout en réaffirmant l’identité musicale de Voyou. Relecture intime du répertoire du crooner français précurseur, teintée de douceur et de rêve pour faire revivre l’esprit d’un artiste intemporel.
La trompette, omniprésente chez Voyou, dialogue avec des claviers et des rythmes feutrés, pour composer une atmosphère à la fois nostalgique et lumineuse. Les morceaux les plus connus, ‘Jardin d’hiver’ ou ‘Syracuse’, prennent une nouvelle ampleur avec des arrangements épurés et une interprétation sensible. Sur des titres plus rares comme « Les Voleurs d’eau » ou « Un Sacré Menteur« , Voyou joue sur des orchestrations plus organiques, mélangeant vents et percussions subtiles. Effet de douceur chaloupée, la tracklist est une déclaration d’amour à la bossa nova et ça tombe bien. Henri Salvador adorait ça.
Heisenberg – X
Le label Heisenberg célèbre une décennie d’avant-garde musicale avec une compilation anniversaire. Sans doute en clin d’œil aux 10 ans du label, X invite à redécouvrir les perles minimal house qui ont façonné l’identité d’Heisenberg. En tête d’affiche, le single exclusif « Kurt On The Clouds »de Saktu & Wyro incarne l’ADN du label : basses profondes, percussions gavées de groove et nappes hypnotiques.
Né en 2014 comme un club underground, Heisenberg est devenu une référence mondiale dans l’univers si particulier de la minimal house. Pour celles et ceux qui découvrent le genre, cette compilation constitue un cas d’école. Toujours en quête d’innovation, Heisenberg ouvre un nouveau chapitre, où minimalisme et groove restent les maîtres-mots.
Frànçois & The Atlas Mountains – Âge Fleuve
Sur Âge Fleuve, Frànçois & The Atlas Mountains signe un sixième album d’une douceur fluide et introspective. Porté par les arrangements subtils du producteur Siau, ce disque s’inscrit dans la continuité de son univers, tout en gagnant en profondeur et en sincérité.
L’album flotte entre textures organiques et nappes électroniques. Les guitares se mêlent à des claviers feutrés, tandis que la voix de Frànçois, toujours empreinte de fragilité, glisse avec une sincérité touchante. Chaque morceau d’Âge Fleuve est une cartographie intime où les mélodies deviennent des éclats de souvenirs. La mélancolie est débordante, presque étouffante. Les harmonies sont vaporeuses et enveloppantes. Les notes semblent flotter alors qu’à l’écoute de l’album, on a l’impression d’être englouti par une tristesse pudibonde.
Jeff Mills – Waveform Transmission Vol. 3
Le lien de Jeff Mills avec le label berlinois Tresor est historique, et la réédition en édition limitée de Waveform Transmission Vol. 3 (sortie initialement en 1994) en est une nouvelle preuve. Cet album a été un tournant dans sa carrière, amorçant un passage entre son style brut du début des années 90 et l’évolution plus riche et nuancée de ses productions qui ont suivi. Pour marquer les 30 ans de l’album, un réedition vinyle sort. On vous dit ça juste comme ça.
Mezerg – Vol Retardé de 42 Min
Mezerg annonce des turbulences avec son album Vol Retardé de 42 Min. Ici, le vol ne semble pas avoir été retardé à cause d’un problème technique. Tout est parfaitement maîtrisé et modulé pour offrir à tous les passagers de ‘Mezerg Airlines’, un trajet alternatif à travers des textures sonores synthétiques et une structure musicale imprévisible.
Entre basses grondantes et percussions surprenantes, nappes oniriques et distorsions inattendues, le voyage est semé d’embûches. En deux tracks, on passe d’une course-poursuite effrénée sur ‘Blue Jesus 145‘ à une douce balade au piano sur ‘Pour toi‘. Difficile alors de dire si Vol Retardé de 42 Min emprunte les chemins d’une house groovy, d’une musique expérimentale ou d’une French touch à la Justice, le principal est que chaque étape mérite le coup d’œil.
Alors, s’il faut de tout pour un voyage, ce dernier album de Mezerg vaut bien le détour. Quitte à arriver en retard.
ANOTR – On A Trip
Avec On A Trip, ANOTR franchit une nouvelle étape dans l’expansion de son univers. La house présente sur cet album n’est pas orientée club ; cette fois-ci, elle embrasse à la fois l’approche des pionniers, avec des sonorités flirtant avec l’italo-disco, mais aussi un groove aérien qui se rapproche de la pop. Des titres comme « Care For You« , « Bad Trip » et « Living In A Dream » témoignent de cette liberté créative, où les voix planantes d’ANOTR apportent une touche d’humanité. Les synthés précieux et les guitares brumeuses renforcent cette sensation d’évasion psychédélique.
Né de retraites créatives sous l’influence de microdoses de psilocybine, cet album dévoile une musicalité instinctive. À tel point que c’est leurs propres voix que l’on entend se mêler au chant, portées par une instrumentation live. Deux éléments amplement suffisants pour plonger pleinement dans le trip d’ANOTR.