Bambounou, Odalie, Lous and the Yakuza, DVTR… Les sorties de la semaine
Envie de nouveautés pour vos playlists ? On continue de dérouler ce mois d’avril bien fourni en sorties : voilà Bambounou, DVTR, Lous and the Yakuza, TV Sundaze, Odalie, Kerri Chandler, Enrico Sangiuliano, Zimmz, Secret Cinema & About Sofiya et ZeroZero.
Par Oumeyma Aouzal et Siam Catrain
Bambounou – Levantarse
Si Bambounou joue partout dans le monde, il semble aussi apprécier le calme d’un studio. Il a ponctué 2024 en sortant convulsivement des singles (« The Life of a Touring DJ« , « Mega Meg« ) pour conclure l’année avec fracas et C.R.U.S.H.
Après cette aventure de quatre tracks avec Priori, Bambounou revient en solo avec Levantarse, sur son label BAMBE. Sur ces deux morceaux, ce qui frappe, c’est l’usage de l’espace : chaque élément semble respirer dans un espace qui n’est qu’à lui, à la manière du dub techno, mais avec la nervosité d’un footwork ralenti.
Dans un ballet de kicks hypnotiques et de textures froides, une voix désincarnée agit comme un fil spectral. « Touch Me » nous attrape dans une boucle infinie, traversée de hi-hats affolés frôlant la syncope. On sent l’influence des scènes de Londres, Berlin et Kampala, digérées et réassemblées dans une écriture ultra-contemporaine. Bambounou n’habite plus le club, il en redéfinit les murs.
DVTR – Live aux Foufounes
Aux Foufounes Électriques, DVTR n’a pas juste joué : iels ont tout retourné. Le duo cracheur, flanqué de ses musiciens masqués, immortalise ce joyeux bordel dans un album live. Quoi de mieux qu’un album pour capturer et faire se confondre sueur, cris et synthés. « K.C.D. », inédite, ouvre la marche pour nous faire vivre un pogo mental. S’ensuivent des classiques récents comme ‘DVTR‘ ou ‘Vasectomia‘ qui n’ont déjà plus rien à prouver. Ça se sent.
DVTR semble jouer chaque note comme si le groupe devait survivre. Punk électroclash ? Peut-être. Mais surtout performance totale, entre satire sociale et grand n’importe quoi hautement jouissif. DVTR n’explique rien, il balance. Et dans ce chaos, il nous touche pile là où ça doit.
Lous and the Yakuza – No Big Deal
Trois ans sans Lous and the Yakuza, ce fut long, mais l’attente en valait la peine. La Belgo-Congolaise auréolée de deux très bons albums revient à pas feutrés avec un EP de trois titres, No Big Deal. Confessions en français et en anglais (c’est nouveau). Chansons douces mais profondes et instrumentations quasi nues, sans artifice : comme ses émotions. « Good to know » est déjà clippé, on est fans des « Sad boy’s anthem » et le refrain de « Casse-toi » reste en tête. Toujours poétique, cet EP est un exquis avant-goût de l’album qui viendra dans l’année. Welcome back Lousita.
Par Corentin Fraisse
TV Sundaze – Plastic Bags / Packing Tape
Pas de demi-mesure pour TV Sundaze : Plastic Bags / Packing Tape cogne sec, tranche net. Exit les douceurs pop des débuts et place à la rage granuleuse, aux guitares en feu et aux batteries. Du garage-rock comme on n’en fait plus : nerveux, cathartique, sans fioritures. Mais derrière le vacarme, une histoire se trame : celle d’un homme hanté par son double. « Don’t Mind Me » ou « William Wilson » creusent le malaise. Le final « Clock’s Disease« , nous laisse suspendus entre résignation et dernier sursaut de lucidité.
Odalie – Optimistic Nihilism
Dans son nouvel EP Optimistic Nihilism, sorti sur Mesh, label de Max Cooper, Odalie explore l’absurde avec lucidité et poésie. Ici le néant n’est pas une fin, mais une matière brute à sculpter. Sur six titres, elle fusionne ses textures signature : violoncelle spectral et synthés modulaires avec des pulsations vives, presque dansantes. Un souffle d’urgence traverse l’ensemble, comme une course contre le vide.
Ce n’est ni dark ni léger, c’est l’entre-deux : un espace sonore où la solitude devient chorégraphie et le chaos, beauté. « Emotional Prism », avec sa rythmique drum’n’bass et ses nappes de cordes suspendues, illustre parfaitement cette tension douce-amère. On pense à la fragilité humaine, au temps qui file, à tout ce qu’on peut encore créer avant que tout disparaisse.
Kerri Chandler – Lost & Found EP, Vol.4
Kerri Chandler rouvre ses tiroirs magiques avec Lost & Found Vol. 4. Le New-Yorkais dégaine une deep-house digne sa virtuosité, entre moiteur analogique et soul céleste. « Since I Met You« , avec le regretté Michael Watford, déborde de sensualité garage, orgue gras et swing vocal à pleurer. Alopeke signe « Grandiose Garden » et ses volutes d’arpèges suspendues, comme un Larry Heard en pénitence sur Neptune (et pourquoi pas). Sur « Circles » la basse vrille sous notre peau. « The Dark One » enfonce le clou : Kerri en plein after, qui passe de kicks profonds à un groove ravageur. Pas de démonstration, juste l’élégance du geste.
Enrico Sangiuliano, Zimmz, Secret Cinema & About Sofiya – Discipline
Spécialiste de techno mélodique, Enrico Sangiuliano poursuit son projet conceptuel NINETOZERO : un label éphémère structuré comme un compte à rebours, destiné à disparaître après dix sorties. Oui, comme le nom l’indique.
Avec Discipline (chapitre 2), il livre un EP entre techno mentale et énergie club. Son titre phare « The Techno Code » est une arme dancefloor ironique et autoritaire, guidée par une voix off qui en décrypte les règles comme un manifeste techno.
À ses côtés, « We Build And Reset » du néerlandais Zimmz et Secret Cinema & About Sofiya qui signent « You Know What I Was Thinking« , un morceau sensoriel et organique, inspiré par la couleur violette.
ZeroZero – Hold It
De Schuurman – As The Dynasty Grows
Avec As the Dynasty Grows, De Schuurman ne fait pas que perpétuer le bubbling, il l’atomise pour mieux le reconstruire, encore plus grand. Héritage d’un dancehall passé en 45 tours au lieu de 33, il convainc toujours autant, avec ses synthés rave et ses voix pitchées. Sur cet EP, il le triture à coups de syncopes tarraxo et d’enclumes EDM.
L’héritage de DJ Rashad n’est jamais loin : patterns éclatés, science du sample, vitesse qui n’écrase jamais la finesse. Entre changa latine et footwork cybernétique, Schuurman tricote un futur club mondial dans un cocktail rempli de mille sonorités électroniques. Le shaker est réglé à 160 BPM, et son moteur a l’âme d’un sound system en sueur.
Sieren – Emergence
À l’heure où la course aux étoiles semble menée par des fous, mieux vaut garder les pieds sur terre. Voilà à quoi semble nous inviter le Berlinois Matthias Frick, alias Sieren, sur son troisième album. Dans les pas d’un Christian Löffler (Frick avait d’ailleurs publié en 2016 son premier long format sur son label Ki Records), il produit une musique électronique d’apparence simple, mais soignée. Avec une profonde humilité, il rend hommage aux multiples genres qui l’ont bercé.
Electronica, IDM, ambient, house, tout en glissant progressivement vers la UK bass, Sieren tente de tout mêler. Le tout peut sembler décousu, et il manque peut-être d’un titre profondément marquant. Mais force est de constater que chaque style est abordé avec beaucoup de soin – de tendresse, même. Si cette méticulosité peut parfois sonner lisse, elle offre surtout un foisonnement de détails, tous enchevêtrés naturellement.
Lui qui est également photographe travaille de la même manière ses sons et ses clichés. Une subtile teinte sépia, quelques touches de piano (notamment sur « Emeralds » ou « Eclipse« ), la superposition de synthétiseurs comme chaque plan d’une image, et voilà que les grands espaces deviennent intimistes, et que du froid de l’électronique émerge une douce chaleur. Un remarquable travail d’artisan – dans le meilleur sens du terme.
Chronique par Antoine Gailhanou, extraite du Tsugi 179