Scratch Massive, Oklou, 135, Mun Sing…Les sorties de la semaine
Comme chaque vendredi, on fait le tour des sorties de la semaine chez Tsugi ! Au programme : Scratch Massive, Oklou, 135, Biig Piig, Mun Sing, Weekend Affair, Coline BLF, Biche et Jeff Mills (oui encore).
Par Oumeyma Aouzal et Siam Catrain
Scratch Massive – Nox Anima
Sébastien Chenut et Maud Geffray sont deux inséparables d’un océan entier ne peut décidément pas empêcher de collaborer. Ils ont formé Scratch Massive il y a presque vingt-cing ans, et si le premier vit désormais à Los Angeles, la seconde l’y rejoint régulièrement pour crée des projets, notamment des albums, format ceci dit plutôt rare dans leur parcours, puise Nox Anima n’est que leur cinquième, le premier en sept ans. Clairement pas sur Terre pour faire dans la productivité, le duo a pris son tems pour ce disque saisissant qui sonne comme une belle dystopie, le désespoir en moins, la croyance en l’humain, en cette ‘âme de la nuit’ (‘nox anima’ en latin) en plus.
Évidemment électronique, éminemment émotive et en quête intense de beauté texturale, la musique qui en émane se fait aqueuse et balèze, voit ses BMP ralentir et alourdir l’ensemble, quand le maniement expert des synthétiseurs et des modulations bioniques mobilise la notion de rengaine, dans le bon sens du terme, et provoque des explosions de sensations. on entendrait presque le hardware craqueler, on retrouve dans ce titre-là, ou dans l’autre là-bas, des éléments récurrents et donc familiers qui confèrent à Now Anima un aspect résolument somatique, palpable, presque solide. C’est superbe.
Chronique par Brice Miclet, extraite du Tsugi 177
Oklou – choke enough
Elle était attendue, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle n’a pas loupé le virage. Elle l’a pris au cordeau, a accéléré et décollé. C’est l’impression que laisse le premier véritable album d’Oklou – Galore, sorti en 2020, était labellisé ‘mixtape’ – qui arrive après six années d’intérêt croissant, d’attention et de paliers du cool franchis sans soucis. La promesse que cette jeune Poitevine devienne la figure proue de l’hyperpop française, tant bien même chante-t-elle en anglais, a enregistré à Los Angeles et a pu expliquer en interview se sentir un peu à l’étroit dans l’Hexagone, les artistes qu’elle admire et dont elle se sent proche étant quasiment exclusivement delà de la Manche et de l’Atlantique.
Elle n’est pas certaine non plus que le terme ‘hyperpop’ soit le plus adéquat pour décrire sa musique, estimant que ‘pop’ suffit. On est plutôt d’accord, même si son album a été conçu aux côtés d’A.G. Cook, Danny L Harle et Casey MQ, producteurs phares de ce style baroque et excessif. Mais si la pop d’Oklou est électronique et avant-gardiste, et peut s’envoler vers la trance comme sur le redoutable single ‘harvest sky’, elle est finalement moins ‘hyper’ qu’en retenue, subtile, préférant les arpèges vaporeux aux élans synthétiques exubérants, ce qui n’empèche pas les harmonies lumineuses de virevolter haut, parfois (…)
Chronique par Gérome Darmendrail, extraite du Tsugi 177
135 – Dry (EP)
Biig Piig – 11:11
Biig Piig, c’est la promesse d’une exploration entre hip-hop alternatif, R&B feutré et pop indé. Avec 11:11, son premier album, elle confirme qu’elle est une artiste qui tient parole.
Dès ‘4AM’, une basse profonde et une tension subtile installent un décor intrigant, subtil clin d’œil aux premières expérimentations de FKA twigs. ‘Ponytail’, en revanche, plonge dans une pop efficace, portée par un beat entraînant et un refrain calibré. C’est sûrement ‘Cynical’ qui tire son épingle du jeu grâce à un groove UK garage qui rappelle son passé au sein du collectif Nine8. Tandis que ‘I Keep Losing Sleep’ lorgne du côté de Jamie xx et Kaytranada, ‘One Way Ticket’ dévoile une sensibilité inattendue sur une piste (presque) acoustique — bien loin de son tube ‘Feels Right’ de 2020.
Entre tubes plus mainstream (‘9-5′) et tracks plus expérimentaux (‘Decimal’) reste à savoir, dans cette mosaïque de références, si elle choisira d’embrasser pleinement son statut de popstar en devenir… Ou bien de revenir à l’approche plus singulière de ses débuts.
Mun Sing – Frolic
Avec Frolic, Mun Sing découpe les psaumes des conventions du break pour un résultat aussi expérimental qu’épatant. Loin d’un simple enchaînement de morceaux club, ce projet dessine une fresque narrative où le plaisir a un prix, où l’exaltation cache une ombre prête à frapper. Cette ombre, c’est le Scarecrow : un épouvantail à la face bleue, incarnation de la culpabilité et des conséquences que l’on refuse d’affronter.
La construction de Frolic repose sur une dualité. Les premières pistes (‘Frolic’, ‘Didn’t Need U Anyway’) sont marquées par des mélodies euphoriques et des drops cathartiques : un hymne au break le plus expérimental. Dans ‘Scrolling’ ou ‘The Hypocrite’, Mun Sing nous rameute à un after introspectif où les pensées les plus immaculées, incarnées par les voix pitchées de MX World et ROOO, s’effilochent sur fond de samples de machines ultra-découpés.
Sur cet EP, Mun Sing orchestre une bacchanale euphorique, vertigineuse. Trois écoutes de chaque track ne suffisent pas à en saisir toute la richesse. Profiter de Frolic, c’est se laisser surprendre à chaque drop, break et kick.
Weekend Affair – Vol Intérieur
Après Du Rivage et Quand vient la nuit, Weekend Affair s’élance vers de nouveaux horizons avec Vol Intérieur : album qui plane entre mélancolie synthétique et groove pop. Aux commandes, le duo lillois fait escale pour embarquer dans ses valises le producteur rémois Yuksek. Avec un artisanat des plus méticuleux, ils livrent sur ce nouveau projet une pop électro raffinée, oscillant entre rêverie, comptine et pulsation dansante.
Tout droit sortie d’une cabine pressurisée, la voix de Louis Aguilar glisse avec douceur sur les textures synthétiques de Cyril Debarge. Les nappes analogiques se déploient, ponctuées de beats feutrés et de basses rondes qui ancrent l’album dans un espace aérien à la fois intime et expansif. Quelque part entre Étienne Daho et Sébastien Tellier, on passe du romantisme suspendu d’un morceau mid-tempo à l’énergie subtilement club insufflée par Yuksek.
Coline Blf – À la folie (EP)
Coline Blf, c’est un souffle doux-amer, une artiste qui transforme la mélancolie en mélodie et la révolte en murmure. Entre bedroom pop et effluves francophones, elle tisse une musique qui flirte avec l’intime. Après un premier EP en 2022 qui l’installe dans le paysage indie, elle revient avec un nouveau projet où l’amour et l’écologie se font écho.
À la folie, c’est un battement de cœur qui suit le rythme des saisons. Coup de foudre brûlant, orage de doutes, accalmie trompeuse… Chaque titre raconte l’amour comme une planète en surchauffe, un équilibre fragile qu’on ne sait plus comment préserver. Coline murmure, joue avec les contrastes et nous laisse suspendus entre la douceur et l’urgence. Cri feutré, mais qui résonne longtemps.
Biche – B.I.C.H.E
Biche, c’est ce genre de groupe qui ne suit pas les routes toutes tracées, préférant emprunter des sentiers sinueux où le temps s’étire et se resserre à sa guise. Avec B.I.C.H.E. (Une Brève Interrogation sur les Cycles Humains), il tisse une fresque musicale mouvante, où chaque note semble suspendue entre passé et futur. Alexis Fugain et sa bande façonnent une pop aux contours flous, hypnotique et minutieuse, qui s’amuse avec la répétition sans jamais sombrer dans la monotonie.
Dans ce nouvel album, tout respire l’artisanat sonore : une production ciselée, des arrangements en poupées russes, des morceaux qui se dévoilent couche après couche, comme un mystère que l’on ne résoudra jamais complètement. Plus nerveux que par le passé, l’album troque la nostalgie pour une urgence sourde, glissant entre boucles organiques et éclats électroniques. On pense à Stereolab, mais Biche imprime sa propre cadence, un mouvement perpétuel où chaque détour est une surprise.
Jeff Mills – Star Child
Vendredi 31 janvier, Jeff Mills a pris son monde par surprise. Comme une fois par mois environ. Alors que sortait la réédition de Waveform Transmission Vol. 3, il dévoilait, dans une intimité rare pour un artiste de sa trempe, Star Child chez Axis Records. Sur cet EP, il ajoute un septième opus à sa série Axis Expressionist.
Sous son alias Millsart, il avait sorti en septembre dernier POWERLAND, mêlant son goût pour le jazz et les compositions expérimentales. Avec Star Child, il poursuit cette exploration des liens entre instrumentation organique et production numérique. Les lignes se brouillent dans de multiples nappes et textures, créant l’illusion d’un rite d’initiation à un groove hypnotique.
Difficile d’en dire plus, tant Jeff Mills laisse généralement sans voix.