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© Captures d'écran YouTube, clip "J'en ai assez vu"
29 novembre 2022

Interview: Sébastien Tellier et Metronomy décortiquent leur duo « J’en ai assez vu »

par Corentin Fraisse

Metronomy vient de dévoiler Small World (Special Edition), réédition de leur album sorti en février. Sur cette réédition, on retrouve notamment Sébastien Tellier, invité par Joseph Mount à reprendre « I Have Seen Enough » : sous les doigts du duo, le titre se mue en français et devient « J’en ai assez vu ». Tsugi a pu en parler avec les deux chanteurs. 

À l’occasion d’une jolie réédition, de nombreux artistes ont été invités par Metronomy à revisiter les chansons de Small World. Katy J Pearson, PPJ, Jessica Winter, Bolis Pupul… À chacun-e son titre, en somme. Une chanson nous a tapé dans l’oeil -ou plutôt les esgourdes- : « J’en ai assez vu » en duo avec Sébastien Tellier, enregistré à Motorbass. Le titre a désormais son clip contemplatif en noir et blanc, sous la neige. Tsugi a tenu à en savoir plus : alors on a organisé une discussion zoom entre Joseph Mount -le leader et tête pensant de Metronomy-, Sébastien Tellier et nous. Entretien.

 

Quelle était la volonté avec cette réédition ? Le but, la motivation ?

Joseph : En premier c’est pour la maison de disques, toujours essayer de refaire la même chose une deuxième fois. Mais c’est toujours un peu chiant, si tu te contentes de mettre une ou deux chansons en plus. C’est pas incroyable. Pour nous, ça a commencé par le duo avec Sébastien. Et on s’est dit qu’on pourrait faire ça pour toute la réédition : une version différente pour chaque chanson de l’album. Pour moi c’est déjà plus intéressant que juste un repackage sorti pour Noël. Le but était de faire quelque chose de vraiment spécial.

 

Sur l’album il y avait un seul featuring, avec Porridge Radio. L’idée de cette nouvelle édition c’était de partager votre musique, de cerner la vision que les artistes avaient de vos chansons ?

Joseph : L’album était un peu plus folk que ce qu’on a l’habitude de faire, notamment dans l’instrumentation. On a pensé que, si on trouvait les artistes qui pourraient changer les chansons, voir les chansons par un autre prisme, dans un autre univers, ça pouvait être intéressant. Donc on a essayé de trouver des artistes différents, pas toujours très connus en Angleterre -à part Sébastien, c’est le plus gros nom. C’était juste ça : voir que nos chansons pouvaient marcher dans beaucoup d’autres styles.

 

Comment s’est faite la connexion entre vous deux ?

Sébastien : C’est Joseph qui m’a proposé de participer à l’album, y’a quelques mois déjà, avant l’été. Ça m’a tout de suite emballé, parce que Metronomy déjà ça résonnait bien à mon oreille, j’étais tout de suite content… J’ai beaucoup écouté leurs albums. Je me souviens d’une journée, à Bijou Plage, à Cannes… une des chansons de Metronomy était passée et j’avais adoré, on l’avait shazamée, et puis j’ai vu que c’était eux. C’est comme ça qu’a commencé mon amour pour ce groupe, plein soleil et tout… Des petites prods bien électro, bien charmantes. Donc quand j’ai vu la proposition de Joseph je me suis dit « ohlala formidable » et sans même écouter le morceau j’avais déjà répondu « oui ».

 

Vous vous connaissiez d’avant ? 

Sébastien : Je pense qu’on s’est croisés plusieurs fois !

Joseph : Je voulais savoir, si tu avais réalisé que j’avais fait un remix de toi ?

Sébastien : Oui, pour « La Ritournelle » ! Mais ça c’était avant votre premier album non, Joseph ? [Et oui, en 2005 précisément] Je m’en souviens très bien. Oui c’est vrai que ça fait longtemps haha

Joseph : Oui ! C’était peut-être le premier ou deuxième remix que j’avais fait, et pour moi ça changé beaucoup de choses. C’était vraiment le début de ma carrière. C’était drôle après presque 20 ans, d’enfin rencontrer Sébastien, après un concert à Paris. Et c’était comme si on était déjà amis.

Sébastien : C’est vrai que c’était très facile et naturel ! Il faut dire qu’on est dans cette zone de jouissance de la vie en commun, on tourne autour du même pôle.

Joseph : C’est sympa d’avoir fait ça à Motorbass ! L’autre connexion entre Sébastien et moi, c’était Philippe.

Sébastien : C’est un bonheur d’y aller. Comme ça on pense à lui, c’est un peu comme si on faisait de la musique avec lui.

 

Joseph, pourquoi avoir choisi Sébastien Tellier pour partager ce titre ? Pourquoi lui? 

Joseph : Parce que Claude François n’était pas disponible ! (haha) Quand j’ai écrit la chanson pour l’album, j’ai lu la phrase en anglais « I have seen enough »… Et pour moi la phrase aurait mieux sonné en français. J’avais écrit tout la chanson en français mais c’était un peu nul. Alors je l’ai faite en anglais. Mais là avec ce repackage, je me suis dit que c’était peut-être le moment. On s’est demandé qui pouvait m’aider à faire cette chanson, et c’était assez facile en fait. Pour trouver un chanteur français qui existe dans le monde que j’avais imaginé, un monde entre la chanson française classique mais aussi la musique moderne, quelqu’un qui comprendrait aussi bien les deux mondes et pourrait jouer avec eux… Je ne voyais que Sébastien. Mais si tu connais quelqu’un d’autre, pourquoi pas ! (haha)

 

Toi Sébastien, qu’est-ce qui t’a attiré dans le projet, dans cette idée de faire une nouvelle version de « I have seen enough » ?

Sébastien : J’ai adoré le texte, tout simplement ! « J’en ai assez vu, mais pourtant je regarde » : ça m’a tout de suite parlé, c’est une phrase qui accroche. Ça semble léger de prime abord et en fait c’est assez profond. C’est entêtant, de la même façon que ce que veut dire la phrase.

C’est à dire ? 

Sébastien : C’est un cercle vicieux, on est emmenés dans une spirale. Il y a tout le côté sous-jacent qui semble dire qu’on est emportés par des choses plus fortes que nous, et que ce n’est pas toujours la raison qui décide. Parfois on est comme la marionnette de nous-même, la marionnette de notre inconscient, des vitrines… J’ai adoré le texte, j’aurais aimé trouver une formule aussi simple et efficace. Et puis musicalement j’avais de l’espace pour placer ma voix. C’est pas une chanson hyper technique à la Barbara Streisand, c’est surtout de l’émotion et du feeling. Ce qui m’a fait plaisir c’est que j’avais un espace à la fin -de la chanson- pour mettre des choeurs à la française. Ça faisait longtemps que j’avais un peu ça en tête, presque les choeurs qu’il y avait dans les chansons yéyé des années 1960. Et là justement, j’ai eu l’occasion de placer ça ! Tous les feux étaient au vert.

 

Comment vous en avez parlé tous les deux avant d’enregistrer ? C’était très cadré, ou vous vous êtes laissés de la liberté ?

Sébastien : Pas mal de liberté ! Le morceau était construit quand je suis arrivé, ce n’était pas du tout une page blanche. Et à la fois je me suis senti totalement libre de faire tout ce que je voulais par-dessus. J’ai chanté, rajouté un synthé, les fameux choeurs… Je n’ai évidemment eu aucune directive, mais c’est vrai que la chanson existait déjà par elle-même.

Joseph : Les paroles en français, c’était Sébastien. C’est lui qui a trouvé les phrases poétiques, alors que moi j’avais eu des idées très basiques.

Sébastien : Ben oui forcément quand on est français, il y a des petites nuances de la langue qui sont plus naturelles à trouver… C’était très agréable de chanter dessus ! J’ai dû m’y reprendre à plusieurs fois, alors que Joseph a enregistré sa voix en une seule fois. Une seule prise. De mon côté j’ai fait beaucoup de prises, avec en plus les choeurs, et dix jours après je suis revenu au studio, parce que j’avais encore deux-trois mots sur ma partie qui ne me plaisaient pas. De mon côté ça a été une sorte de montagne à gravir, alors que pour Joseph c’était une montagne à descendre haha

 

Tu as réussi à t’approprier la chanson facilement ?

Sébastien : Complètement ! J’adore ce genre de chansons : de très beaux accords et une chanson simple. J’ai aussi l’impression que c’est un type de musique qu’on entend rarement en ce moment. Ces rythmiques-là de batterie, ça fait bien longtemps que je n’avais plus entendu ça. Avec une rythmique 60s à la guitare électrique… Ce côté unique m’a plu, nonchalant mais en même temps hyper pro. En ce moment c’est un déluge de sons : les producteurs empilent plein de couches de sons pour chaque morceau… Là, ça fait du bien d’écouter un truc doux, simple, lisible. Ça sort du lot.

On peut parler du clip ? Où a-t-il été tourné, comment ça s’est passé ?

Sébastien : Ça a été tourné à Saint-Cloud, c’était chouette!

Joseph : J’ai eu peur que le tournage ne finisse jamais, c’était un peu long mais on est des professionnels donc ça s’est bien passé haha

Sébastien : La maison avait du charme, comme un petit chalet, ambiance clip de Noël avec de la fausse neige… Un coté sports d’hiver avant la saison.

((Ils débriefent le petit-déjeuner dispo le jour du tournage etc))

 

L’esthétique du clip c’est en noir et blanc, on un ressenti de contemplation, vous avez vu ça de la même manière ?

Sébastien : C’est ça qui était chouette pour nous, c’est que les plans étaient très faciles à jouer parce qu’il suffisait de rester statiques. Je suis très mauvais acteur donc j’avais peur d’avoir à jouer, et après quand j’ai regardé le clip j’ai aimé cette sorte de revival années 90 ! Il y a des flous qu’on faisait beaucoup dans les années 90, je me souviens par exemple de clips de Soundgarden, Nirvana… J’avais pas du tout compris ça pendant le tournage. Le traitement de l’image est génial.

Joseph : J’avais pas pensé à ça mais c’est vrai… Soundgarden quoi haha! En fait en ayant Sébastien et moi dans le clip, c’était dur de faire un truc qui ne soit pas sympa. D’ailleurs je trouve qu’on n’est pas très souvent à deux dans le même plan. On dirait presque qu’on a pas shooté le clip ensemble haha. Mais j’adore que ce soit un clip de Noël

 

Qu’est-ce que la vidéo raconte de plus que la chanson ? 

Sébastien : Pour moi, ça met le step… On a l’impression qu’on parle de Noël quand on chante. « J’en ai assez vu et pourtant je regarde » : c’est vrai que Noël ça peut être boring, ou pesant pour certains. Et pourtant tous les ans on le fête quand même. Donc le clip était sacrément approprié. Je trouve aussi que le clip fait 90s, on a l’impression que le morceau est méga-vieux, un classique français de 1971… C’est ce que j’aime bien.

Joseph : C’est toujours ça avec les vidéos, ça change la façon dont tu vois la chanson. C’est un peu comme le jour après Noël, quand t’as eu tous les cadeaux et que la prochaine échéance, c’est le nouvel an. Il y a toujours un petit moment de tristesse après Noël, non ? J’aime l’idée que ça puisse être un slow. Et c’est aussi comme si on s’était disputés, dans le clip c’est un peu tendu entre nous.

Sébastien : Oui c’est ça, on boude ! haha

 

Joseph, tu as un lien particulier avec la France, avec la chanson française… C’était important d’avoir un titre en français sur ce repackage ?

Joseph : Avant de rencontrer ma femme, je ne connaissais pas très bien la musique française. Bien sûr, j’avais écouté Daft Punk ou ce genre de choses, mais pas du tout Françoise Hardy, Serge Gainsbourg, Claude François et tous les autres… les classiques quoi ! Et plus tu entends de pop classique française, plus tu réalises que ça a beaucoup influencé le monde de la pop en général. Et maintenant, je sais que quand tu écris en français les phrases sont très différentes par rapport à l’anglais. Et tu peux jouer avec les mots d’une manière très spéciale. Ça m’a beaucoup intéressé, mais je n’avais pas encore les outils pour écrire une bonne chanson. Juste avec ma femme on a trouvé « J’en ai assez vu » et c’était suffisant pour moi ! haha. J’avais envie de le mettre sur ce repackage. Et j’espère que « J’en ai assez vu » pourra devenir un slow connu en France.

 

On sent que la collaboration entre vous deux s’est bien passée : on peut espérer/imaginer des collab’ futures entre vous ? 

Sébastien : Personnellement, j’aimerais bien ! Ça serait un bonheur de me retrouver une semaine en studio avec Joseph, à régler des synthés, à pré-mixer des maquettes… Clairement.

Joseph : On peut faire ça chaque Noël ! Haha. Non mais plus sérieusement, oui moi aussi j’aimerais. À mon avis ça peut être très cool.

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