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7 février 2025

Collectif 135, art de vivre et ‘dry music’ | INTERVIEW

par Oumeyma Aouzal

Adelmark, Big Balth, Issam et SW, quatre membres du collectif 135. Leur son, à la croisée du rap et des beats électroniques, incarne leur concept de « dry music », un mélange audacieux qui repousse les frontières des genres. 

Le collectif 135, originaire du XIIIᵉ arrondissement de Paris, regroupe une douzaine de membres : rappeurs, beatmakers, vidéastes et graphistes. Leur premier EP, Blue Dry, a marqué les débuts de cette aventure musicale innovante. On les a reçus à la rédaction, dans le cinéma, installés confortablement dans les fauteuils rouges. Entre influences variées et énergie contagieuse, ils nous ont permis d’entrer dans leur univers unique et de parler de leur deuxième EP dispo ce vendredi 7 février.

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Pourquoi avoir choisi le nom 135 pour le collectif ? Y a-t-il une signification particulière ou une histoire derrière ?

Adelmark : Au tout début, je bossais sur Ableton. La première fois que je l’ai craqué, il avait un bug : le BPM était bloqué à 135, impossible de le changer. Du coup, tous mes premiers sons étaient à cette vitesse-là. Avec le temps, c’est resté. Et on a gardé ce chiffre pour la suite.

Big Balth : Nos compos sont entre plusieurs univers : house, trap… 135 BPM, c’était la base des premiers morceaux qu’on a faits. Et ça fait aussi écho à des groupes qu’on aime, comme 113.

 

Vous êtes douze dans le collectif, avec des casquettes différentes. Comment vous organisez-vous pour travailler ensemble ?

Issam : Pour être honnête, au début c’était chaotique. Mais avec le temps, on a réussi à structurer notre façon de bosser avec des pôles d’activité.

Adelmark : Tout le monde ne savait pas faire une pochette ou du graphisme, donc ceux qui avaient ces compétences-là prenaient en charge ces parties. En gros, dès qu’il y avait un besoin, on avait toujours quelqu’un pour y répondre.

Big Balth : Le plus gros défi, c’est juste de réussir à réunir tout le monde dans la même pièce ! (rires) Le plus compliqué aussi, c’est de mettre tout le monde d’accord sur une direction commune. Chacun a son avis, ses idées et trouver un terrain d’entente n’est pas toujours évident. Mais ce qui nous rassemble avant tout, c’est la musique. Par exemple les prods d’Adelmark, c’est un point de ralliement : on a déjà posé à dix sur un même son. Au final, c’est ça qui nous met tous d’accord.

 

Vous décrivez votre style comme de la ‘dry music’ ? Comment ce concept est-il né ?

Big Balth : À la base, c’était une drill… qui a déraillé ! (rires)

Issam : Sur l’un de nos premiers sons, il y avait un couplet de Big Balth. Et Marco a rajouté un pattern dessus qui a complètement changé le groove. Ça a donné un tempo plus électronique, plus entraînant. On s’est rendu compte que cette ambiance collait parfaitement avec ce qu’on faisait déjà, alors on a poussé le délire plus loin. Mais la dry, ce n’est pas simplement un mélange drill-électro : c’est bien plus large, avec plein d’influences et de couleurs différentes.

Adelmark : Il n’y a pas vraiment de logique précise derrière. C’était surtout un moyen de s’identifier, de se situer dans la marée de genres musicaux. Pendant longtemps, on bossait sur des productions faites chez moi, pas forcément bien mixées, assez brutes… Le son était sec, un peu rugueux à l’oreille. Au final, ce côté ‘dry’ nous représentait bien, autant dans le mix que dans l’énergie.

 

« On veut injecter à la dry music des influences techno, ghettotech, acid, voire même des sonorités orientales ou introspectives, qui tirent vers la deep house » 135

 

Votre deuxième EP sort le 7 février. Quel était le point de départ ?

Adelmark : Même sans avoir en tête de faire un EP au départ, on a naturellement commencé à enregistrer des morceayx à 8, 9, 10 personnes. Mais on s’est vite rendu compte que pour quelqu’un qui ne nous connaissait pas, c’était le chaos : difficile de savoir qui est qui, qui rappe à quel moment. Ce côté un peu cryptique était marrant, mais inconsciemment, l’objectif est devenu plus clair : proposer un projet plus identifiable, avec des morceaux en duo, en trio et d’autres plus collectifs.

SW : Au niveau des instrus, on a voulu pousser plus loin le concept, expérimenter pour donner une vraie direction à notre ‘dry music’.

Big Balth : Exactement ! On veut injecter à la dry music des influences techno, ghettotech, acid, voire même des sonorités orientales ou introspectives, qui tirent vers la deep house. On est plein d’individualités, alors chacun apporte sa propre touche. Adelmark, par exemple, continue d’explorer et d’affiner son son, ce qui nous pousse tous à aller encore plus loin.

 

Quelles ont été vos influences musicales dans le processus de création de cet EP ?

Issam : On a tous nos influences perso, donc c’est assez varié !

Big Balth : Il y a quand même quelques noms qui nous mettent tous d’accord et qui ont marqué nos sessions. Overmono, le duo anglais, pour la précision de leurs instrus et leur approche musicale. Côté rap, chacun a ses références, mais un artiste comme Kwengface, qui a d’ailleurs collaboré avec Overmono, ressort souvent. En français, il y a aussi Jwles qui nous inspire.

Adelmark : Je suis beaucoup influencé par la house de Chicago. Ce qui est intéressant, c’est que chaque rappeur du collectif a ses propres influences rap, mais ils viennent poser sur mes prods qui elles, tirent vers d’autres univers. On retrouve aussi des inspirations French Touch, comme Étienne de Crécy.

Lorsque vous créez des morceaux, vous êtes sans doute influencés, consciemment ou non, par des événements sociaux ou politiques. Comment les environnements de chacun d’entre vous, enrichissent-ils votre musique ?

SW : Dans les morceaux de groupe, l’écriture est particulière. Comme on est beaucoup, on n’a pas toujours de place pour s’exprimer. Donc c’est difficile d’être vraiment introspectif sur un son. Plus on réduit le nombre de voix, plus on peut creuser un thème précis.

Adelmark : C’est justement l’un des intérêts de cet EP, où il y a des duos, pas seulement des titres tous ensembles.

Vos morceaux racontent une certaine vision de la liberté, de la jeunesse et de la vie nocturne. Quel message ou ressenti souhaitez-vous transmettre à votre génération ?

Big Balth : On est juste le reflet de cette réalité. Je suis jeune, je vis beaucoup la nuit et j’essaye d’être libre. Forcément, ça se ressent dans notre musique. Et c’est pareil pour tout le collectif.

Ce qui est intéressant, c’est qu’on se complète bien avec Adelmark. Les dix rappeurs n’ont pas forcément la même vision que le producteur. C’est cette rencontre entre nos énergies qui donne un truc unique. Si c’était ‘juste’ du chaos, des soirées et du bordel, il n’y aurait pas vraiment de construction derrière. Marc est plus posé-structuré : il nous aide à canaliser cette énergie pour en faire quelque chose de concret. C’est ce mélange qui fait la force du collectif.

 

« La mentalité 135 : kiffer sa life, kiffer ensemble, profiter de la nuit et faire bouger les gens » 135

 

Dans « Apocalypse« , vous dites « 135, l’art de vivre ». Qu’est-ce que cette phrase signifie pour vous ? Comment décririez-vous l’art de vivre à la 135 ?

Issam : C’est la ‘mentalité 135’ : kiffer sa vie, kiffer ensemble, profiter de la nuit et faire bouger les gens. Comme on l’a dit dans un autre son, « elle aime quand ça bouge ». Nous aussi. Nos morceaux sont là pour faire vibrer. Ce que je veux c’est transmettre de l’énergie et du plaisir.

 SW : Musicalement on essaie d’être ouvert d’esprit, de tester des nouveautés, de ne se fermer aucune porte. 135 n’est pas un groupe figé, c’est un collectif. On se connaît depuis longtemps, mais il y a aussi des nouveaux qui arrivent. C’est la détermination et le travail qui comptent. Si t’as un vrai truc à proposer, si t’as une originalité, alors tu peux poser sur un morceau et, petit à petit, intégrer le collectif. On n’a jamais été fermés.

Issam : Ce qui rend 135 authentique, c’est qu’au-delà du talent, il faut une vraie connexion humaine. Si on n’est pas potes, tu ne peux pas être 135.

 

À la fin du morceau « Apocalypse », il y a une longue séquence instrumentale -d’environ 1 minute 30- avec des sonorités raï. Pourquoi avez-vous fait ce choix ? Qu’est-ce que vous vouliez exprimer ou faire ressentir via cette partie 100% musicale ?

Big Balth : C’est dans le sang.

Adelmark : J’adore comme les gars rappent. Mais sur ce passage, l’idée était d’explorer une autre dimension du morceau. En tant que producteur, ça m’amuse de sortir du cadre habituel et d’expérimenter. C’est un exercice différent qui donne du relief au track. Et surtout, c’est beau à l’écoute.

135

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« Il y a vraiment cette fusion entre l’énergie du collectif et l’atmosphère du club » 135

 

Le 13 février, vous êtes au BGO Barbara. Ça donne quoi un live de 135 ?

Issam : Faut venir pour le vivre, parce que c’est vraiment une expérience unique. Un conseil : dormez bien la veille (rires).

Big Balth : C’est des moments où on est tous ensemble sur scène. On prévoit un show où il y a autant de morceaux collectifs que de morceaux solo ou en duo. Ça crée des ambiances différentes, mais toujours dans un esprit collectif.

Adelmark : Il y a vraiment cette fusion entre l’énergie du collectif et l’atmosphère du club.

 

Comment voyez-vous l’évolution du collectif dans les prochaines années ? À quand l’album ?

Big Balth : On espère beaucoup de lives, que ce soit en festivals, en clubs… et pourquoi pas un Bercy (rires) ! Pourquoi pas un album bientôt.

Adelmark : On va continuer à pousser le délire. On a posé les bases, maintenant il faut les développer. Le but, c’est de créer quelque chose de pertinent, que chaque morceau ait du sens et sa musicalité. Il ne s’agit pas ‘juste’ de mettre un beat électro et un couplet de rap dessus : il faut que tout ça soit cohérent pour qu’on puisse sortir notre épingle du jeu.

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