Andrew Weatherall / ©Tom Mcshane

Andrew Weatherall par David Holmes : “Il aimait aller vers le bizarre, le décalé, le dangereux.”

Le com­pos­i­teur de BO de films (la trilo­gie Ocean, Logan Lucky…) et artiste élec­tron­ique bri­tan­nique, sig­nataire notam­ment de quelques pépites sur Warp, Soma, Go! Beat ou encore Jock­ey Slut dans les années 90, David Holmes, a livré au jour­nal anglais The Guardian ce same­di un témoignage sincère et touchant de sa rela­tion avec la légende Andrew Weather­all. Nous vous en avons sélec­tion­né quelques pas­sages. Une bonne occa­sion de revenir sur le par­cours d’un artiste qui va beau­coup man­quer au monde de la musique.

Il aimait aller vers le bizarre, le décalé, le dangereux.”

Je com­mencerais par dire que mix­er, remix­er et pro­duire ne fai­saient que compter par­mi les choses qu’An­drew fai­sait. Je l’ai tou­jours estimé comme une présence plus générale. Pass­er une journée avec Andrew, un joint et une tasse de thé était comme une expéri­ence éduca­tive. Je le quit­tais à chaque fois plein d’en­t­hou­si­asme, prêt à l’at­taque. Il ne pou­vait pas s’empêcher de vous par­ler du disque qu’il venait d’en­ten­dre, du nou­veau film qu’il venait de voir ou du nou­veau livre qu’il venait de lire, parce qu’il voulait vous faire goûter ce qu’il venait d’ex­péri­menter. Il n’é­tait ni hau­tain ni pré­ten­tieux. Il voulait juste partager cet amour.”

Andrew Weatherhall_à Londres en 2001

Andrew Weath­er­hall à Lon­dres en 2001 / © Paul Blackwood

En 1990, je l’ai vu jouer dans un club à Lon­dres. Il était déjà ce DJ bril­lant, mythique. Je me sou­viens trou­ver le courage d’aller le voir et lui dire : “Salut, je m’ap­pelle David. J’habite à Belfast. Ça te dirait d’y venir et jouer dans mon club le Sug­ar Sweet ?” Il m’a répon­du : “J’aimerai beau­coup venir à Belfast ! J’ai lu telle­ment de bouquins dessus.” Il est arrivé avec ses cheveux bouclés, ses bottes de moto, son pan­talon de cuir et son cha­peau bre­ton. Il avait la classe. À l’époque, beau­coup de DJs ne venaient pas jusqu’à Belfast, et pour cause ! Je com­prends. Mais Andrew était fasciné par la ville. Il aimait aller vers le bizarre, le décalé, le dan­gereux. Il ado­rait les marginaux.”

 

À lire également
En écoute : le CD mixé d’Andrew Weatherall pour Tsugi

 

Andrew était respec­té partout sur la planète. Il jouait de tout : des musiques de films au dub, du post-punk au dis­co obscur. Per­son­ne n’ar­rivait à les rassem­bler comme lui le fai­sait. C’é­tait le maître de l’en­chaîne­ment : ce que tu vas jouer après. Il était con­stam­ment en train de chercher cette sen­sa­tion que l’on ressent lorsque qu’on entend quelque chose de bril­lant pour la pre­mière fois et il pre­nait énor­mé­ment de plaisir à regarder les gens sur le dance­floor car il savait qu’eux, l’en­tendaient pour la pre­mière fois. Je me sou­viens de lui expli­quant que, lorsqu’il était jeune, il allait acheter cinq ou six dis­ques, puis il avait envie de ren­tr­er chez lui et de tous les écouter en même temps. Il savait exacte­ment de quoi il parlait.”

Il savait exacte­ment de quoi il parlait.”

Il a fait telle­ment d’al­bums avec telle­ment de gens, sous telle­ment de noms dif­férents, des Aspho­dells aux Sabres of Par­adise, mais ça son­nait tou­jours Weather­all. Il était le maître du temps et du min­i­mal­isme. Il lais­sait tout respir­er. Il avait décidé que la pro­duc­tion n’é­tait pas le chemin à suiv­re — il détes­tait le mot “car­rière” — qu’il souhaitait éradi­quer. L’idée d’être dans la même pièce qu’un groupe de musi­cien et ne pas pou­voir s’ex­primer libre­ment n’é­tait juste pas envis­age­able pour lui. Remix­er était le for­mat idéal pour lui. Lorsqu’il a pro­duit Screa­madel­i­ca de Pri­mal Scream, ils lui ont juste don­né les par­ti­tions, donc il s’est retrou­vé à sculpter ce disque d’une façon qui pou­vait marcher sur un dance­floor. Andrew n’a jamais été bon à recevoir des ordres. Le moin­dre signe de com­pro­mis et il s’en allait.”

 

À lire également
Le magazine Jockey Slut renaît en publiant un livre-hommage à Andrew Weatherall
Écouter : un excellent track en hommage à Andrew Weatherall par Overmono (Truss & Tessela)
Daniel Avery rend hommage au “héros” Andrew Weatherall avec ce nouveau track planant
En écoute : le CD mixé d’Andrew Weatherall pour Tsugi

 

Andrew était l’une des per­son­nes les plus intel­li­gentes que j’ai con­nu : naturelle­ment bril­lant et très curieux. Comme il pas­sait telle­ment de temps dans les avions, il était tout le temps en train de lire. Il dévo­rait l’in­for­ma­tion si rapi­de­ment et rete­nait tout. Il s’ex­pri­mait égale­ment très bien. J’ai essayé de l’en­cour­ager à écrire un livre.” 

L’in­té­gral­ité du texte est à lire ici.

Andrew Weatherall au Cabaret Voltaire pour We Are... Electric à Édimbourg le 9 Août 2006

Andrew Weather­all au Cabaret Voltaire pour We Are… Elec­tric à Édim­bourg le 9 Août 2006 / © Cabaret Voltaire

(Vis­ité 905 fois)