L'œuvre d'art en NFT mise aux enchères / ©Weirdcore, Aphex Twin

Aphex Twin a mis aux enchères une œuvre d’art en NFT. Mais c’est quoi au juste ?

Alors qu’Aphex Twin a mis aux enchères une œuvre d’art numérique sous la forme d’un NFT unique (non-fungible token), on s’est demandé à quoi cette tech­nolo­gie issue de la blockchain pou­vait bien servir dans la musique. On vous explique.

L’œu­vre d’Aphex Twin et Weird­core en question

L’enchère pour l’œu­vre d’art d’Aphex Twin, co-réalisée avec l’artiste Weird­core sous forme de NFT à un seul exem­plaire, est actuelle­ment à plus de 128 000 dol­lars. Nous-mêmes étions inter­loqués en voy­ant que le 10 mars, XLR8R lançait un marché de musique élec­tron­ique dédié à ces tokens numériques, une tech­nolo­gie de la blockchain, la même qui fait fonc­tion­ner les cryp­tomon­naies. On l’avait égale­ment remar­qué quand le 28 févri­er, la chanteuse Grimes avait mis aux enchères des œuvres d’art numériques qui s’é­taient envolées en moins de 20 min­utes, pour la bagatelle de 5,8 mil­lions de dol­lars. Ces œuvres pre­naient elles aus­si la forme de NFTs : des jetons non-fongibles. Mais qu’est-ce que c’est exactement ?

Un moyen sup­plé­men­taire pour ren­dre des col­lec­tion­neurs fous ? Possible.

Pour sim­pli­fi­er, le NFT existe depuis 2017 et est comme une sorte de cer­ti­fi­cat numérique d’au­then­tic­ité car un NFT est unique. Un fichi­er numérique, par nature, peut être aisé­ment copié et dis­tribué instan­ta­né­ment, il ne peut pas être rare. En achetant un NFT, l’a­cheteur a la preuve de sa pro­priété et de son orig­ine, il sait qu’il n’a jamais été dupliqué et qu’il pos­sède le seul exem­plaire de tout le Web. Chaque jeton a ses pro­pres iden­tité, authen­tic­ité et traçabilité.

Aphex Twin

© Chris McCoy

Vous l’au­rez com­pris, c’est le token, c’est‑à dire-le con­tenant, qui est rare, pas l’œuvre con­tenue en elle-même. C’est exacte­ment le même principe qui régit celui des copies de vinyles numérotées : un disque numéroté spé­ci­fique sera rare et aura de la valeur, pas l’œuvre con­tenue dessus. Ain­si, on avait déjà pu enten­dre par­ler des NFTs avec le buzz des Cryp­toKit­ties en 2017, qui n’ont aucune autre util­ité que d’être col­lec­tion­nés, à l’in­star des stick­ers Pani­ni. Un moyen sup­plé­men­taire pour ren­dre des col­lec­tion­neurs fous ? Possible.

Cette tech­nolo­gie s’ap­plique ain­si par­faite­ment au monde de la musique et de l’art en général. Les défenseurs des NFTs arguent que si la musique est ven­due sous cette forme, il sera cer­tain que le fichi­er ven­du est authen­tique, en sachant qui en étaient le(s) propriétaire(s) précédent(s). Un autre avan­tage pour les artistes serait de gag­n­er de l’ar­gent en ven­dant leur musique directe­ment aux fans, plutôt que de pass­er par les plate­formes de stream­ing, peu rémunéra­tri­ces. Surtout, cer­taines plate­formes de NFTs garan­tis­sent que les artistes touchent une part sur la revente de leurs œuvres, ce qui n’est actuelle­ment pas le cas sur Discogs, la plus grande plate­forme de revente de musique.

Aphex Twin

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Les ques­tions éthiques soulevées par ces nou­veaux tokens sont mul­ti­ples, notam­ment envi­ron­nemen­tales ; on estimerait l’im­pact envi­ron­nemen­tal d’un seul NFT équiv­a­lent à la con­som­ma­tion d’élec­tric­ité d’un citoyen européen pour un mois, ou d’un vol de deux heures. On com­prend alors pourquoi Richard D. James a déclaré qu’une par­tie de l’ar­gent de la vente sera rever­sée à une asso­ci­a­tion écologique. Aus­si, pour l’in­stant ven­dus dans des ventes aux enchères, les NFTs ori­en­tent le monde de la musique vers un cas de fig­ure sim­i­laire à celui de l’art mod­erne, où les tableaux devi­en­nent par­fois des objets de spécu­la­tion, sans même que la valeur artis­tique reste per­ti­nente. La ques­tion de la valeur de l’art se pose, alors que ces fichiers de col­lec­tion rendraient la musique inabor­d­able pour les moins aisés, comme lorsque le Wu-Tang avait mis Once Upon a Time in Shaolin en vente à un seul exem­plaire. Enfin, le traçage de la pro­priété des NFTs implique aus­si de savoir si les comptes déten­teurs pour­ront être iden­ti­fiés, et cela pour­rait aller à l’en­con­tre du droit à la vie privée.