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©Mathieu Zazzo pour Tsugi
12 mars 2021

📀 Album du mois : Feu! Chatterton ramĂšne Arnaud Rebotini sur le disque qu’on attendait

par Tsugi

C’est l’album du mois du Tsugi 138 : Palais d’argile de Feu! Chatterton, produit par Arnaud Rebotini.

Chronique issue du Tsugi 138 : Feu! Chatterton & Arnaud Rebotini, disponible en kiosque et en ligne.

On ne dit jamais non Ă  une proposition aussi ambitieuse, qui nous extirpe de la morositĂ© ambiante. D’autant que le dĂ©fi est relevĂ© haut la main.

Ils ont cĂ©dĂ© aux sirĂšnes de l’électronique. Et ils ont bien fait. Sensation du rock francophone des annĂ©es 2010, le quintette Feu! Chatterton dĂ©marre cette nouvelle dĂ©cennie par un plongeon dans les machines. La surprise n’est pas totale : leur premier album, Ici le jour (a tout enseveli), en 2015, Ă©voluait dans une veine new wave, plus ou moins post-Bashung. Un genre qui s’accommode bien de touches d’électronique, comme sur « La Malinche », qui Ă©voquait carrĂ©ment LCD Soundsystem. Pour le successeur, L’Oiseleur, en 2018, on sentait un grand pas en avant au niveau de la production, plus ambitieuse, et aux influences plus larges, Ă  l’image de « L’Ivresse » et son beat hip-hop. Mais avec ce troisiĂšme album, la bande d’Arthur Teboul passe Ă  la vitesse supĂ©rieure. Il suffit de voir le casting pour s’en rendre compte : Arnaud Rebotini assure la production, tandis que Nk.F, prisĂ© par Damso, PNL et bien d’autres, s’occupe du mixage. Et la diffĂ©rence saute aux yeux : les claviers sont partout dans ce Palais d’argile, et certains titres nous rappellent au souvenir des dancefloors (« Cristaux liquides », « Écran total »).

©Mathieu Zazzo pour Tsugi

MĂȘme les compositions les plus rock s’habillent en synthĂ©tique, avec des sonoritĂ©s autant rĂ©tro que modernes. Mais l’ambition du groupe ne se limite pas Ă  sortir son « disque d’électro ». Tout sonne d’une maniĂšre renouvelĂ©e, ici, de la batterie aux guitares. Et Feu! n’abandonne pas ses qualitĂ©s dĂ©jĂ  acquises. En particulier, bien sĂ»r, les textes poĂ©tiques qui font l’identitĂ© du groupe. Teboul puise toujours dans Apollinaire, Char ou Baudelaire et mĂȘme PrĂ©vert, dont il reprend le poĂšme sur « Compagnons », mais dĂ©laisse les beautĂ©s mĂ©diterranĂ©ennes pour parler de notre modernitĂ© froide, oscillant entre nostalgie, ironie et optimisme. DĂšs l’ouverture, on explore notre « Monde nouveau », Ă  la fois beau et difficile (et le texte date d’avant l’épidĂ©mie, c’est dire). Bref, l’album est d’une ambition Ă©norme.

Alors qu’on a tendance Ă  rĂ©duire Feu! Chatterton au personnage nĂ©o-dandy d’Arthur Teboul, les cinq musiciens ont toujours fonctionnĂ© de maniĂšre trĂšs unie, avec un plaisir profond de jouer et chercher ensemble. Chacun y amĂšne ses influences – trĂšs diffĂ©rentes –, et il semble qu’ils ont tentĂ© de tout faire tenir ensemble ici. Une dĂ©marche forte, mais qui deviendrait vite indigeste si des moments de dĂ©tente n’étaient pas amĂ©nagĂ©s de temps en temps. La plupart des titres sont longs, dĂ©passant rĂ©guliĂšrement les cinq minutes, et on Ă©chappe difficilement au syndrome du « ventre mou » vers la fin du disque. Heureusement, des pas de cĂŽtĂ©s comme « PanthĂšre », dans un dispositif guitare-voix pris comme sur le vif dans une chambre de 10 m2 en plein Paris, permettent de respirer hors de ce palais monumental. On pourrait leur reprocher de se prendre au sĂ©rieux, d’ĂȘtre pompeux voire dans la frime. De notre cĂŽtĂ©, on ne dit jamais non Ă  une proposition aussi ambitieuse, qui nous extirpe de la morositĂ© ambiante. D’autant que le dĂ©fi est relevĂ© haut la main.

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À l’Olympia le 29 novembre 2021

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