📀 Album du mois : Feu! Chatterton ramène Arnaud Rebotini sur le disque qu’on attendait
C’est l’album du mois du TsuÂgi 138 : Palais d’argile de Feu! ChatÂterÂton, proÂduit par Arnaud ReboÂtiÂni.
Chronique issue du TsuÂgi 138 : Feu! ChatÂterÂton & Arnaud ReboÂtiÂni, disponible en kiosque et en ligne.
On ne dit jamais non Ă une propoÂsiÂtion ausÂsi ambitieuse, qui nous extirpe de la morositĂ© ambiante. D’autant que le dĂ©fi est relevĂ© haut la main.
Ils ont cĂ©dĂ© aux sirènes de l’électronique. Et ils ont bien fait. SenÂsaÂtion du rock franÂcophÂoÂne des annĂ©es 2010, le quinÂtette Feu! ChatÂterÂton dĂ©marre cette nouÂvelle dĂ©cenÂnie par un plonÂgeon dans les machines. La surÂprise n’est pas totale : leur preÂmier album, Ici le jour (a tout enseveli), en 2015, Ă©voluÂait dans une veine new wave, plus ou moins post-Bashung. Un genre qui s’accommode bien de touchÂes d’électronique, comme sur « La MalÂinche », qui Ă©voÂquait carÂrĂ©Âment LCD SoundsysÂtem. Pour le sucÂcesseur, L’Oiseleur, en 2018, on senÂtait un grand pas en avant au niveau de la proÂducÂtion, plus ambitieuse, et aux influÂences plus larges, Ă l’image de « L’Ivresse » et son beat hip-hop. Mais avec ce troisième album, la bande d’Arthur Teboul passe Ă la vitesse supĂ©rieure. Il sufÂfit de voir le castÂing pour s’en renÂdre compte : Arnaud ReboÂtiÂni assure la proÂducÂtion, tanÂdis que Nk.F, prisĂ© par Damso, PNL et bien d’autres, s’occupe du mixÂage. Et la difÂfĂ©rence saute aux yeux : les claviers sont partout dans ce Palais d’argile, et cerÂtains titres nous rapÂpelÂlent au souÂvenir des danceÂfloors (« Cristaux liqÂuides », « Écran total »).

©MathÂieu ZazÂzo pour Tsugi
MĂŞme les comÂpoÂsiÂtions les plus rock s’habillent en synÂthĂ©Âtique, avec des sonoritĂ©s autant rĂ©tro que modÂernes. Mais l’ambition du groupe ne se limÂite pas Ă sorÂtir son « disque d’électro ». Tout sonne d’une manière renouÂvelĂ©e, ici, de la batÂterie aux guiÂtares. Et Feu! n’abandonne pas ses qualÂitĂ©s dĂ©jĂ acquisÂes. En parÂtiÂcÂuliÂer, bien sĂ»r, les textes poĂ©Âtiques qui font l’identitĂ© du groupe. Teboul puise touÂjours dans ApolÂliÂnaire, Char ou BaudeÂlaire et mĂŞme PrĂ©vert, dont il reprend le poème sur « ComÂpagnons », mais dĂ©laisse les beautĂ©s mĂ©diterÂranĂ©ennes pour parÂler de notre moderÂnitĂ© froide, oscilÂlant entre nosÂtalÂgie, ironie et optiÂmisme. Dès l’ouverture, on explore notre « Monde nouÂveau », Ă la fois beau et difÂfiÂcile (et le texte date d’avant l’épidĂ©mie, c’est dire). Bref, l’album est d’une ambiÂtion Ă©norme.
Alors qu’on a tenÂdance Ă rĂ©duire Feu! ChatÂterÂton au perÂsonÂnage nĂ©o-dandy d’Arthur Teboul, les cinq musiÂciens ont touÂjours foncÂtionÂnĂ© de manière très unie, avec un plaisir proÂfond de jouer et chercher ensemÂble. ChaÂcun y amène ses influÂences – très difÂfĂ©rentes –, et il semÂble qu’ils ont tenÂtĂ© de tout faire tenir ensemÂble ici. Une dĂ©marche forte, mais qui deviendrait vite indiÂgeste si des moments de dĂ©tente n’étaient pas amĂ©ÂnagĂ©s de temps en temps. La pluÂpart des titres sont longs, dĂ©pasÂsant rĂ©gulièreÂment les cinq minÂutes, et on Ă©chappe difÂfiÂcileÂment au synÂdrome du « venÂtre mou » vers la fin du disque. HeureuseÂment, des pas de cĂ´tĂ©s comme « PanÂthère », dans un disÂposiÂtif guitare-voix pris comme sur le vif dans une chamÂbre de 10 m² en plein Paris, perÂmeÂtÂtent de respirÂer hors de ce palais monÂuÂmenÂtal. On pourÂrait leur reprocher de se prenÂdre au sĂ©rieux, d’être pomÂpeux voire dans la frime. De notre cĂ´tĂ©, on ne dit jamais non Ă une propoÂsiÂtion ausÂsi ambitieuse, qui nous extirpe de la morositĂ© ambiante. D’autant que le dĂ©fi est relevĂ© haut la main.
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Ă€ l’Olympia le 29 novemÂbre 2021