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©David Boschet
26 février 2020

Astropolis Hiver : s’il fallait mourir, ce serait à Brest

par Anaëlle Abasq

Mi-février se déroulait à Brest la 9e édition hivernale du premier festival de musiques électroniques de France, Astropolis. Récit de cette aventure, qu’il va falloir remettre le 1er juillet pour l’édition d’été, dont les premiers noms viennent de tomber.

Photos : Margot Dejeux, Evan Lunven, David Boschet

« Il est où l’after ? » Qu’il soit 4h en sortant de La Carène, ou 6h à la sortie de La Suite, hors de question d’arrêter de taper du pied si tôt sur le port de Brest. On ouvre les coffres de voitures, on branche les enceintes et on fait résonner la musique jusqu’à la gare. Le week-end dernier, pour la neuvième édition d’Astropolis Hiver, les festivaliers et festivalières ont vaincu la tempête Dennis. Ils ont été 6 400 à fréquenter les différents lieux du festival, qui s’est déroulé du jeudi au dimanche, à l’extrémité de la pointe bretonne.

Tout commence dès 16h, à Passerelle, le centre d’art contemporain du quartier Saint-Martin. Sous son immense verrière, ça fouille dans les bacs du traditionnel Vinyl Market, ça discute une bière à la main, ça s’installe sur des poufs ou ça s’échauffe les jambes devant les premières prestations. Le samedi, c’est l’artiste Antoine Garrec qui captive le public chahutant de Passerelle. Le chanteur à synthétiseurs, originaire de la petite ville finistérienne de Pont-L’Abbé, présente un live scénique, animé par les décors colorés de la plasticienne Zoé Dubus. Une collaboration toute fraîche, jouée pour la deuxième fois seulement, à l’occasion d’Astropolis. Sur la musique inspirée de micro-cataclysmes sentimentaux du quotidien, comme la disparition de la caissière du Lidl ou l’attente d’un SMS, un couple de danseurs évolue dans une étrange jungle urbaine. Un univers « un peu enfantin » qui s’allie parfaitement avec la poésie d’Antoine Garrec, oscillant entre mélodies romantiques, douceurs narratives et envolées rageuses viscérales.

Antoine Garrec

À 22h, le palace des nuits électro brestoises (aka La Carène) ouvre ses portes. Après avoir sillonné la ville depuis le jeudi au volant du Cool bus, pour faire découvrir au jeune public ses synthés modulaires, Monolithe Noir ouvre le grand bal électronique du week-end. Pour cette première soirée, le Club de la Carène est immédiatement retourné par l’énergie survoltée de Bracco. À coup de beats saturés et de riffs de guitare, le duo parisien du label Le Turc mécanique réveille l’ambiance techno-rock-punk (et oui, tout ça d’un coup) du port de Brest, à tel point qu’avec un peu d’effort, on peut vraiment se croire dans un bunker.

2h10, « à l’heure où les matelots dégueulent sous les étoiles », on se demande ce qu’il y a dans la techno de DJ Varsovie pour que le Club de La Carène soit ainsi transcendé. Peut-être la fougue du compositeur qui sait que ces nuits ne dureront pas éternellement. « J’ai un problème d’audition qui s’aggrave. Je ne peux jouer que dans des conditions très spécifiques. » Ce soir-là, ce n’est que la troisième fois, depuis la sortie de son premier EP en 2017, qu’il accepte de jouer. « Habituellement je mets mon nom sur l’affiche mais je reste au guichet. » Réveillant en chacun des souvenirs qu’on tente d’exorciser en secouant la tête et en agitant le corps, la musique de DJ Varsovie est à l’image de la mémoire industrialo-portuaire de Brest : vétuste mais sans cesse vécue. Avec le flot d’images qu’il déverse à la minute, on devine que les émotions et les idées soufflent aussi fort dans son esprit, que la tempête sur la ville. Un amour des mots qui pourrait pousser le producteur hyper-actif à troquer, prochainement, les beats techno contre un projet de variété française. On ne vous en dit pas plus.

Bracco

DJ Varsovie

Samedi soir, entre les grooves fédérateurs de Folamour et du très attendu pionnier de l’acid house DJ Pierre, le set aux touches funky de la Londonienne Moxie est une belle découverte pour une grande partie du public. Après avoir célébré l’amour de la musique électronique et dansé jusqu’à en faire vibrer le port, il est temps pour lui de quitter La Carène. À la sortie, le défi est presque devenu une tradition : franchir les portes avec, sous le bras, un des fameux transats du hall. En équipe ou en solo, mais toujours dans un esprit bon enfant, les festivaliers et festivalières rusent de stratagèmes. « Eh eh toi, tu me laisses ça. » De justesse, le programmateur Yannick Martin rattrape un clubbeur qui tente de fuir avec le prestigieux trophée. Le voleur, vêtu d’un peignoir bleu ciel, rebondit avec humour : « C’était pour prendre un bain de soleil ».

 

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Le lendemain, le soleil n’a toujours pas montré un rayon que la nuit tombe à nouveau. Pour combattre le blues du dimanche soir, l’équipe d’Astropolis propose une ultime soirée, sous un nom devenu un véritable cri de ralliement de fin de festival « MOURIR À BREST » ! C’est au port de plaisance, vue sur la rade, que les survivants et survivantes se rassemblent pour épuiser les dernières énergies, étirer le moment jusqu’au bout, partager et danser devant les machines détonantes de Raymond D. Barre ou sur la house revigorante des membres du collectif brestois La Singerie.

S’il fallait danser et aimer jusqu’à en mourir, ce serait à Brest, bien évidemment, qu’on le ferait.

Folamour

Moxie

DJ Pierre

Raymond D. Barre

DÔME, à La Suite

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