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26 février 2020

Coronavirus : depuis les clubs vides, les DJs chinois créent la « cloud rave »

par Sylvain Di Cristo

Le 19 février, le bilan de l’épidémie de coronavirus dépassait les 2 000 morts et les 74 000 contaminés en Chine continentale. Alors que la situation incite au confinement, certains acteurs du monde de la musique et du clubbing n’ont pas voulu que la fête s’arrête pour autant. Sur les réseaux sociaux, la rave fait de la résistance avec certains clubs chinois qui organisent des « cloud raves », des DJ sets streamés en direct des boîtes désertées, pour les clubbeurs chez eux, en quarantaine, et finalement tout le pays.

Diffusés sur des plateformes et réseaux sociaux populaires en Chine (TikTok, Kuaishou…), ces live streams permettent non seulement à la population chinoise de danser aux mêmes heures et sur les mêmes DJ sets qu’en club, mais aident également les établissements à faire rentrer de l’argent dans les caisses, générant des dons en jetons de la part des utilisateurs et autres internautes. Cela va même jusqu’à la création de festivals comme le Bedroom Online Cloud Music, à suivre en direct sur la plateforme Bilibili, et l’on peut même se demander si cela ne va pas devenir une tendance globale et pérenne. Nous avons pu joindre Yue Wang sur place à Pékin, témoin de ce phénomène qu’elle nous explique par email.

« Pour les gros clubs, les gains générés par chaque stream dépassent ceux qui sont normalement générés sur place. »

Live stream du club One Third à Pékin

Déjà, comment allez-vous ? Quelle est l’ambiance générale en Chine et plus précisément là où vous vivez ?

Je vais bien. Je vis à Pékin et la situation épidémique est toujours grave, en particulier dans la province de Hubei [où plus de 400 nouveaux cas d’infection au COVID-19 viennent d’être signalés, ndr]. Dans les régions moins touchées, les gens ont du mal à rester optimistes.

Comment s’organisent ces live streams, sur quelles plateformes ?

Ils sont diffusés depuis le compte des clubs chinois sur deux des plateformes de vidéos courtes les plus populaires de Chine : 抖音 (TikTok) et 快手 (Kuaishou). D’habitude, les clubs streament le vendredi et samedi jusqu’au petit matin, l’équivalent de leurs horaires normales. La première soirée a été diffusée par le club TAXX à Shanghai qui lançait sa « Cloud disco » le 8 février. Puis le One Third à Pékin suivit ainsi que beaucoup d’autres. Je ne sais pas exactement combien mais ce qui est sûr, c’est qu’il y en a de plus en plus.

Sur une vidéo, j’ai pu voir le DJ porter un masque à l’intérieur du club, devant un dancefloor totalement vide. Est-ce obligatoire en Chine de porter le masque, y compris dans cette situation ?

Non, c’est seulement par précaution. Il y a d’autres membres du staff dans le club qu’on ne peut pas voir.

Le Bedroom Online Cloud Music Festival, à suivre en streaming depuis Bilibili

N’est-ce pas dangereux pour le DJ qui se rend au club, sachant qu’il n’y aura personne ? Est-ce que le jeu en vaut la chandelle ?

Il faudrait demander au DJ mais je pense que ça vaut le coup pour les clubs et les DJs quelque part, oui. D’après les statistiques officielles communiquées par le club TAXX, sur les quatre premières heures du premier stream, ils étaient plus de 71 000 à s’y être connectés en même temps, ce qui occupa le top de l’application et généra plus de 700 000 RMB [rénmínbì ou yuan, la monnaie chinoise, ce qui fait plus de 91 000€, ndr]. Le 9 février, le club One Third lançait la « cloud rave » intitulée Dance Live sur TikTok. De 21h à 2h, le compte enregistrait un total de 1,213 millions de visiteurs et recevait environ 20 millions de jetons TikTok de la part des utilisateurs de l’application, équivalents à plus d’un million de RMB (environ 130 000€). Pour les gros clubs, les gains générés par chaque stream dépassent ceux qui sont normalement générés sur place.

Est-ce que les gens, chez eux, dans leur immeuble par exemple, s’organisent pour faire la fête dans un seul et même appartement ?

Je n’en sais rien.

Est-ce le seul moyen de faire la fête en Chine aujourd’hui ?

Je crois bien, oui.

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