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30 août 2019

« Avant la guitare, j’ai d’abord eu un sampleur  » : rencontre avec Sergio Pizzorno, guitariste de Kasabian

par Elie Chanteclair

Profitant d’un petit break de son fameux groupe Kasabian, Sergio Pizzorno s’échappe. On avait toujours soupçonné le guitariste d’être le plus aventurier de la bande, explorant de nouvelles contrées électroniques au fur et à mesure que leur recette post-britpop – qui faisait fureur dans les années 2000 – s’essoufflait. Entre deux albums en meute, le Leicesterien franchit un cap en sortant un premier projet solo portant ses initiales, The S.L.P. Un disque arc-en-ciel qui juxtapose rock, électro, hip-hop et même musique de film, quitte à en devenir un peu indigeste. Mais le résultat vaut au moins une oreille attentive. Plusieurs titres, comme que « The Wu » ou le bipolaire « Favourites » – en collaboration avec la rappeuse Little Simz -, nous montre un Sergio Pizzorno assumant pleinement sa casquette de producteur, qu’il endosse avec une certaine classe à l’anglaise. Riffs de guitares ou découpes de samples : The S.L.P. est le brassage des multiples influences d’un rockeur protéiforme.

Ton album peut se rapprocher de 48 : 13, l’avant-dernier album de Kasabian, qui expérimentait beaucoup de sonorités électroniques. Tu voulais repartir dans cette direction en solo ?

Je ne me suis jamais senti frustré ou vu mes ambitions limitées avec Kasabian. Ensemble, nous avons toujours beaucoup expérimenté. On a simplement décidé de faire une pause d’un an. C’était donc le moment ou jamais de faire mon propre truc. Et cela tombe bien : je vois ce disque comme une excursion, l’occasion de revenir avec de nouvelles trouvailles.

Tu sembles justement avoir exploré énormément de styles musicaux, des musiques électroniques au hip-hop, en passant bien sûr par le rock…

Tout à fait. Le fait d’être en solo m’a appris une toute nouvelle manière de travailler. Quand tu es dans un groupe, tu fais des choses spécifiques, logiquement liées à ton instrument. Mais avec The S.L.P., j’ai pu explorer des terrains plus vastes et inviter en studio des artistes que j’adore. La jeune scène rap britannique notamment, avec des rappeurs comme Slowthai ou Little Simz, m’intéresse beaucoup. À l’avenir, j’aimerais bien produire des artistes émergents qui commencent à peine, et les aiguiller. C’est quand même un milieu difficile, il faut être bien entouré.

Quelle est ta relation avec le hip-hop ?

J’ai grandi avec le gangsta rap, j’en écoutais beaucoup étant ado. Et j’ai commencé à faire des beats avant de savoir jouer de la guitare : mon tout premier instrument était un sampleur ! C’était compliqué à utiliser d’ailleurs… J’ai également eu un petit clavier ; je ne savais pas en jouer mais il me permettait de jouer mes samples. J’ai donc toujours fait des tracks à partir de boucles, en cherchant des sons, en empilant les pistes. Le rock est venu après et les deux styles se sont rencontrés très naturellement. J’ai ce background de beatmaker : le hip-hop et le sample ont toujours été à la base de mon parcours musical.

Tu as beaucoup samplé sur ce disque ?

C’est très dur d’obtenir la permission pour utiliser un sample. Mais il y en a effectivement un de notable : j’ai samplé une vieille annonce issue d’un grand magasin turc, quelque chose de très bizarre (rires).

Ce que tu dis sur ta casquette de beatmaker est intéressant, car ton utilisation même de la guitare a changé sur The S.L.P.. Par exemple, le riff de « Wu » ressemble beaucoup à une boucle de synthé…

J’ai essayé de m’affranchir des règles, des réflexes que j’ai pris avec Kasabian. Avec le groupe, on recherche souvent un son assez agressif, quelque chose de transcendant à travers la violence. Sur The S.L.P.,  » rhythm was the key« . J’ai tenté des choses beaucoup plus minimalistes et rythmiques, moins agressives. Il me fallait trouver une manière de transmettre l’énergie sans violence, en développant notamment le côté émotionnel de ma musique.

Dans cet album, il y a trois interludes musicaux intitulés « Meanwhile… », avec des sonorités très cinématographiques. C’est quelque chose qui t’inspire ?

Tout d’abord, je suis un immense fan de compositeurs du début des années 70, comme Ennio Morricone ou John Barry. Ils parviennent à transmettre des choses incroyables à travers leurs compositions, avec un son très propre. Ensuite, tout le concept de « Meanwhile… » vient des bandes-dessinées, où pendant une scène d’action, le lecteur est transporté vers une intrigue parallèle : « Pendant ce temps là, dans la Batcave… » J’aime évoquer des images, donner un effet de surprise à l’auditeur qui se demande où il va être emmené dans le morceau suivant. Tu fermes les yeux et paf ! Te voilà dans un tout autre univers.

Un autre univers que tu explores est celui des dancefloors, avec notamment « Nobody Else », qui sonne très club…

C’est un morceau estival, il me semble parfait pour rouler en décapotable au milieu de beaux paysages ! Il me fait bizarrement penser à deux choses qui n’ont pas grand-chose à voir : Marvin Gaye, et « Music Sounds Better With You » de Stardust.

C’est drôle, car tu parles surtout d’inspirations américaines ou françaises. Pourtant, l’album sonne assez british. Certaines chansons ont par exemple pu me faire penser à Hot Chip ou Alt-J

À une époque, je n’aimais pas être sans cesse comparé aux mêmes groupes du Nord de l’Angleterre, comme les Stone Roses ou Oasis. C’est une analyse terriblement réductrice, qui met directement ta musique dans une case trop petite pour elle. Mais c’est vrai, je pense qu’un truc unique relie les artistes britanniques ; l’attitude, la personnalité, l’accent. Même si en ce moment, je me sens plus proche de ce que peuvent faire les Français !

Avec sa palette sonore et ses multiples invités, ce disque risque d’être assez complexe à jouer en live. Comment comptes-tu t’y prendre ?

Je ne prévois pas de jouer beaucoup de guitare, plus d’endosser un rôle d’entertainer à l’ancienne. Je veux créer une belle ambiance, avec beaucoup de projections etc… C’est un challenge, on bosse là-dessus en ce moment. Mais en tout cas, cela promet d’être très intéressant !

The S.L.P. est disponible depuis le 30 août :

Et si vous êtes plutôt Spotify :

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