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Blakhat : “avoir fait la cover d’un classique du rap français, ce n’est pas rien”

Blakhat n’a plus rien du sim­ple groupe de potes, créé à l’origine pour tuer le temps pen­dant leurs années d’études. Le col­lec­tif, qui manie aus­si bien la pho­to et le graphisme que des pro­duc­tions orig­i­nales comme la créa­tion de maque­ttes, col­la­bore depuis 2016 avec les grands noms du rap français. Rencontre.

Dans les bureaux de Blakhat, des tables, des ordi­na­teurs, et des posters en grand for­mat, plac­ardés sur un pan de mur : 17%, le dernier album per­son­nel de Leto, ou encore le pro­jet du beat­mak­er Binks Beatz Drip Music 2. Instal­lés à Bor­deaux, les trois mem­bres du col­lec­tif sont fiers du par­cours accom­pli jusque-là. Et il y a de quoi. “Faire la cov­er d’un clas­sique du rap français, ce n’est pas rien”, glisse l’un d’entre eux. Si la réal­i­sa­tion, en 2019, de la pochette de l’album La Men­ace Fan­tôme de Freeze Cor­leone a été un vrai step pour l’équipe, impos­si­ble de résumer Blakhat à ce pro­jet. Par ordi­na­teurs inter­posés, Thomas, Rober­to et Thibaut racon­tent leur histoire.

 

Com­ment est né le col­lec­tif Blakhat ? 

 

Ça a com­mencé en 2016, on était juste un groupe de potes étu­di­ants qui avaient tous des accoin­tances artis­tiques et qui voulaient pass­er le temps. Alors on s’est lancé dans ce pro­jet, pour s’amuser, sans savoir vrai­ment où on allait. Ce n’est pas le tra­vail qui a amené à la créa­tion d’un col­lec­tif, on se demandait surtout ce qu’on allait en faire. On a com­mencé par chercher des petits pro­jets de créa­tion de logos, et assez vite, on s’est dirigés vers ce qui nous touche le plus au quo­ti­di­en et ce que l’on con­somme cul­turelle­ment : la musique. Plutôt que de vis­er des gros artistes ‑même si on a tout de même essayé au début, spoil­er : ça ne marche pas (rires)-, on est allé chercher des artistes qui débu­tent dans leur art, comme nous, plus acces­si­bles sur les réseaux. Et on s’est fait la main comme ça, en ter­mi­nant nos études. 

 

Et après les études ?

 

À ce moment-là, en 2019, notre car­net d’adresses était devenu suff­isam­ment costaud, et on com­mençait à avoir des entrées dans des labels pour faire de la com­mu­ni­ca­tion, mais rien d’incroyable. Le Covid passe et on a eu de la chance, parce que pen­dant le con­fine­ment, il y a eu La Men­ace Fan­tôme. Ce n’est pas ce pro­jet qui nous a fait explos­er, mais dis­ons que ça a déblo­qué un petit truc dans la tête des maisons de disque, qui se sont dit “on va voir ce qu’ils sont capa­bles de faire”.

 

 

LMF

Cov­er de l’al­bum ‘La Men­ace Fan­tôme’, de Freeze Cor­leone — © Blakhat

 

 

La Men­ace Fan­tôme a été un moment charnière pour Blakhat ?

 

Beau­coup de gens se dis­ent “eux, c’est LMF”. Après, c’était en 2019… Ça a été un grand moment pour la musique chez Blakhat, ça nous a ouvert pas mal de portes. Mais notre tra­vail ne s’arrête pas là.

 

Juste­ment, vous faites aus­si du motion design, de la photographie… 

 

Exacte­ment, on fait du graphisme dans son sens large, ça passe de l’édition d’un livre à la créa­tion d’un logo, en pas­sant par la retouche et le pho­tomon­tage d’une pho­to, jusqu’au tex­tile. Pour la vidéo, on fait surtout du motion design mais aus­si des con­tenus pour des mar­ques, du con­tenu digital. 

 

Vous réalisez aus­si des maque­ttes, notam­ment pour la cov­er du pro­jet de Binks Beatz. C’est ce genre de pro­jet, plus home­made, qui vous plaît le plus ?

 

Oui ! On essaie, quand l’occasion se présente, de sor­tir du for­mat 100% numérique. Que ce soit en pho­to ou en vidéo. Même si ça peut paraître contre-intuitif de faire d’un côté du graphisme et du motion design, et de l’autre des maque­ttes. Mais on aime boss­er de nos mains quand on peut, que ce soit coudre, pein­dre ou fab­ri­quer. Au bureau, on a une pièce dédiée à ça.

 

https://blakhat.fr/gaz120‑2/

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Réalis­er une maque­tte, ça demande plus de temps que de tout faire par ordinateur ?

 

C’est beau­coup plus chronophage oui, mais on a pas de prob­lème à met­tre des semaines, voire des mois, sur une maque­tte. Pour le pro­jet Binks Beatz, une fois la maque­tte réal­isée, plutôt que de se lim­iter aux pho­tos et faire la cov­er pour le vinyle, on a tourné des vidéos pour les réseaux, un making-of, his­toire de créer un max­i­mum de con­tenu. C’est tou­jours un pur kiffe ‑pour nous et pour l’artiste- de le faire en vrai. L’artiste est d’autant plus con­tent quand tu t’investis, que tu pass­es du temps. Pour repren­dre l’exemple de Binks Beatz, l’artiste a adoré la maque­tte, il voulait même qu’on lui envoie, mais impos­si­ble vu la taille, 1m50 par 1m50 (rires). 

 

Lorsque vous col­la­borez avec des artistes, les direc­tives sont strictes ou c’est carte blanche ?

 

Tout dépend des artistes et de leurs équipes. Il ne faut pas non plus con­clure que tous les artistes indépen­dants sont impliqués et que les rappeurs en labels ne le sont pas ! À l’opposé, il arrive que cer­tains artistes avec de gross­es équipes der­rière eux soient très impliqués, et que des indépen­dants s’en fichent. Mais glob­ale­ment, quand un artiste vient de lui-même te deman­der sa pochette et qu’il te fait des retours en t’appelant en Face­Time, on a tout de même l’impression d’avoir quelqu’un de plus impliqué en face de nous.

 

Et en pra­tique, com­ment se déroulent les échanges ?

 

C’est l’artiste ou son équipe qui nous con­tacte lorsqu’ils ont un pro­jet qui sort dans quelques mois ‑ou quelques jours selon la ges­tion des plan­nings (rires)-, et qu’ils aimeraient qu’on bosse là-dessus. Ça arrive qu’on nous con­tacte avec d’emblée des idées assez pré­cis­es. Ça arrive aus­si qu’on nous dise “bon par con­tre, le nom de l’album n’existe pas, mais on veut une pochette, donc débrouillez vous”. On arrive par­fois à écouter les sons en amont, mais c’est de plus en plus rare, surtout quand on bosse avec des artistes sous labels. Ensuite, on planche dessus de quelques jours à quelques semaines, on pro­pose des idées, avec pho­tos ou non, maque­tte ou non, et l’artiste fait des retours. Quelques fois, ça arrive que l’on pro­pose une seule idée et ça passe, et d’autres fois on galère et on est obligé d’envoyer des dizaines d’idées. Il n’y a pas de recette miracle.

 

À côté des rappeurs, vous avez col­laboré avec des per­son­nal­ités et des événe­ments issus du monde d’Internet, comme le Eleven All­stars. Com­ment articulez-vous ces deux profils ?

 

On ne peut pas com­par­er les deux. Pour nous, les créa­teurs de con­tenus sont des artistes à part entière, au même niveau que les rappeurs. Une per­son­nal­ité comme Magh­la crée du con­tenu via une ligne édi­to, elle a donc besoin de créa­tions artis­tiques, ce n’est pas si dif­férent que de faire du motion pour un titrage de clip finale­ment. Le monde d’Internet est un univers vers lequel on se dirige de plus en plus, pas for­cé­ment de notre fait, mais on nous con­tacte beau­coup pour du con­tenu Inter­net non musi­cal. Pour le Eleven All­stars, on était trop con­tent de faire ça alors que c’est un petit pro­jet, rien que pour l’histoire. Il y a un an, la musique représen­tait 80% de notre tra­vail. Aujourd’hui, c’est plutôt l’inverse, ça prend bien moins de place dans notre planning.

 

 

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Quels sont les pro­jets qui vous ont ren­du le plus fier ?

 

Celui pour Sopra­no ! On ne l’a pas fait dans notre coin à dis­tance. On était ensem­ble avec l’artiste pen­dant une journée pour le shoot­ing et le tour­nage. Il a accep­té de porter une per­ruque et des lentilles pour le pro­jet, et il l’a même réu­til­isé pour les NRJ Music Awards. Il y a eu un vrai échange et une vraie direc­tion artis­tique. Donc, même si ce n’est pas notre pochette référence, tout le proces­sus de créa­tion était cool.

 

 

 

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On imag­ine que votre référence, ça reste la cov­er de La Men­ace Fan­tôme

 

On a bossé pour plein d’artistes bien plus con­nus, comme Nin­ho, mais ce n’est pas com­pa­ra­ble à LMF. Pour citer une dernière référence, on se sou­vient surtout de la col­lab­o­ra­tion avec Zikxo, la pre­mière cov­er réal­isée en stu­dio. Pre­mière fois aus­si qu’on nous don­nait un vrai bud­get pour réalis­er une pochette. Et avec le temps, elle vieil­lit bien. En inter­view, les médias par­laient beau­coup à Zikxo de sa pochette, elle a pas mal mar­qué. On a même fait une émis­sion Grünt pour en par­ler. C’était un vrai palier. Le point com­mun entre tous ces pro­jets, c’est le côté humain.

 

 

 

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Quel est votre point de vue con­cer­nant l’étiquette “con­tenu explicite”, présente sur cer­taines covers ?

 

Ça arrive que l’artiste nous le demande ou qu’on choi­sisse de le met­tre. C’est un bon moyen de venir combler un poten­tiel vide ou de créer un équili­bre dans une com­po­si­tion, sans avoir à met­tre la typo du pro­jet. On a l’impression que c’est une mode un peu passée. C’est un peu chi­ant que tout le monde l’utilise, mais c’est mar­rant que ça fasse par­tie de l’héritage hip-hop. Tous les rappeurs du monde savent ce que ça sym­bol­ise et quand tu es un petit artiste, c’est comme un signe d’appartenance à une cer­taine famille.

 

Shavkat 2

Art­work pour la cov­er du sin­gle “Shavkat”, de Freeze Cor­leone — © Blakhat

 

Vous avez récem­ment réal­isé la cov­er du sin­gle “Shavkat” de Freeze Cor­leone. Com­ment s’est déroulée la col­lab­o­ra­tion avec l’artiste ?

 

On était en con­tact avec son man­ag­er, qui s’occupe de cette partie-là. Et c’est lui qui nous fai­sait les retours don­nés par Freeze. Avec le titre du sin­gle, on a com­mencé à creuser. On con­nais­sait déjà le com­bat­tant de MMA auquel Freeze fait référence dans le titre. On sait que Freeze a ten­dance à don­ner un nom à un son parce que ça sonne bien, sans pour autant qu’il par­le de bagarre tout le long. Donc on est pas par­tis pre­mier degré là-dessus. En fouil­lant sur Shavkat, on est tombés sur le dra­peau du Kaza­khstan, d’où il est orig­i­naire, et on s’est dit qu’on allait faire quelque chose avec les motifs du dra­peau, les orne­ments, le soleil… On voulait faire une référence à Shavkat sans que ce soit évi­dent. D’ailleurs, on pense que si on avait pas fait un post sur les réseaux pour expli­quer l’idée, les gens n’auraient peut-être jamais remar­qué. A la lim­ite peut-être un type sur Twit­ter (rires). Ça a été réal­isé en quelques heures, pour­tant le ren­du a extrême­ment bien fonc­tion­né sur nos réseaux.


Pour en voir davan­tage sur les créa­tions de Blakhat, ça se passe ici.